La pêche constitue, avec la chasse, l’une des premières activités ayant permis le développement de l’humanité, individuellement et socialement. Si les traces tangibles de pêche artisanale sont extrêmement rares pour le Paléolithique, des outils nous sont parvenus, tels des hameçons et des pointes de harpon.
À travers le monde, de très nombreuses techniques se sont développées au fur et à mesure qu’ont progressé les technologies de la métallurgie et du tissage. Aujourd’hui, certaines sociétés au mode de vie proche de la nature, chasseurs-cueilleurs ou agriculteurs, continuent de pêcher avec des techniques archaïques : pêche à la main, piégeage, nasses, filets de tailles variables, etc.
Ce PAE présente à la fois une tentative de reconstitution d’une pêche au harpon paléolithique et des images vidéos collectées dans des sociétés au faible développement technologique.
Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 2006-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 5 octobre 2024.
SOMMAIRE
. Harpon
. Épervier
. Filet chalutant
. Haveneau
. Panier
. Petit carrelet
. Râteau
. L'homme-cormoran
Alexandre Bartos nous invite à la pêche à la truite avec un harpon à barbelures. Cette arme est constituée d’un long manche terminé par une pointe munie de crochets dénommés barbelures ou barbillons évitant à la proie de s’échapper. Les plus anciennes têtes de harpons connues datent du Paléolithique supérieur. On les fabriquait en os ou en bois de cervidé. Le type utilisé ici est la copie d’une tête retrouvée à Bruniquel dans le Tarn-et-Garonne.
Acteur : Alexandre Bartos. Durée : 01:03. © Patrick Kersalé 2003-2024.
L'épervier est un filet à lancer essentiellement utilisé pour la pêche en rivière, en lac ou en étang. Il est constitué d'un filet circulaire de 3,5 m à 6 m de diamètre lesté de plombs sur sa périphérie et muni d’une corde de jet fixée en son centre. Il peut être lancé depuis la berge, voire en s'avançant dans l'eau, ou depuis une embarcation immobile ou très lente. En Asie du Sud-Est, la pêche à l’épervier est pratiquée individuellement ou en groupe, mais sans qu’il existe une interaction entre les pêcheurs. Sa technique demande à la fois adresse et force. Au Cambodge, il est appelé somnanh សំណាញ់. Cette technique de pêche existait déjà dans ce pays dès la fin du XIIe s. Un bas-relief de la galerie sud du temple du Bayon l'atteste.
Lieu & date : Divers lieux du Cambodge, 2011–2021. Nord du Viêt Nam, 2006.
Durée : 03:15. © Patrick Kersalé 2011-2024.
La séquence pas-à-pas
00:00 - Titre : La pêche à l’épervier.
00:08 - Préparation. Le pliage de l’épervier requiert un savoir-faire transmis par la démonstration de génération en génération ; il répond à un protocole précis qui ne laisse aucune place à l’improvisation.
00:35 - Lancers. Trois lancers vus sous trois angles distincts. Les dernières techniques d’imagerie avec Intelligence Artificielle nous ont permis de créer des ralentis fluides. Le logiciel utilisé reconstitue les images manquantes. Comme notre original avait été filmé en 25 images par secondes, le logiciel a recréé toutes les images intermédiaires pour porter leur nombre à 50. Lancer filmé dans l’axe du pêcheur (+ ralenti 2x).
00:54 - Lancer filmé de profil (+ ralenti 2x).
01:07 - Lancer ralenti 2x, filmé par-dessus grâce à un drone.
01:26 - Retrait. Le pêcheur se trouve en surplomb de l'étendue aquatique. Il remonte le filet aussi lentement que possible afin que les plombs demeurent au fond et ne laissent pas s’échapper les poissons.
02:00 - Nettoyage. Après chaque retrait, il convient de nettoyer le filet afin qu’aucun corps étranger ne vienne enrayer le prochain lancer. Le pêcheur nous gratifie d’un mouvement d’une rare esthétique, amplifiée dans un second temps par un ralentissement par 4 de la vitesse initiale d’exécution.
02:24 - Cycle complet. Cette sous-séquence a été tournée chez les Hmong du Viêt Nam. On y voit la récupération de poissons de belle taille eu égard à la dimension de la marre.
Nous avons dénommé cette technique pêche au “filet chalutant” car le principe est celui du chalut, même si le filet utilisé n’est pas une poche. Il est ici tendu entre deux bambous et traîné par deux personnes. À leurs côtés, une troisième personne manipule un piège manuel angrut អង្រុត permettant à la fois d’effrayer les poissons pour les diriger vers le filet et de les piéger. Le filet traverse de part en part cette mare privative dans un ballet composé d’allers-retours. Les poissons sont poussés vers la rive et recueillis à la main en fouillant sous les herbes. Un enfant suit le ballet avec une bassine en aluminium pour collecter le produit de la pêche. La vidéo présente un seul aller-retour du filet sur un nombre n. À la fin de la pêche, les deux bambous sont réunis et le filet enroulé pour le transport.
Lieu & date : Cambodge, prov. Siem Reap, village de Bakong. 26 novembre 2020. Durée : 02:51. © Patrick Kersalé 2020-2024.
Le haveneau cambodgien est de filet de pêche à pied monté sur un cadre triangulaire ; il est utilisé pour pêcher de petits poissons et des crevettes.
Cette séquence, tournée en fin de saison de pluie, nous montre les environs du lieu de pêche et le village organisé de chaque côté d’une route en latérite. Les champs environnants sont des rizières. Les deux charriots tirés par des bœufs passent sur le petit pont où a lieu la pêche, ajoutant un caractère passéiste à la séquence. Ces petits poissons sont vendus sur place ou consommés par la famille des deux pêcheuses.
Lieu & date : Cambodge, environs de Kampot. 8 janvier 2011.
Durée : 01:36. © Patrick Kersalé 2011-2024.
Cette séquence présente deux outils de pêche semblables mais différents. Il s’agit de sortes de paniers en tressage de bambou ou d’une plante de la famille du rotin dénommée ropeak រពាក់ (Calamus salicifolius) en khmer. Au début de la séquence, la fillette utilise un bangki បង្គី pour attraper les petits poissons cachés dans les herbes bordant le ruisseau ; le rebord du panier n’a pas de “lèvre”. Dans la seconde partie de la vidéo, la femme utilise un chhneang ឆ្នៀង reconnaissable à sa “lèvre” transversale destinée à racler le fond de la mare.
Une danse folklorique a été créée par l’Université royale des Beaux-Arts du Cambodge autour de cet outil de pêche : La Danse de la pêche robam nesat របាំនេសាទ.
Lieu & date : Cambodge, Battambang. 3 janvier 2012.
Durée : 01:55. © Patrick Kersalé 2012-2024.
La pêche au carrelet se pratique un peu partout au Cambodge. Il en existe de petits, manuels, et des grands, nécessitant un treuil. Dans cette vidéo, ce pêcheur opère auprès d’hommes pêchant à l'épervier. Il pose des carrelets en divers points de l’étang dans lequel il se déplace en marchant et les relève tour à tour de manière cyclique.
Lieu & date : Cambodge, Prov. Siem Reap. 2016.
Durée : 01:39. © Patrick Kersalé 2016-2024.
Une pêche peu commune est celle pratiquée avec un râteau très recourbé et emmanché d’un long bambou. Le pêcheur racle le fond herbeux de l’espace aquatique dans lequel il descend. Il enfourche en quelque sorte les poissons qui se tapissent dans les herbes. Les prises sont déposées dans un panier rond tressé avec une espèce de rotin très fin dénommé ropeak រពាក់ (Calamus salicifolius) équipé de flotteurs faits de bouteilles ou bidons en plastique. Si la tâche est rude, la bonne humeur des Cambodgiens prime toujours sur la pénibilité.
Lieu & date : Cambodge, Kampong Cham. 23 décembre 2011.
Durée : 01:43. © Patrick Kersalé 2011-2024.
Devinette : « Je vis dans l’Empire du milieu, vais au travail à vélo, me baigne tout habillé et avec un collier, pêche pour mon maître, me prélasse au soleil et pose comme une star devant les photographes. » Qui suis-je ?
La ville de Dali est située sur la rive ouest du lac Erhai. Elle était, entre le Xe et le XIIIe, la capitale du royaume bai ainsi qu’une étape importante sur la route de la soie. Le lac Erhai est une petite mer intérieure avec ses 42 km de longueur et 9 km de largeur. Très poissonneux, on y dénombre pas moins de 40 espèces de poissons. Les villages qui le bordent vivent de la pêche et de l’élevage de la carpe, poisson de fête dans la gastronomie chinoise. Un grand nombre d’embarcations de pêche, de transport de passagers et de marchandises le sillonnent.
En dehors de la pisciculture et de la pêche au filet, la pêche à l’aide du Grand Cormoran, pratiquée aujourd’hui encore par les hommes peuple bai, constitue l’un des attraits majeurs de ce lac pour les visiteurs du monde entier.
Les cormorans sont élevés et dressés pour cette pêche singulière. Le particularisme naturel du cormoran est d’être un grand consommateur de poisson. Il peut en engloutir plus de 500 g par jour ! La nature a aidé cet oiseau dans sa tâche pour la pêche : contrairement à la plupart des oiseaux, son plumage se gorge d’eau, ce qui lui permet de plonger jusqu’à 25 mètres à la manière d’un plongeur lesté et d’y rester jusqu’à 3 mn.
Afin qu’il n’avale pas les poissons, le pêcheur noue un petit lacet végétal autour du cou de l’oiseau. Les poissons sont ensuite régurgités. Sur une année cumulée, un cormoran peut pêcher 600 kg à une tonne de poissons, ce qui en fait un allié précieux.
La reproduction des cormorans fait l’objet de toutes les attentions. Les couples nidifient sur le bateau de leur propriétaire. Les œufs sont en partie couvés par des poules afin d’optimiser le taux d’éclosion.
Un cormoran peut servir son maître durant environ une quinzaine d’années.
Lieu & date : Chine. Province du Yunnan. Ville de Dali. Lac Erhai. Février 2002. Durée : 13:54. © Patrick Kersalé 2002-2024.
Contexte
La pêche au cormoran tend aujourd’hui à disparaître en tant qu’activité directement nourricière, non quelle soit fondamentalement moins rentable que d’autres formes de pêche traditionnelle, mais elle est plus rémunératrice lorsqu’elle est pratiquée comme une attraction pour touristes chinois ou étrangers : démonstration de la technique de pêche et photographies rémunérées.
La séquence pas-à-pas
00:00 - Situation géographique de l’événement. Calligraphe. Pagode. Vol de cormoran. Pêcheurs sur le Lac Erhai.
01:20 - Le pêcheur prépare les colliers végétaux des cormorans.
01:53 - Un collier végétal, modérément serré, est posé autour du cou de l’oiseau afin qu’il n’avale pas les poissons. Ce collier ne l’empêche pas, toutefois, d’avaler les alevins avec lesquels le pêcheur les encourage.
02:56 - Sur le lac Erhai se pratique également la pêche au filet
03:22 - Le pêcheur tente d’attirer les cormorans vers son bateau. Dans un premier temps, il leur montre le panier contenant habituellement les alevins avec lesquels il les régale, puis communique avec eux en imitant leur voix.
03:32 - Pour inviter les oiseaux à le rejoindre, le pêcheur frappe le fond de son embarcation métallique.
04:23 - Le pêcheur émet de légers sifflements pour attirer les oiseaux.
04:55 - L’homme prépare les alevins avec lesquels il motivera ses oiseaux.
05:11 - Les cormorans sont transférés manuellement depuis le côté terre vers le côté lac car les embarcations gênent leur passage.
06:13 - Gros bâtons d’encens brûlés afin de s’attirer les grâces des divinités (le tournage a été effectué dans la période du Nouvel An chinois).
06:29 - Le pêcheur utilise un chuintement en même temps qu’il lance les alevins.
06:59 - Trois cormorans plongent exactement au même moment, semblant répondre à un énigmatique « mot d’ordre ».
07:37 - Le cormoran à gauche de l’écran a attrapé un poisson ; il le projette légèrement en l’air pour mieux l’avaler. Une seconde plus tard, un second cormoran, situé derrière le premier, attrape lui aussi un poisson (utiliser la fonction image par image du lecteur vidéo).
07:41 - La forme du poisson est bien visible dans le cou du cormoran.
07:56 - Le cormoran, gêné par le poisson qu’il ne peut avaler, est monté à terre pour attendre sa délivrance.
08:17 - Le poisson est dégluti.
08:23 - Pêche traditionnelle au filet.
08:55 - Un autre cormoran a attrapé un poisson.
09:16 - Le pêcheur extirpe le poisson du cou de l’oiseau.
09:49 - Les grandes embarcations à moteur constituent un danger de premier ordre pour les cormorans, motivation supplémentaire pour abandonner ce type de pêche.
09:58 - Le pêcheur inquiet, tente de regrouper ses oiseaux auprès de lui.
10:53 - Des femmes de la minorité ethnique bai débarquent avec leurs lourdes hottes à portage frontal.
10:58 - De retour au port, le pêcheur récupère ses cormorans qui vont faire sécher leurs ailes.
13:00 - Le pêcheur propose à des touristes de passage de faire une photo avec ses cormorans.
13:27 - Que n’aime pas ce cormoran : l’homme ou sa casquette de marque ?