À la fin du XXe s., d’aucuns prétendaient que le XXIe siècle serait féminin ou ne serait pas… Encore aurait-il convenu de définir sous quels cieux ! Les sociétés dans lesquelles la femme n’a que valeur de “reproductrice” les éliminent d’office de cette tendance.
Dans les sociétés agropastorales traditionnelles d’Afrique et d’Asie, force est de constater l’évidente disparité des pratiques musicales entre hommes et femmes. D’une manière générale, si l’instrument de musique est l’apanage des hommes, le chant demeure celui de la gent féminine. Mais il ne s’agit là que d’une tendance. À cela deux raisons majeures.
La première est liée à la domination du monde par les hommes et l’attribution de facto aux femmes des tâches ménagères et vivrières. Dans de nombreuses régions du monde n’existent ni eau courante, ni combustible fossile, ni électricité. La majeure partie du temps de la femme est occupée au puisage de l’eau, à la collecte du bois et à la préparation des repas. Une fois toutes ces tâches accomplies, elle se consacre aux enfants et à l’entretien du foyer. De plus, elle doit bien souvent s’occuper de la culture du potager et des animaux domestiques. Face à un tel constat, comment pourrait-elle trouver le temps d’étudier d’un instrument de musique complexe ?
La seconde raison est liée aux interdits et aux tabous perpétués par chaque tradition, une fois encore sous domination masculine. En Afrique occidentale par exemple, les tambours demeurent l’apanage des hommes. Quant à emboucher une flûte, symbole phallique, c’est tout à fait exclu. Reste donc, aux femmes de la brousse, leurs seuls ustensiles de cuisine qu’elles transforment à l’occasion en idiophones. Pour leur part, les femmes touareg du Sahara, recyclent leur mortier en tambour en y tendant une peau de chèvre, c’est là un fait suffisamment rare pour le souligner.
Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 2009-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 21 juillet 2024.
SOMMAIRE
. Myanmar – Birman – De la cour à la scène
. Cambodge – Khmer – Du bas-relief à la scène
. Cambodge – Khmer – Au service du peuple
. Cambodge, Myanmar, Indonésie – Musiciennes ambulantes
. Burkina Faso – Gan – Tambour d’eau
. Cambodge – Jarai – Flûte de Pan
. Cambodge – Kreung – Flûte de Pan
. Viêt Nam – Hmong – Guimbarde
. Viêt Nam – Si La – Flûte à encoche
. Viêt Nam – Xa Pho – Flûte nasale
. Inde – Rajasthani – Orchestre de bhajan
. Népal – Newar – Ensemble de flûtes traversières
. Viêt Nam – Êdê – Flûte de Pan éclatée
. Viêt Nam – Bahnar – Orgue de bambou à onde de choc
. Laos – Lawae – Tube de bambou à onde de choc
. Laos – Khamu – Ensembles de bambous percutés
. Viêt Nam – Mường – Ensemble de gongs
. Viêt Nam – Lô Lô – Aérophone à anche idioglotte
PAE connexe
Les musiciennes professionnelles
Une pratique musicale féminine existe depuis toujours dans nombres de sociétés, dès lors qu’un statut de musicienne professionnelle leur permet de se consacrer pleinement à un apprentissage, une pratique rémunérée ou une totale prise en charge. C’est notamment le cas dans les cours royales ou princières. L’iconographie antique est riche d’exemples : Égypte, Mésopotamie, Inde, Chine, Japon, Empire khmer, Europe médiévale…
Le progrès et la musique
L’avancée technologique des sociétés rurales favorise, chez les générations les plus jeunes, une émancipation musicale permettant aux femmes d’échapper aux interdits et aux tabous. Dans les sociétés à haut développement technologique, la pratique instrumentale n’oppose plus les sexes, alors hommes et femmes accèdent aux mêmes instruments. Certains, nécessitant plus de force physique, comme les trompes, demeurent plutôt l’apanage des hommes sans qu’il soit question pour autant de discrimination. Parmi les instruments de l’orchestre symphonique, la harpe chromatique semble faire figure d’exception ”positive” pour être plébiscitée par les femmes, sans exclusivité toutefois.
La musique des femmes dans l’Empire Khmer
Dans la société khmère ancienne, au IXe siècle, l’épigraphie révèle que les femmes jouent les instruments à cordes (harpe, luth, cithare), chantent et dansent tandis que les hommes frappent des percussions. Fin XIIe - début XIIIe siècles, les bas-reliefs dépeignent des femmes en train de jouer harpes, cithares, racles et cymbalettes, de chanter et danser à la cour royale. Dans tous les cas, il s’agit d’artistes attachées respectivement au temple et à la cour sans que nous sachions si elles avaient une autre vie en dehors du palais. Mais il semble certain qu’il s’agit de professionnelles. Si l’on se réfère au répertoire traditionnel du Cambodge contemporain, probable reflet de certaines musiques d’autrefois, la complexité de la science musicale khmère ne laisse aucune place à l’amateurisme lorsqu’il s’agit se servir les dieux et de faire rayonner la puissance royale urbi et orbi.
La musique des femmes en Afrique subsaharienne
En Afrique subsaharienne, existent des musiciens professionnels, les griots, aguerris au maniement à la fois du verbe et des instruments. Bien que leurs épouses jouent un rôle de premier plan dans l’activité de cette “caste”, leur rôle se cantonne au chant et parfois au maniement de petits idiophones. La pratique des instruments à cordes et des tambours demeure l’apanage des hommes.
Autrefois, à la cour de Birmanie, les femmes jouaient la harpe. La cour n’est plus, mais la harpe a survécu. Dans les grandes villes du Myanmar, les conservatoires dispensent son enseignement. Même si quelques hommes la pratiquent, les femmes demeurent majoritaires.
La harpe saung gauk dans l'histoire
La harpe saung gauk စောင်းကောက် est l’une des dernières harpes anciennes d’Asie. Elle était attachée à la tradition des dynasties royales bouddhistes de Birmanie. L’instrument contemporain possède seize cordes, mais il n’en pas toujours été ainsi :
Organologie de la harpe saung gauk
La caisse de résonance
En forme de vaisseau, la caisse de résonance est creusée dans un morceau de bois localement appelé padauk (Pterocarpus macrocarpus). La partie supérieure des flancs est finement sculptée de motifs floraux et dorée à l’or fin 24 carats. La partie basse, lisse, est enduite de sept couches de laque noire.
La table d’harmonie est constituée d’une peau de cerf ou de chèvre posée mouillée et clouée sur le rebord supérieur de la caisse. Celle-ci est recouverte, après séchage, de trois couches de laque rouge. De la peau surgit une épine dorsale en padauk percée de seize trous destinés à recevoir les cordes et formant une protubérance du côté de la poupe. Cette épine est enfilée par deux trous pratiqués dans la peau ; sa partie centrale, là où sont fixées les cordes, repose en force sur celle-ci. Trois pièces de bois sont placées à l’intérieur de la caisse de résonance pour éviter l’arrachage de l’épine dorsale lors de la mise en tension des cordes. La proue est décorée d’une boucle de bois sculptée.
Le manche
Le manche est toujours fabriqué dans le matériau spécifié par Myá-wadi Wun-gyì Ù Sá. Son diamètre varie de 30 mm à la base à 28 mm à l’extrémité précédant la feuille symbolique de l’arbre localement appelé bo, sculptée et dorée à la feuille.
Les cordes
Les cordes, originellement en soie torsadée, sont aujourd’hui remplacées par de la microfibre de Nylon, elle aussi torsadée, de même structure que la soie. L’accordage s’effectue traditionnellement avec des cordelettes de coton rouge terminées par des franges fortement serrées autour du manche. Aujourd’hui, les jeunes générations de musiciens utilisent plus volontiers les instruments à clés.
Jeu
Pour jouer, la musicienne, assise à terre, tient la harpe horizontalement sur son flanc droit. Les cordes sont pincées au milieu de leur longueur avec le pouce et l’index de la main droite, tandis que la main gauche se pose le long du manche. L’extrémité du pouce gauche, dont l’ongle est taillé au carré, vient se placer contre les cordes pour hausser la hauteur du son et faire des fioritures.
Accordage
Il existe quatre systèmes d’accords anciens et deux plus récents introduits à la fin du XIXe siècle. Tous sont pentaphoniques, mais le jeu est basé sur des modes heptaphoniques.
Répertoire
Le répertoire de base du saung gauk စောင်းကောက် est constitué de 13 kyò (littéralement “cordes”), chants remontant probablement au début du XIVe siècle. Ils sont composés dans le plus ancien des quatre systèmes d’accords de la harpe, hnyìn-lon. Le répertoire accessible à la harpe s’avère cependant plus large et compte plusieurs centaines de pièces contenues dans deux anthologies imprimées (Maha Gi-tá et Gi-tá Wi-thàw-dani). Ces chants relèvent des catégories suivantes : anciens chants birmans de cour, chants d’origine thaïe, chants pour le culte des esprits, complaintes, chants d’amour, chants saisonniers. Si l’ensemble des textes est répertorié et véhiculé par la tradition écrite, les mélodies, en revanche, se transmettent oralement.
Lieu & date : Myanmar. Théâtre de Marionnettes de Mandalay. Décembre 2005. Durée : 02:38. © Patrick Kersalé 2005-2024.
La séquence pas-à-pas
00:00 - La harpiste joue sur une harpe moderne avec manche élargi et clés d’accordage. Seuls le pouce et l’index sont utilisés dans le jeu de la main droite. On remarquera l’utilisation de l’index de la main gauche dans le registre grave. Devant la harpiste, le support laqué de la harpe.
01:29 - Les cymbalettes si et le bloc de bois percuté wa, bases de l’accompagnement traditionnel de la harpe.
01:43 - Le pouce de la main gauche appuie sur la corde pour hausser la fréquence de la note.
Dans quelques rares cas, la place des femmes dans la pratique instrumentale tente de se redessiner pour commémorer le passé, comme ici, au Cambodge, où ce groupe de jeunes femmes redonne vie à des instruments de cour disparus depuis six siècles, mais reconstitués pour les nécessités de la recherche par Patrick Kersalé. L’archéologie expérimentale donne alors lieu à ce prodige !
Lieu & date : Cambodge. Siem Reap. Mars 2015.
Durée : 01:58. © Patrick Kersalé 2015-2024.
La séquence pas-à-pas
00:00 - Ensemble de musique de cour du roi Jayavarman VII (1181-1220). L’orchestre se compose d’une harpe angkorienne, d’une cithare sur bâton à double résonateur en calebasse, d’un racleur et d’une paire de cymbalettes. La danseuse effectue une chorégraphie classique du Ballet royal du Cambodge.
00:13 - Bas-relief du temple du Bayon. L’orchestre est représenté a minima car le sculpteur avait la contrainte de représenter une large scène sur une faible surface. Il est bien entendu qu’aucun bas-relief de ce temple n’est colorisé. Cet artifice a pour objectif d’offrir une lecture améliorée des détails. De gauche à droite nous pouvons voir deux femmes au rôle indéfini (des invitées ?), une cithariste, puis une harpiste au premier plan. La harpe est particulièrement bien représentée avec onze cordes et sa caisse de résonance naviforme munie d’un pied à l’avant. Quant à la cithare, elle présente deux résonateurs en calebasses. Derrière ces deux instrumentistes, probablement deux percussionnistes (racle et cymbalettes). Au centre, une chanteuse reconnaissable à son chignon à boucles et son doigt tendu signifiant sa prise de parole. Enfin, deux danseuses.
00:45 - Bas-relief du temple du Bayon. Scène physiquement proche de la précédente s’inscrivant sur un mur plus large. Le sculpteur a représenté l’orchestre en doublant tous les instruments qui doivent l’être. Soit, de gauche à droite, quelques femmes au rôle incertain (invitées ?), deux danseuses, la première chanteuse reconnaissable à son chignon à boucle, son doigt tendu et sa bouche ouverte, une joueuse de racle, la première cithariste, deux harpistes (harpe à vingt-et-une cordes), la seconde cithariste, la seconde chanteuse jouant également les cymbalettes.
01:21 - Bas-relief du temple du Bayon. Nous avons souhaité présenter ce bas-relief pour démontrer que les orchestres religieux ne sont l’apanage des femmes. Ce bas-relief se trouve dans une antichambre contiguë à l’une des huit salles de danse du Temple (Sud-Est). Il semble que le sculpteur ait souhaité représenter le lieu même du temple. Ici, de gauche à droite, le joueur de cymbalettes, un harpiste, un joueur de racle, un chanteur, deux danseuses et quatre femmes au rôle indéfini. L’orchestre est une fois encore réduit à sa plus simple expression, faute de place. Il existait des tambours dans les orchestres palatins et religieux mais ils ne sont jamais représentés dans l’iconographie khmère.
Lieu & date : Cambodge. Phnom Penh. Novembre 2019.
Durée : 09:02. © Patrick Kersalé 2019-2024.
Madame Sem Soy, originellement chanteuse de ayai អាយ៉ៃ et de mahori មហោរី décide, après mûre réflexion et sur les conseils de professionnels éclairés, d'apprendre à jouer le chapei ចាប៉ី ou Chapei Dang Veng ចាប៉ីដងវែង (appellation officielle) classé en 2016 par l'UNESCO sur la “Liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente”. Ce luth à manche long est un instrument d'auto-accompagnement d'une certaine littérature orale qui va de commentaires de la philosophie bouddhique (Dharma) aux commentaires humoristiques des histoires de cœur, en passant par l'éducation au sens large. Si aujourd'hui le chapei est essentiellement joué par les hommes, il n'en a pas toujours été ainsi. À la cour du roi Norodom Ier (1834-1904), les musiciennes en charge de la production de la musique mahori, étaient exclusivement des femmes entretenues par la Cour. Au XIXe s, le chapei était donc joué par les femmes à la cour, mais par les hommes dans le peuple. Puis, au cours au XXe s., l'orchestre de la cour se masculinise. Nous voyons, dans cet exemple récent — à l'échelle d'un siècle — que dès lors que les femmes sont supportées par une institution, elles peuvent produire une musique savante. Dans la paysannerie cambodgienne, il est impensable qu'une femme puisse dégager suffisamment de temps pour jouer un tel instrument dont la pratique est complexe à de nombreux égards. Le jeu technique du chapei n'est pas excessivement difficile dans le cas d'un auto-accompagnement, mais demande tout de même des heures d'entraînement. La partie la plus délicate concerne la “littérature orale” qui se base sur une connaissance approfondie de divers domaines de la culture khmère.
Même les hommes ne connaissent pas tous les sujets de tous les domaines, chacun a en quelque sorte ses spécialités et sa méthode. S'il fallait donner une image de la profession de chanteur s'accompagnant au chapei, on pourrait la comparer à celle d'avocat. Il existe des avocats spécialisés dans chaque domaine, chacun avec ses connaissances et sa manière de plaider. De même, les joueurs de chapei sont parfois amenés à chanter au cours de joutes verbales dans lesquelles ils doivent défendre un point de vue et apporter la contradiction.
Dans le cas de Mme Sem Soy, il y a eu une volonté forte d'aller au-delà de ses savoir-faire habituels et le courage d'affronter un monde machiste dans lequel les égos sont parfois forts. Elle a également eu le courage d'aller jouer en première ligne à la télévision. Par ailleurs, elle a développé un style de jeu spécifique et des thématiques peu abordées par les hommes. C'est une pionnière. Depuis le classement de l'instrument par l'UNESCO, quelques très jeunes filles pointent le nez sur la scène du Festival de Chapei Dang Veng, mais de là à devenir des chanteuses accomplies, beaucoup de chemin reste à parcourir et d'obstacles à franchir.
Dans cet entretien, Sem Soy évoque le fait que certains parents s'opposent à la pratique du chapei par leurs rejetons, de crainte qu'ils ne deviennent aveugles. Il s'agit une croyance bien ancrée dans la société khmère. Qu'elle en est la source ? Les plus grands joueurs de chapei connus au XXe et XXIe s. étaient aveugles.
À ce jour, Kong Nay, qui fut le premier maître de Sem Soy, a le titre de “Trésor national”. À l'international, on le surnomme le “Ray Charles du Cambodge”. Il est devenu aveugle suite à une rougeole non-soignée. Le chapei est une manière, pour les non-voyants, de gagner leur vie. Nous en avons connu un, dans les années 2010, qui jouait dans le quartier le plus fréquenté de Phnom Penh en faisant la manche. Kong Nay, lui, est très sollicité par les chaînes de télévision du Cambodge et par les festivals internationaux. Quant à maître Prach Chuon (1936-2019) évoqué par Sem Soy, il était véritablement le plus grand interprète de la philosophie bouddhiste, de la fin du XXe au début du XXIe siècle. On pouvait l'entendre à la radio dans la rue, abreuvant les oreilles et l'esprit d'un peuple qui lit très peu. En effet, même si le khmer est une langue écrite, sa lecture est rendue difficile par son système scriptural dans lequel tous les mots sont attachés. Dès lors que l'on perd l'habitude de lire, la lecture se fait de plus en plus difficilement. Les chantres aveugles s'accompagnant du chapei ont donc trouvé une niche dans le paysage culturel des Khmers du Cambodge et de la diaspora la plus âgée. Si les femmes étaient soutenues par l'état cambodgien, les plus talentueuses pourraient, à ce titre, trouver une place de choix dans la société. Ce ne sont pas les sujets qui manquent !
Les musiciens ambulants sont nés en même temps que les villes. Ils existent dans presque tous les pays du monde, tout du moins là où la musique n’est pas bannie de la culture. En Asie du Sud-Est, il n’est pas rare, aujourd’hui encore, de croiser dans les rues, sur les marchés ou dans les lieux touristiques, des musiciens professionnels mendiants, généralement non-voyants. Ils jouent à une place fixe, laissant les passants venir à eux ou bien se déplacent pour aller au-devant d’eux. Lors de leurs déplacements, ils sont accompagnés par leur époux, épouse ou un enfant.
Nous présentons dans cette séquence trois exemples de couples faisant profession de musiciens-ambulants. Dans deux des exemples (Cambodge et Myanmar), l’un des deux est non-voyant.
Lieux & dates :
. Cambodge. Siem Reap. Décembre 2005Durée : 02:28. © Patrick Kersalé 2005-2024.
La séquence pas à pas
00:00 - Ce premier couple de musiciens jouait, à l’époque de notre tournage, sur le site archéologique de Bakong, là où fut construit le temple éponyme au IXe siècle, l’occasion pour ces musiciens de partager utilement leur culture auprès des touristes internationaux. En 2020, avant la pandémie de COVID 19, la femme y était encore.
Cet ensemble réduit se compose d’une cithare et d’une paire de cymbalettes chhing ឈិង. La cithare sur caisse krapeu ក្រពើ (litt. crocodile) est répandue dans la pratique musicale khmère. Elle avait autrefois la forme d’un crocodile. Son origine est probablement môn. Elle possède trois cordes de Nylon grattées avec un plectre court en os (autrefois en ivoire) et douze frettes. Elle est utilisée dans les orchestres de musique de cour mahori មហោរី et de mariage phleng kar ភ្លេងការ. Quant aux cymbalettes, elles constituent la base rythmique indispensable de tous les orchestres khmers depuis au moins le VIIe s., date de la première iconographie connue.
00:35 - Ce second couple a été filmé, lui aussi, sur un site touristique près de Mandalay. L’homme, non-voyant, joue de la mandoline. Sa femme l’accompagne avec les percussions de base des orchestres birmans, les cymbalettes si စည်း et les cliquettes wa ဝါး. Ils interprètent des chants traditionnels birmans.
01:22 - Ce troisième couple joue habituellement devant un restaurant touristique de la ville de Solo à Java. Pour les besoins de notre tournage, nous nous sommes installés dans l’arrière-cour de l’établissement afin d’échapper aux nuisances sonores de la circulation.
Il est rare de rencontrer des femmes jouant le tambour, ici un kendang. La cithare siter présentée ici est réversible ; elle permet de jouer d’un côté en mode pelog et de l’autre en mode slendro. Le cithariste pince les cordes à l’aide d’onglets métalliques fixés à ses pouces.
Au Burkina Faso, dans le royaume Gan, les femmes fabriquent du beurre de karité avec lequel elles cuisinent et s’enduisent le corps. Son élaboration dure de longues heures. Pour se donner du courage, elles chantent. Le chant est rythmé par un tambour d’eau dʋgʋko minige constitué de deux calebasses en flottaison, percutées avec une louche, elle aussi en calebasse. Cet instrument éphémère est réalisé à partir d’ustensiles de cuisine. Une femme âgée, ne pouvant directement contribuer au pénible pilonnage, joue le tambour d’eau. Chacune, selon sa compétence, devient tour à tour soliste à l’image du pilon passant de main en main. Les chants au caractère éducatif dépeignent la société gan, les rois des temps passés, les us et coutumes… Lors de ces moments privilégiés, garçons et filles de l’environnement s’éduquent par imprégnation. On notera la beauté de ce chant responsorial où s’entrelacent la voix soliste et le chœur, de même que l’énergie de ces femmes qui, dans leurs moments de repos, trouvent encore la force de frapper dans leurs mains.
Lieu & date : Burkina Faso. Province du Poni. Village d’Obiré. Décembre 1999.
Durée : 01:20. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Au Cambodge, quelques rares femmes Jarai connaissent encore le jeu du đĭng djön, un instrument apparenté à tort à une flûte, en l’occurrence une flûte de Pan en faisceau. En effet, les tuyaux sont maintenus à distance pour recevoir un jet d’air grossier. Or aucune lame d’air ne vient se briser sur un biseau pour créer un son défini comme c’est le cas pour les flûtes. Il s’agit plutôt d’un bruit blanc contenant toutes les fréquences voisines du son fondamental défini par la longueur du tuyau, enrichi harmoniquement par les tubes adjacents. Contrairement à une flûte de Pan, les tuyaux sont ici ouverts à leur extrémité inférieure.
Pour jouer, la musicienne présente l’ouverture des tubes à une dizaine de centimètres de sa bouche et envoie de l’air à l’intérieur en déplaçant simultanément l’instrument et la tête.
L’instrument peut également être joué par deux femmes, l’une dans la position décrite et l’autre placée à l’extrémité inférieure, cette dernière jouant un ostinato sur le tuyau le plus grave. Le souffle de la musicienne s’accompagne d’un frullato (roulement de langue rapide). Afin de rendre plus vivante encore la pièce musicale, elle ajoute un accompagnement rythmique en brossant avec le pouce l’extrémité supérieure des tuyaux les plus accessibles. Cet ostinato s’apparente au canon musical des ensembles de gongs, instruments majeurs et référents des Jarai. Les mélodies interprétées sur cet instrument sont avant tout des chants, principe caractéristique de tout le répertoire instrumental des peuples de cette région.
Lieu & date : Cambodge. Province du Ratanakiri. Village de Kon Choeung. Février 2010. Durée : 02:03. © Patrick Kersalé 2010-2024.
La séquence pas-à-pas
00:00 - Traditionnellement, les Jarai, comme tous les peuples des confins frontaliers du Cambodge, du Laos et du Viêt Nam, cultivent le riz sur brûlis. Aujourd’hui, les lois gouvernementales interdisent ces pratiques mais l’extrême précarité dans laquelle ils vivent ne leur laissent pas le choix. De plus, la déforestation sauvage pratiquée par des compagnies nationales et internationales sur leurs terroirs ancestraux ne les invitent pas aux états d’âmes. Sur ces terres, ils continuent d’habiter, de cultiver, de chasser et de cueillir comme ils le font depuis toujours. Mais leurs jours sont désormais comptés.
00:48 - Remarquez la tenue horizontale de l’instrument permettant à une seconde musicienne de jouer un ostinato à l’autre extrémité. Remarquez également le pouce droit qui brosse les tuyaux accessibles.
01:31 - Rizière de montagne, par opposition à la rizière irriguée des plaines.
Même remarque que pour la séquence précédente concernant l’organologie de l’instrument. Il est en quant à lui classé comme ”flûte de Pan en radeau”. Dénommé het hot — terme onomatopéique — cet instrument de huit tuyaux est habituellement joué sur le perron ou à l’intérieur de la maison sur pilotis. Les filles kreung apprennent à jouer dès l’adolescence car l’instrument est impliqué dans les rituels de cour d’amour. Elles le jouent généralement la nuit et le son "buk buk" indique que la jeune fille a des sentiments pour le garçon qui chante ou joue sous sa maison. Elles pratiquent aussi cette flûte en groupes durant la journée sous forme de compétitions informelles.
Ici, la mélodie est conduite par une alternance de souffle continu simple et de frullato. Un accompagnement rythmique est réalisé en brossant avec le pouce droit les trois tuyaux les plus graves. On remarquera à ce propos que le second tuyau est plus proche de la musicienne d’environ un centimètre afin de permettre au pouce de frapper le premier tuyau avec force et ainsi de générer un son.
Les plans de coupe témoignent de l’importance du buffle pour les Kreung en particulier, et chez toutes les ethnies des régions frontalières du Cambodge, du Laos et du Viêt Nam. Cet animal y est totémique. Il représente l’offrande sacrificielle la plus importante offerte aux génies qui peuplent leur univers spirituel.
Lieu & date : Cambodge. Prov. du Ratanakiri. Vill. de Pok Thom. Février 2010.
Durée : 02:21. © Patrick Kersalé 2010-2024.
Au nord du Viêt Nam, les jeunes filles (et garçons) hmong utilisent une guimbarde (ncas, prononcer ncha) dans leurs rituels de cour d’amour. Dans cette pratique, ce sont les tons de la langue qui imposent la mélodie. Le jeu rythmique du doigt compose l’initiale de chaque mot tandis que l’ouverture plus ou moins grande la cavité buccale forme les voyelles. Ajoutons à cela la poétique et les métaphores du texte, on comprendra alors la subtilité d’un tel langage amoureux. Cette guimbarde est confectionnée dans une fine feuille de laiton. Elle mesure une dizaine de centimètres de long et un centimètre de large. Quand elle n’est pas utilisée, elle est rangée dans un étui de bambou.
À propos de la séquence, on comprendra aisément que la femme qui joue devant notre caméra a passé l’âge des rituels amoureux accompagnés de guimbarde et que les amants ne convoquent pas les médias lors de leurs dialogues intimes ! L’ethnomusicologue doit ainsi savoir composer au-delà de la musique elle-même…
Lieu & date : Viêt Nam. Province de Lai Châu. District de Sìn Hồ. Commune de Xã Hồng Thu. Novembre 2005. Durée : 02:31. © Patrick Kersalé 2005-2024.
Au nord-ouest du Viêt Nam, près de la frontière laotienne, les femmes de l’ethnie Si La jouent une flûte à encoche en bambou (la bí) pour leur plaisir personnel et celui de leur entourage. Elle comporte deux trous de jeu : un latéral et l’autre terminal. L’instrument est joué avec une seule main. Pour notre tournage, les femmes sont allées couper le bambou dans le village et l’ont fabriqué sur le champ. Nous l’avons évoqué en introduction, les instruments embouchés, joués par les femmes, sont rares. Ici, la flûte est posée sous la lèvre inférieure. Est-ce une manière de détourner un interdit si toutefois il en exista un ?
On pourra comparer la structure mélodique exécutée sur ces deux flûtes à ce chant interprété par ces deux mêmes femmes ; on comprend dès lors que la musique instrumentale n’est autre qu’une transposition du chant sur les instruments.
Lieu & date : Viêt Nam. Commune de Xi Tho Chai. Février 2001.
Durée : 01:17. © Patrick Kersalé 2001-2024.
Au nord du Viêt Nam, dans l’ethnie minoritaire Xa Pho (prononcer safô) il n’est toujours pas question d’emboucher la flûte. Le principe réside alors dans un jeu nasal. Cette flûte de divertissement personnel est nommée kú kè.
Lieu & date : Viêt Nam. Province de Yên Bái. District de Văn Yên. Commune de Châu Quế Thượng. Mars 1999.
Durée : 00:52. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Inde – Rajasthani – Orchestre de bhajan
En Inde, les femmes ont longtemps tenu une place prépondérante dans l’animation des rituels hindous, notamment comme devadasi c’est-à-dire ”servantes des dieux”. Mais en 1910, l’Inde ordonne l’interdiction de leur service dans les temples sous la pression des Britanniques.
Si aujourd’hui les danses religieuses ont disparu, des musiciennes officient çà-et-là, comme ici au Rajasthan. Les femmes jouent des instruments à percussion pour annoncer les temps cérémoniels et pour accompagner les chants du bhajan. Le bhajan est un chant dévotionnel hindou décrivant entre autres les exploits, les vertus, les enseignements et les attributs des divinités. Il existe à la fois des textes très anciens et des compositions modernes.
Au soleil couchant, les brahmanes répètent depuis des siècles ces mêmes gestes d’offrandes des cinq éléments aux divinités. Au cours de la cérémonie d’aarti, l’officiant offre successivement l’eau, la terre représentée par une fleur, le feu sous la forme d’une lampe à huile, tout en agitant une clochette de sa main gauche, l’air symbolisé par un éventail en queue de yack. Le cinquième élément de la tradition hindoue est l’espace, ”celui qui enveloppe tout”, symbolisé par une pièce de tissu.
Lieu & date : Viêt Nam. Inde. Rajasthan. Ville de Mandawa. Temple Shri Raghunathji consacré à Krishna et Radha. Thượng. Février 2006.
Durée : 02:30. © Patrick Kersalé 2006-2024.
Dans la vallée de Kathmandou, les Newar, femmes et hommes, constituent des groupes de musique accompagnant les cérémonies bouddhistes, hindouistes et les cortèges de mariages. Si elles sont autorisées à jouer la flûte traversière, elles sont en revanche exclues des orchestres de tambours dhimay baja. Cet interdit prend peut-être sa source à une époque où ces ensembles servaient à effrayer les tigres et autres félins rôdant dans la vallée. Les femmes n’ont pas le droit d’approcher les tambours ni de se prosterner devant la représentation du dieu de la musique Nasahdyah.
Lieux & dates :
. Bhaktapur. Novembre 2011.Durée : 02:21. © Patrick Kersalé 2008-2024.
La séquence pas-à-pas
00:00 - Bien que nous soyons dans la vallée de Kathmandou (à Bhaktapur), cet ensemble de flûtes et percussions est composé de membres d’une caste d’agriculteurs newar appelée Jyapu ou Maharjan (terme honorifique). C’est à ce titre que nous avons retenu cette séquence pour illustrer notre propos. Les Jyapu se revendiquent primo-habitants de la vallée de Kathmandou. Ils sont en majorité bouddhistes, mais d’une branche très influencée par l’hindouisme, une forme du bouddhisme Mahayana. Chaque quartier jyapu de Katmandou possède son propre ensemble de bamsuri. Nous ignorons en revanche depuis combien de temps les femmes sont intégrées dans ces ensembles et si cela est généralisé à tous les jyapu. Ici, femmes et hommes se partagent le pupitre des flûtes. En revanche, les percussions sont exclusivement masculines. Cette procession accompagne un mariage. On peut entendre, en arrière plan, un autre ensemble musical, celui des Damai, composé de trompes, de hautbois et de percussions.
00:46 - Nous sommes ici dans une autre ville de la vallée de Kathmandou : Kirtipur. Il s’agit d’une cérémonie bouddhiste typiquement newar, le pseudo-mariage ihi (bel bibaha) des petites filles au fruit de l’arbre bel, symbole de Vishnu. La particularité de ce fruit, dont la traduction serait ”pomme de bois”, est de ne jamais s’altérer ni par flétrissement ni par pourrissement. Au cours de leur vie, les filles newar se marient trois fois : la première à bel (Vishnu), la seconde, au moment des premières menstruations, au Soleil (Bahra) et la troisième, à un homme. Ainsi, en cas de décès du mari, la croyance stipule que la femme n’est pas totalement veuve puisque mariée à Vishnu et au Soleil.
Dans toutes les cérémonies bouddhistes du Népal, il y a toujours don et contre-don, en nature (riz, nourritures), symboliques (initiation et secrets initiatiques), numéraire ; c’est ce qui s’exprime ici dans les plans de coupe.
Comme précédemment, le pupitre de flûtes est partagé. Un homme et une femme dansent.
En Asie du Sud-Est, chez les minorités ethniques (Montagnards) habitant les zones forestières des confins frontaliers du Viêt Nam, du Laos et du Cambodge, on rencontre des femmes jouant des instruments en bambou d’apprentissage intuitif. En effet, dès lors que l’on sait chanter, il suffit de substituer l’instrument à la voix. Il s’agit d’une pratique collective à l’image de la société dans laquelle chacun a une compétence mise au service de la collectivité villageoise. Dans le cas de la construction d’une maison, collective ou individuelle, ou bien de gros travaux champêtres, tout le village participe. Ainsi, les organisations mélodico-rythmiques sont construites à plusieurs, chacun ne jouant qu’une note de l’échelle pentatonique.
Chez les Êđê, le đing tŭt (đing = tuyau, tŭt = onomatopée simulant le souffle dans la flûte) est un ensemble de six flûtes à embouchure terminale jouées avec la technique du hoquet. On peut considérer cet ensemble comme une flûte de Pan éclatée en éléments individuels, d’autant que cette ethnie pratiquait autrefois un instrument à l’image de celui des Kreung du Cambodge décrit plus haut. Chaque élément est constitué d’un tube de bambou. Pour sa fabrication, on accorde grossièrement les tuyaux en les coupant à la longueur souhaitée, puis on affine leur accordage relatif en ajoutant de l'eau. Comme les tuyaux sont coupés perpendiculairement, sans artifice permettant de faciliter l’émission du son, les musiciennes placent le pouce et l’index de chaque côté de l’embouchure afin, d’autre part, de guider la lame d’air vers le biseau, et d’autre part, d’augmenter la pression d’air et, par conséquent, la puissance sonore.
Les règles définissant le jeu des đĭng tŭt sont similaires à celles du jeu des gongs pratiqués par les Êđê, mais peuvent accuser certaines variantes. On utilise d’ailleurs l’expression “đĭng tŭt tông čing” c’est-à-dire le “đĭng tŭt joué à la manière des gongs”.
Le đĭng tŭt était autrefois joué lors des funérailles (dans la maison autour du corps du défunt et sur le lieu de l’enterrement), lors des cérémonies d’abandon de la tombe, ainsi que dans les champs au début de la saison des pluies. Il était interdit de le jouer dans la maison en dehors des circonstances de funérailles et éventuellement de certaines grandes occasions.
Le répertoire est constitué d’imitations : bruits de la nature, activité et environnement humain, extériorisation de sentiments humains.
Autrefois, dans les champs, on fabriquait le đĭng tŭt avec des tiges de courges ou de riz si l’on n’avait pas de bambou à portée de main. Aujourd’hui, les femmes utilisent parfois des bouteilles de verre plus ou moins remplies d’eau.
Lieu & date : Viêt Nam. Province du Đắk Lắk. Commune de Ban Mê Thuot (Buôn Ma Thuột). Hameau de Buôn Akõ Dhông. Mars 2002.
Durée : 01:07. © Patrick Kersalé 2002-2024.
Les Bahnar du centre du Viêt Nam sont détenteurs, à l’instar de quelques autres minorités ethniques, du seul instrument au monde à être joué sans contact physique, le ding but. Traditionnellement utilisé par les femmes lors des fêtes villageoises, il officie depuis quelques décennies à l’église, sous l’impulsion des missionnaires catholiques.
Il s’agit du même principe d’excitation que pour celui de la séquence suivante mais avec des tuyaux de bambous multiples disposés de façon à permettre un jeu mélodique en hoquet. Chaque intervenante joue un nombre limité de notes. Ensemble, elles interprètent des mélodies du répertoire chanté. Ces femmes chrétiennes appartiennent à la communauté religieuse des Sœurs de la Médaille Miraculeuse de Kontum.
Lieu & date : Viêt Nam. Commune et province éponyme de Kontum (Kon Tum). Mars 2002.
Durée : 01:56. © Patrick Kersalé 2002-2024.
Au sud du Laos, les femmes lawae s’adonnent à un jeu sonore qui n’est simple qu’en apparence. Il s’agit de créer une onde de choc dans un tuyau de bambou en frappant avec les deux mains positionnées en cuillère. Tandis que l’une envoie de l’air sous pression à la base du tube, l’autre bouche et débouche rythmiquement la partie supérieure du tube.
L’introduction de la séquence montre combien le rythme, même si cela est anecdotique, est présent dans les activités quotidiennes des femmes : bercement, décorticage du riz par pilonnage notamment.
Lieu & date : Laos. Province d’Attapeu. Village de Pâm. Janvier 2006.
Durée : 04:03. © Patrick Kersalé 2002-2024.
La séquence pas-à-pas
00:00 - Route latéritique menant vers le village.
00:07 - Les minorités ethniques vivant dans cette région du monde habitent principalement des maisons sur pilotis afin de se protéger de la montée des eaux durant la mousson. Autrefois, lorsqu’ils se déplaçaient et travaillaient avec les éléphants, les pilotis étaient suffisamment hauts pour monter sur leur dos et en descendre depuis le perron de la maison.
00:12 - Le bercement des enfants dans un hamac est une activité villageoise constante. Parfois, les femmes accrochent un lien à leur pied et continuent le bercement tout en travaillant avec leurs mains.
00:35 - Le décorticage du riz par pilonnage est une corvée que les femmes partagent à deux, voire à trois, dans un même mortier. C’est, pour l’auditeur, une douce musique rythmique lorsque les pilonnages s’entrecroisent dans le village.
01:02 - Pendant ce temps, un homme prépare deux bambous à onde de choc pour notre tournage avec son long couteau multifonctions (genre de couteau suisse mono-lame !). En effet, cet outil peut à la fois servir à abattre un arbre ou à tailler un cure-dent.
01:17 - Entre deux séances de pilonnage du paddy ou ”riz en paille”, le grain de riz libéré de sa balle est vanné afin de le débarrasser de cette dernière. Tant que toute la balle n’est pas libérée, les grains sont remis dans le mortier.
01:51 - Jeu à deux sur un tuyau de bambou. À 02:34, on observera la position des mains en cuillère.
02:47 - Alternative au pilage manuel, le pilage à pied.
03:13 - Jeu à quatre sur deux tuyaux de bambou. Remarquez la parfaite simultanéité du jeu à quatre mains.
03:36 - Sortie du village par un chemin forestier. Autrefois, les Lawae vivaient dans la forêt primaire, mais aujourd’hui ils résident dans des villages de regroupements. La forêt a malheureusement subi d’importantes coupes, laissant sur pied des arbres de peu d’intérêt économique… quand la forêt n’a pas été rasée purement et simplement.
Cette séquence présente l’instrumentarium festif des grandes occasions de l’ethnie Khamu du village de Ban Na dans la province d’Oudom Xai au Laos. Le tournage a été réalisé hors contexte, les villageois s’étant prêtés de bon gré à organiser ces festivités spécialement pour notre tournage, ce qui n’enlève rien à son authenticité.
De bon matin, les hommes du village partirent en forêt pour y couper des bambous. De retour vers seize heures, tous les hommes compétents se rassemblèrent sur la grand-place pour construire des percussions mélodiques éphémères. En effet, une fois la fête terminée, elles sont abandonnées car le bambou, pour se conserver, aurait dû être plongé durant plusieurs mois dans l’eau afin de le prémunir contre les fissures et les insectes xylophages.
Sur le champ de la fête, se côtoient des joueurs d’instruments en bambou, en bronze et des chanteuses.
Sur le plan ethnomusicologique, la particularité de cette fête est liée à la simultanéité de jeu, dans un espace restreint, de trois ensembles :
C’est ce que l’on dénomme, une polymusique. Elle résulte de l’entrelacement des instruments de bambou, de bronze, des voix d’hommes et de femmes.
Les bambous mélodiques, les bambous pilonnants et les percussions de bronze sont joués par les adultes tandis que la danse des bambous est pratiquée par les jeunes filles.
Les scènes dépeintes ici sont emplies de fraîcheur. Les musiciens ne sont pas des professionnels. En dehors du bref temps de la fête, ils n’ont pas l’occasion de répéter. Aussi, on comprend mieux leurs hésitations passagères au moment du premier contact avec l’instrument. La difficulté du jeu réside dans la pratique du hoquet, c’est-à-dire la réalisation d’une mélodie par plusieurs intervenant, chacun jouant à son tour une seule note, à l’image de la flûte de Pan éclatée des Êđê et de l’orgue à onde de choc, décrits plus haut.
Lieu & date : Laos. Province d’Oudom Xai. Commune de Ban Na. Janvier 2006.
Durée : 03:51. © Patrick Kersalé 2006-2024.
Sujet associé
Chez les Mường du nord du Viêt Nam, les femmes jouent les ensembles de douze gongs, une exception dans cet univers quasi dominé par les hommes dans les hautes régions du centre du pays. Les gongs animent les fêtes villageoises de la naissance à trépas, en passant par l’inauguration des maisons et les mariages. Contrairement aux ensembles de gongs des minorités des hauts plateaux du centre du Viêt Nam, cet ensemble ne comporte que des gongs à mamelon frappés avec une mailloche, plus rarement avec le poing. Selon la tradition, il y aurait 54 mélodies jouées sur les gongs, mais depuis bien longtemps, personne ne connaît plus l’intégralité du répertoire.
Lieu & date : Viêt Nam. Prov. de Hòa Bình. Vill.de Tuan Lê. Février 2001.
Durée : 01:33. © Patrick Kersalé 2002-2024.
Les femmes Lô Lô du nord du Viêt Nam joue un petit aérophone à anche idioglotte à simple ou double corps dénommé pê lý. Chaque tuyau est percé de cinq trous de jeu équidistants. Cet instrument est fabriqué avec une tige de riz ou un roseau très fin (Long. 160 mm ; Ø 5 mm). Il est utilisé à diverses fins : distraction et endormissement des enfants, passe-temps lors de la surveillance des récoltes ou de la garde des buffles, cour d’amour.
La séquence présente l’instrument à simple corps, la photo, celui à double corps.
Lieu & date : Viêt Nam. Village de Mèo Vac. Février 2002.
Durée : 00:40. © Patrick Kersalé 2002-2024.