L'art du tissage débute probablement au Néolithique en Europe. Si aujourd'hui la plupart des habitants de la Terre achète des vêtements fabriqués industriellement, certaines populations continuent de préparer et tisser les fibres avec des moyens proches de ceux des origines. Nous vous offrons ici, sous diverses latitudes, un petit florilège de techniques de préparation et de tissage de fibres communes ou rares : coton, chanvre, soie, lotus.
Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 2006-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 30 octobre 2024.
SOMMAIRE
Les métiers à tisser africains, leurs formes, leurs accessoires, leur diffusion ainsi que les processus de fabrication des étoffes, différent selon les régions et les ethnies. Le métier à tisser le plus largement répandu en Afrique occidentale est horizontal, à deux rangs de lisses (ensemble de mailles tendues verticalement côte à côte entre deux planchettes) et à marches (pédales) ; il est toujours actionné par les hommes.
Lieux & dates :
. Filage, cardage : Ethnie Dyan. Village de Bonfesso. Burkina Faso. 2003.
. Tissage : Ethnie Bobo. Bobo Dioulasso. Burkina Faso. 2003.
Durée : 03:20. © Patrick Kersalé 2003-2024.
La séquence pas-à-pas
00:00 - Six femmes de l'ethnie Dyan* préparent les fleurs de coton, un plante abondamment cultivée au Burkna Faso.
00:06 - Les fibres de coton sont torsadées pour en faire un fil.
00:19 - Fleurs de coton dans une calebasse.
00:23 - Égrenage. Cette opération consiste à séparer les fibres du coton des graines qui les portent.
00:35 - Cardage. La femme démêle et aére les fibres avant le filage. L'opération est ici effectuée avec une paire de cardes à main.
00:43 - Filage. Cette opération consiste à préparer un fil de coton d'un diamètre régulier. Les femmes utilisent pour cela un fuseau équipé d'une fusaïole servant à la fois de volant d'inertie et de butée pour le fil. Les plus anciennes fusaïoles connues datent du Néolithique.
01:07 - Préparation du fil de chaîne.
01:22 - Tissage sur un métier étroit par un Bobo de Bobo Dioulasso. En Afrique subsaharienne, il est de coutume de tisser des bandes coton plus ou moins larges qui seront ensuite assemblées. Le fil de chaîne est maintenu tendu par une pierre qui sera peu à peu rapprochée au fur à mesure de l'avancement du travail.
01:43 - Le métier est attaché au bassin du tisserand qui assure la tension du fil de chaîne. Les pédales montent et descendent, séparant les fils. Tout en pédalant, le tisserand passe et repasse la navette du fil de trame entre les fils de chaîne et l'étroite bande de coton est peu à peu enroulée autour du bâton fixé au bas de son ventre.
Les minorités ethniques des confins frontaliers du Viêt Nam, du Laos et du Cambodge tissent encore le coton de manière traditionnelle sur des métiers comptant parmi les plus rudimentaires au monde.
Dans cette séquence, la troupe folklorique Kreung Minority Art répète une danse accompagnée par un ensemble de gongs. Cette musique et cette danse sont traditionnelles mais des mouvements nouveaux et une chorégraphie en ligne ont été créés pour une exploitation scénique. Hommes et femmes portent des vêtements tissés sur des métiers traditionnels. Si autrefois ces minorités récoltaient et teignaient leur propre coton, les fibres industrielles en provenance de Chine ont fait leur apparition depuis quelques décennies.
La tisserande est de l’ethnie Tampuon ; cette dernière et les Kreung qui dansent ici sont culturellement très proches et portent des costumes similaires.
Lieux & dates :
. Musiciens et danseurs : Ethnie Kreung. Cambodge, Prov. Ratanakiri. 2 octobre 2010.
. Tissage : Ethnie Tampuon. Cambodge, Prov. Ratanakiri. 3 mars 2012.
Durée : 02:47. © Patrick Kersalé 2010-2024.
La séquence pas-à-pas
00:00 - Le troupe de musique et de danse Kreung Minority Art et quelques gros plans sur le pan de jupes.
00:21 - Préparation de la chaîne et aboutement des fils par nouage.
00:41 - Préparation de la bobine du fil de trame.
00:59 - Tisserande vue de dos. Remarquez la planche permettant de tendre la chaîne. À droite, une femme porte une hotte en bambou tressé. Dans cette région, tout le portage se fait/faisait ainsi. À l'arrière-plan, une grande jarre en terre pour le stockage de l’eau.
01:02 - Tisserande vue de profil. Le plan de travail (chaîne) est tenu entre le ventre de la tisserande et l’axe vertical de ses pieds.
01:11 - Comptage des fils de chaîne pour créer un motif avec le fil de trame. Positionnement d’une aiguille fixant la combinaison choisie. Envois successifs de la navette et installation des fils de trame.
02:02 - Vue de dessus.
02:08 - Vue de profil. Remarquez la bobine de fil rouge dans la navette tubulaire en bambou.
02:25 - La troupe.
SAMATOA LOTUS TEXTILES est une entreprise sociale pionnière du textile durable. Implantée au Cambodge depuis 2003, elle fabrique les textiles écologiques tout en fournissant des emplois décents, locaux et durables à des femmes.
Nul ne sait objectivement si la fibre de lotus fut exploitée au Cambodge de longue date, mais elle l'était au Myanmar (Birmanie). Le lotus, qui pousse à l'état sauvage dans plusieurs régions du Cambodge, est exploité par SAMATOA pour fabriquer des étoffes, puis des vêtements pour l'industrie mondiale du luxe. La préparation de la fibre est une tâche ardue et méticuleuse et son tissage repose sur quelques secrets bien gardés…
Awen Delaval, le fondateur français de cette entreprise, détaille le processus de fabrication.
Lieu & date : Cambodge. Province de Siem Reap. 2016.
Durée : 05:22. © Patrick Kersalé 2016-2024.
La technique de production la soie date de 2500 AEC. Elle est venue de Chine par la Route de la soie, mais a été tenue secrète jusqu'en l'an 560 EC. Dans l'univers des instruments de musique, elle servait à fabriquer les cordes des luths et des harpes en Chine et en Asie du Sud-Est.
Fondée en Juillet 2002, Golden Silk Pheach est une ONG cambodgienne établie dans la province de Siem Reap, la porte d’entrée des temples d'Angkor.
Le Golden Silk Pheach Preservation Center est l'un des rares producteurs de soie entièrement intégrés dans le monde.
Soucieuse de rétablir et de préserver les fabuleuses méthodes traditionnelles khmères et les techniques de fabrication de la soie, Golden Silk Pheach étend ses plantations de mûriers et ses ateliers sur plus de 12 hectares.
Unique producteur d’étoffes entièrement réalisées à la main, teintes avec des pigments naturels et fabriquées à partir d’une rare espèce jaune et indigène de ver à soie, le Golden Silk Pheach Preservation Center soulève un intérêt croissant parmi les connaisseurs internationaux. Il est aujourd'hui considéré par les professionnels du monde entier comme l'un des fleurons de la soie mondiale. Ils sont sollicités pour fabriquer des pièces uniques à destination des plus grands musées du monde.
Nous vous proposons deux séquences pour illustrer ce travail d'exception. La première est un entretien de la fondatrice de l'organisation, Oum Sophea Pheach, la seconde montre, de manière synthétique, le processus de fabrication de la soie.
Sauvegarde d'un patrimoine
Lieu & date : Cambodge. Province de Siem Reap. 2015.
Durée : 19:56. © Patrick Kersalé 2015-2024.
Du cocon à l'étoffe
Cette séquence, accompagnée par une Allemande de Johann Sebastian Bach interprétée par Wahneta Meixsell, montre combien la création manuelle d'une pièce de soie est proche de celle d'une partition de musique. Il convient de consigner chaque point de croisement des fils de chaîne et de trame sur du papier millimétrique pour dégager le motif. L'agilité des doigts des jeunes femmes khmères, qui investissent leur vie dans ce projet, peut être rapprochée de ceux de l'interprète de cette Allemande.
Lieu & date : Cambodge. Province de Siem Reap. 2017.
Durée : 03:22. © Patrick Kersalé 2017-2024.
La séquence pas-à-pas
00:00 - Le site d'exploitation de Golden Silk Pheach, proche du Parc archéologique d'Angkor, est installé sur des terres pures n'ayant jamais reçu aucun produit chimique. Toute la production y est organique.
00:12 - Plantations de mûriers et récolte matutinale des feuilles avant que le soleil ne darde ses brûlants rayons.
00:16 - La minutieuse découpe des feuilles de mûrier : très fines lanières pour les très jeunes vers à soie, feuilles grossièrement découpées pour les individus plus développés.
00:18 - Nourrissage des vers.
00:25 - Séparation manuelle des vers ayant atteint une certaine maturité.
00:27 - Les vers tissent leur cocon.
00:32 - Papillons reproducteurs, accouplement, œufs.
00:38 - Décreusage de la soie dans de l'eau chaude. Cette opération consiste à éliminer la séricine qui entoure la fibroïne de la soie afin de procurer à la future étoffe toute sa douceur.
00:39 - Extraction du fil de soie. La partie extérieure du cocon donne une soie de diamètre irrégulier, tandis que le centre offre un fil très fin et régulier. Cette composante complique le processus de production car le fil doit être calibré avant d'être tissé, au risque d'avoir des décalages dans les motifs.
01:00 - Préparation des bobines de fil pour le tissage.
01:05 - Préparation des fils de chaîne.
01:00 - Une devata d'Angkor Vat dont les motifs du début du XIIe siècle inspirent la création de Golden Silk Pheach.
01:26 - Création de la “partition” du motif à tisser sur papier millimétrique.
01:33 - Phase préparatoire de la création d'un ikat avant teinture. Cette minutieuse opération consiste à recouvrir, par nouage, les fils de soie qui ne seront pas teintés. Un processus de plusieurs mois pour une seule pièce d'étoffe. Les femmes travaillent tout en gardant leurs enfants. Les plus grands s'occupent aussi des plus petits ! Un formidable espace de convivialité.
01:51 - Si les tâches de préparation du fil, de nouage et de tissage sont essentiellement féminines, la collecte et la préparation des plantes tinctoriales occupent les hommes, généralement les époux des tisserandes.
01:55 - Les femmes plongent les fils protégés par la technique de l'ikat dans des bains de teinture portés à ébullition.
01:59 - Séchage des écheveaux teints.
02:01 - Tisserandes opérant diverses techniques sur des métiers manuels, à l'image d'un orgue liturgique avec claviers, pédalier et tirasses ! Le fil de trame est envoyé manuellement entre les fils de chaîne.
02:31 - Cette tisserande suit sa “partition” et compte les fils pour préparer le motif à tisser. Un travail des plus minutieux.
02:48 - Oum Sophea Pheach, fondatrice de Golden Silk Pheach, qui crée, organise et supervise toute la chaîne de fabrication.
02:56 - Angkor Vat, entouré de sa douve, plus grand temple du monde bâti au début du XIIe s., dont les motifs inspirent la création de Golden Silk Pheach.