Mali - Parole d'ancêtre Dogon 2/2



SOMMAIRE

Contes (suite)

. Le fils du caméléon

. Il ne faut jamais être jaloux de son prochain

. Pourquoi l’âne vit-il au village ?

. L’enfant unique n’est pas toujours aimé

. Yabémou chez le devin du Renard pâle

. Le lièvre et le vautour

. Pourquoi certaines familles ne mangent pas de lion ?

. Deux jeunes hommes à la recherche de femmes

. Pourquoi la tortue a-t-elle le dos quadrillé ?

. Pourquoi le chien vit-il parmi les hommes ?

. Pourquoi faut-il avoir beaucoup d’enfants ?

. Le chat renoue avec la coutume

 

Chantefables

. Amaga l’orpheline

. Le juste partage de l’amour

. L’histoire de Yassène

Chantefables (textes & audio)

. Le poisson guérisseur

. L’oiseau insatiable

. Le tamarinier

Énigmes

. Le pou

. Les trois idiots

 

PAE associés

> Dogon : chants de circoncis

> Musiques et chants des Dogon



Contes (suite)

Le fils du caméléon, par Togo Amono, Togo Diguéron, Togo Honoré, Togo Niongolé. Koporo-Pen

Dans le temps jadis vivait une femme stérile qui avait adoré presque toutes les entités spirituelles[1] du monde pour avoir un enfant. Malheureusement, chaque fois qu’elle implorait l’une d’elles, sa stérilité augmentait.

Un jour, alors qu’elle rentrait de brousse, elle se sentit très fatiguée et s’arrêta sous un arbre à l’ombre fraîche. Tandis qu’elle se reposait, un caméléon vint la trouver. Il y eut entre eux une union et elle tomba enceinte. Elle accoucha d’un beau garçon et tout le monde se demanda qui pouvait bien en être le père. L’enfant grandit. Quand il eut l’âge de se marier, il demanda la main d’une jolie fille, mais une vieille femme jalouse s’en alla la trouver afin de faire échouer cette union. Le jour où le garçon vint trouver la jeune fille, celle-ci lui dit :

— Comme tu n’as pas de père, notre mariage est impossible.

Cette parole glaça le sang dans les veines du garçon. Il se saisit d’un couteau, entra à la maison et appela sa mère. Lorsque celle-ci eut à son tour pénétré dans la demeure, le garçon boucla la porte et s’écria :

— Mère, dis-moi qui est mon père, sinon je t’égorge !

La femme lui répondit alors :

— Rends-toi sous l’arbre où je m’étais jadis reposée et dis : « Eh, mon père ! »

Le lendemain, le garçon se rendit sur le lieu désigné et s’écria :

— Eh, mon père !

Le caméléon répondit :

— Oui, mon fils !

Le garçon regarda tout autour de lui et s’exclama :

— Si tu es mon père, montre-toi !

Le caméléon descendit de l’arbre et s’écria :

— Je suis ton père !

Le jeune garçon continua :

— Les gens disent que je n’ai pas de père et ont refusé de me donner ma femme. Aide-moi à conclure mon mariage.

Le caméléon lui donna alors une baguette et lui dit :

— Frappe celui qui ne t’aime pas avec cette baguette et il se transformera en âne.

L’enfant s’en retourna avec la baguette et se maria avec la femme.

Très longtemps après, un homme jaloux se rendit chez le roi et lui révéla que le garçon était le fils du caméléon. Dès le lendemain, le souverain convoqua toute la population qui se rassembla aussitôt devant sa cour. Seul le jeune garçon était absent. Le roi envoya alors le mouchard chez le garçon pour l’appeler. C’est alors que celui-ci le frappa de sa baguette et le transforma en âne. Le garçon monta sur la bête et prit la direction de la cour royale. Cette fois, c’était le jaloux qui était absent. Les villageois restèrent plusieurs heures à l’attendre, mais on ne le vit pas revenir. Alors le roi se fâcha, renvoya tout le monde et déclara que le jaloux était un menteur.

 

« Il ne faut pas toujours dévoiler les choses cachées. »

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[1] Les Dogon possèdent de très nombreuses entités spirituelles protectrices : contre la maladie ou les mauvais esprits, pour la protection du village ou de la famille, pour faire tomber la pluie ou arrêter le déluge. Certaines d’entre elles sont sensées lutter contre la stérilité.


 

Il ne faut jamais être jaloux de son prochain, par Togo Amono, Togo Diguéron, Togo Honoré, Togo Niongolé. Koporo-Pen

Il y a très longtemps, dans le royaume des hommes, vivait un célibataire qui était la risée de tout un village, à tel point qu’il avait honte de se promener.

Un jour, las de tant de moqueries, il décida d’aller ailleurs chercher une femme. Il partit le matin de bonne heure et marcha trois jours durant. Au terme du troisième jour, la pluie menaçait à l’Est, quand il arriva à la case d’une vieille femme. Il rentra les céréales et les outils qui se trouvaient dehors, le fonio[1], le mil, le sel, les calebasses, les ustensiles de cuisine, les vêtements, le kanwan[2]… et prépara du feu dans la case. Quand la vieille arriva sous la pluie, elle se réchauffa auprès du feu et prépara le souper. Le lendemain, elle demanda au jeune garçon d’où il venait et où il se rendait. Il lui exposa sa situation. La vieille femme lui montra un baobab tordu et lui dit :

— Va sous cet arbre tordu, coupe un bâton tordu, gaule un fruit tordu et dis : « Eh femme tordue ».

Le jeune homme fit exactement ce que la femme lui avait enseigné et obtint une très belle femme. Lorsqu’il rentra au village, tout le monde fut frappé par une telle beauté. Un villageois, déjà marié à deux femmes, devint jaloux du jeune homme. Il vint le trouver pour savoir où il avait déniché cette merveilleuse femme. Le garçon ne lui cacha rien et lui raconta son aventure, simplement. L’homme renvoya alors ses deux épouses et suivit les instructions qu’il avait reçues. Il lui arriva tout ce qui était arrivé au garçon. Il omit toutefois de ramasser les céréales, les ustensiles de la vieille femme et d’allumer le feu. 

Mais la bonne-dame ne fit rien paraître. Elle exécuta seule toutes ces tâches devant l’homme qui ne lui apporta aucune aide et elle prépara le souper. Le lendemain, elle lui demanda d’où il venait et où il se rendait. Il lui exposa sa situation. La vieille lui dit alors :

— Va sous cet arbre tordu, coupe un bâton tordu, gaule un fruit tordu et dis : « Eh femme tordue ».

L’homme répondit :

— Je ne suis pas tordu. Je n’irai sous aucun arbre tordu pour couper un bâton tordu et lapider un fruit tordu.

Il se rendit alors sous un baobab bien droit, coupa un bâton bien droit, lapida un fruit bien droit avant de s’écrier : “ Eh femme bien droite ”.

Aussitôt apparut une femme tordue et très laide avec un goitre tombant jusque sur ses orteils, une jambe comme une paille de mil et l’autre comme un baobab. Il fila tel une flèche jusqu’à son village et s’assit sur son lit quand tout à coup, la femme apparut devant lui. Il prit de nouveau la fuite en courant, mais la femme le poursuivit. Dans leur course, l’un et l’autre tombèrent. L’homme se transforma alors en fonio et la femme en haricot.

C’est pourquoi, lorsqu’on consomme un repas préparé avec du fonio et des haricots, le ventre fait de curieux bruits. Ce sont cet homme et cette femme qui continuent leur course.

 

« Il ne faut jamais convoiter la femme d’autrui. »

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[1] põ̀. (Digitaria exilis). Céréale jouant un rôle très important dans la cosmologie dogon. Image de l’atome dont est sorti l’univers, le fonio porte sur sa graine de petites stries qui figurent son propre éclatement et le monde se propageant en spirale. Il fut volé par le Renard qui le sema dans la terre primordiale… Le fonio, de blanc, devint rouge et impur. Aussi sa consommation est-elle strictement interdite aux prêtres totémiques, aux hogons et aux “hommes vivants”, individus possédant une force vitale pure, un statut psychologique et social particulier leur permettant d’exercer certaines fonctions religieuses. (D’après G. Calame-Griaule. Dictionnaire dogon).

[2] Substance préparée à partir de la graine d’oseille de Guinée (Hibiscus abelmoschus esculentus) (ɑ́ɲu í:, prononcé ɑɲí:), qui entre dans la préparation de la sauce aux feuilles de baobab accompagnant la bouillie de mil.


 

Pourquoi l’âne vit-il au village ?, par Togo Amono, Togo Diguéron, Togo Honoré, Togo Niongolé. Koporo-Pen

Dans le temps jadis, chacun était libre de changer de royaume lorsque le sien ne lui convenait plus. Ainsi, le royaume des hommes ne plaisait plus à l’âne et il décida d’en changer. Il alla chercher un nouveau lieu de villégiature dans le royaume des animaux pour y fonder une famille. Trois jours durant, il aménagea un beau terrain en pleine brousse avant de rentrer à la maison pour y adorer son fétiche. Il s’adressa à lui en ces mots :

— Je souhaite fonder une famille dans le royaume des animaux. Aide-moi à construire ma maison.

Pendant ce temps, la panthère trouva cette surface bien aménagée et eut l’idée de venir y installer elle aussi sa famille. Durant trois jours elle confectionna des briques de banco*. Quand l’âne revint sur la parcelle, il y trouva les briques. Au cours des trois jours où il bâtit les fondations, la panthère s’en était allée adorer son fétiche. Quand cette dernière revint à son tour sur le chantier, elle acheva de monter les murs de la maison. Puis tour à tour l’âne posa le toit et la panthère enduisit les murs. Pour finir, l’âne construisit un hangar dont l’ombre était fraîche.

L’un et l’autre décidèrent de se rendre dans leur nouvelle demeure le même jour. Ils vécurent ainsi paisiblement pendant sept années. Cependant, la panthère et sa famille avaient peur des grandes oreilles de l’âne. Quand elle partait à la chasse, si elle tuait beaucoup de gibier, c’est l’âne qui le transportait.

Un jour, la panthère, sous la pression de sa femme, dit à l’âne d’aller à la chasse. Ce jour-là, il partit seul et passa la première moitié de la journée sans trouver aucune proie. Alors, il attendit l’heure à laquelle tous les animaux viennent boire à la mare. Il entra dans l’eau, ne laissant dépasser que son nez et ses oreilles. Tout animal qui venait et voyait cette chose bizarre avait peur de boire. L’âne attendit ainsi que toute la mare soit encerclée par les animaux et, d’un bond, sortit à grand bruit. Tous s’enfuirent en désordre, se piétinant les uns les autres dans la panique, si bien que seuls les animaux les plus forts purent en réchapper. L’âne fit sept tas avec les cadavres et les emporta un à un à la maison. La famille de la panthère, voyant un tel carnage, prit peur et décida de quitter la nuit même la maison. 

Mais avant de partir, elle mangea les sept tas d’animaux, ce qui effraya la famille de l’âne qui se dit :

— Eh ! Ces gens-là ont mangé tous ces animaux d’un seul coup, ils seraient donc capable de nous manger aussi. Nous filerons cette nuit même !

Au milieu de la nuit, la famille panthère leva le camp et peu de temps après, la famille âne en fit autant, regagnant sans tarder le royaume des hommes.

Depuis ce jour, l’âne est resté au village.

 

Ambiance de marché et chant de circoncis sɛndi ní

Chez les Dogon, comme dans un grand nombre d’ethnies d’Afrique noire, le rituel de la circoncision a un rôle social très important car il marque le passage de l’enfance vers l’âge adulte. Il est jonché d’épreuves afin que l’enfant assimile cette transition non seulement comme un passage vers le monde des adultes, mais aussi vers l’univers des hommes valeureux.

À l’issu de la circoncision, les nouveaux circoncis sont enfermés dans un lieu de retraite afin de soigner leur plaie. Durant les sept premiers jours de convalescence, ils ne peuvent en sortir. Aussi communiquent-ils unilatéralement avec le monde extérieur par l’intermédiaire de “chants de communication” qui leur sont enseignés par les aînés. S’ils doivent sortir de leur retraite (assouvissement de besoins naturels par exemple), ils sont accompagnés par un aîné et jouent un sistre fait de rondelles de calebasse enfilées sur une branche afin d’éloigner femmes et enfants non circoncis.

À l’issue de cette première période de sept jours, les circoncis commencent à sortir de leur retraite pour faire l’aumône. Pour cela, ils se postent à la croisée des chemins menant notamment au marché et interprètent les chants appris au cours de leur convalescence.

Ce chant est interprété par des aînés.

Lieu : Mali, vill. Barapiréli. Durée : 03:48. © Patrick Kersalé 1993-2024.


 

L’enfant unique n’est pas toujours aimé, par Togo Amono, Togo Diguéron, Togo Honoré, Togo Niongolé. Koporo-Pen

Il y a très longtemps, dans le royaume des hommes comme dans celui des animaux, la société tolérait mal les enfants uniques.

Dans un village du royaume des hommes situé non loin de la frontière de celui des animaux, vivait un homme qui avait un unique garçon. Il s’appelait Ampilema. Il était beau, grand et le plus fort de sa classe d’âge[1]. Plus tard, il devint le plus robuste du royaume. Chaque fois qu’il participait à une lutte, il l’emportait[2]. Ainsi il devint très riche[3]. Cette situation créa une terrible jalousie dans le cœur des villageois. Chaque jour, ils priaient pour qu’Ampilema meure, pour que sa richesse soit dilapidée et qu’il devienne pauvre comme tout le monde.

Un jour, le gouvernement désigna Ampilema pour partir à la guerre, combattre au côté des Français. Les villageois pensèrent que leurs prières avaient enfin été exaucées par le Tout-Puissant en mettant cette idée dans la tête du gouverneur. Tout le monde était très content et commença à se moquer des parents d’Ampilema en disant qu’ils souffriraient après la mort de leur fils. Trois jours durant, Ampilema prépara son départ. Il quitta le pays pour la France le quatrième jour. Il était le chef d’un groupe et commandait tout comme les Blancs. Il resta trois années en France, période durant laquelle les villageois se rendaient tour à tour chez les féticheurs et chez les sorciers pour que le garçon meure à la guerre des Blancs. Durant ces trois années, Ampilema prit des galons grâce aux victoires qu’il remportait. À la fin de son séjour en France, il était devenu un grand officier de l’armée française.

Le dernier jour de la guerre, Ampilema se leva très tôt le matin. Il partit avec ses troupes pour une ultime mission. Une bataille s’engagea vers neuf heures dans l’ouest de la France. Comme à son habitude, il tua des dizaines de soldats ennemis avec son fusil. Mais, vers quinze heures, il se déchaîna plus que tous les autres jours et c’est par vingtaines qu’il tua ses ennemis. C’est à ce moment que Dieu exauça les prières des villageois, prières qui montèrent vers lui comme une fumée. Une balle lui transperça la poitrine. Il s’effondra et trépassa.

Le chef blanc d’Ampilema ordonna que l’on déposât son corps sous un grand arbre, puis la bataille continua comme s’il était toujours vivant. Vers dix-sept heures, les Français avaient gagné. Le chef blanc regroupa ses troupes et leur déclara le décès d’Ampilema, mais personne n’eut le courage d’aller annoncer la mauvaise nouvelle à ses parents maintenant très âgés.

Une tourterelle vint alors se présenter au chef blanc et posa ses conditions :

— Si tu me donnes du mil, je partirai annoncer moi-même la nouvelle.

Le chef accepta la requête. Quand la tourterelle fut rassasiée, elle prit la direction du village d’Ampilema. Pendant ce temps, le chef blanc et ses troupes emportèrent le corps du soldat défunt dans son village. 

La tourterelle arriva la première. Elle trouva la mère d’Ampilema en train de ramasser des tiges de mil et du bois de chauffe. Elle vint se placer du côté gauche de la vieille femme et chanta cette chanson :

 

C’est comme cela depuis très longtemps

Un fils unique n’est pas toujours très aimé

C’est le Tout-Puissant qui l’a fait

Ton Ampilema est resté à la guerre

Rentre et ne te torture pas.

 

Après que la vieille femme eut annoncé la nouvelle à son mari, la famille pleura durant trois jours. Pendant ce temps, le corps d’Ampilema revint de France et tout le village participa à la levée du corps.

Quand Ampilema avait quitté son village pour partir à la guerre, il avait cinq femmes. Au bout de trois ans[4], quatre d’entre elles s’étaient remariées, mais la cinquième avait refusé par respect pour ses beaux-parents. À chaque fois que les villageois l’interrogeaient, elle répondait : « Les parents d’Ampilema sont vieux ; si je quitte leur famille, qui s’occupera d’eux ? »

Les villageois avaient fini par oublier Ampilema lorsqu’un soir, sa courageuse épouse sortit pour chercher du bois de chauffe. En chemin, elle rencontra un jeune Peul. Elle le salua aimablement et continua sa route. Le garçon se retourna et l’appela :

— Eh toi, brillante femme d’Ampilema, je te félicite pour ton courage !

Le jeune garçon sortit alors une pierre magique de sa poche et la donna à la femme en disant :

— Va jeter cette pierre trois fois sur la tombe de ton mari.

La femme se rendit aussitôt au cimetière et fit ce que le jeune Peul lui avait recommandé. Aussitôt la tombe se fendit et Ampilema en sortit plus beau, plus grand et plus fort qu’auparavant. Comblée de joie, sa femme le prit par la main et, ensemble, ils rentrèrent au village.

 

« L’amour triomphe toujours de la haine. »

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 [1] Au moment de la circoncision, lorsque les enfants ont entre sept et quinze ans, ils sont regroupés par classes d’âge (tùmᴐ). Traditionnellement, le tùmᴐ a un rôle social très important, car il identifie les individus tout au long de leur vie, chacun se devant assistance jusqu’à la mort. 

[2] Les meilleurs lutteurs traditionnels jouissent généralement d’un grand prestige dans tout le pays dogon.

[3] Les vainqueurs recevaient autrefois des cauris*, des céréales.

[4] Chez les Dogon, une veuve doit rester trois années dans la famille du mari afin de respecter les obligations traditionnelles liées au deuil. Elle peut ensuite, si elle le souhaite, se remarier avec le frère de son mari.


 

Yabémou chez le devin du Renard pâle, par Dolo Soumaïla. Sangha-Bongo

Il y a très longtemps, vivait dans le village de Téréli un couple dont le mari s’appelait Atanou et la femme Yabémou. Deux années après leur mariage, les époux ne s’entendaient plus. Ils se disputaient sans cesse. C’est dans ce climat que naquit leur enfant Jèléwèrou[1]. Ils restèrent ainsi dix années quand un jour, Yabémou s’en alla trouver le devin du Renard pâle[2]. Elle lui demanda :

— Que dois-je faire pour que mon mari m’aime et que l’on se comprenne ?

Le devin gagna ses tables de divination situées à l’extérieur du village, posa la question au Renard pâle et s’en retourna chez lui. Le lendemain matin, de très bonne heure, le devin et Yabémou se rendirent sur l’aire de divination. Après analyse, l’homme prononça son verdict :

— J’ai une vague idée, mais tu dois tout d’abord m’apporter le lait d’une lionne afin que je puisse trouver une réponse plus satisfaisante.

Yabémou, prise de panique, acquiesça sans laisser rien paraître. Une semaine durant, elle réfléchit puis se décida finalement à partir dans la forêt à la recherche des lionnes.

Yabémou possédait cinq moutons. Le premier jour, elle en emmena un gros qu’elle offrit à une lionne avant de revenir au village. 

Le lendemain, elle partit avec un autre mouton. Elle le donna à la lionne et s’approcha d’elle pour la caresser. Ainsi de suite, elle offrit au fauve tous ces moutons et parvint finalement à traire le lait demandé par le devin. Toute joyeuse, Yabémou se rendit chez le devin avec le lait et lui raconta comment elle était parvenue à cette performance. D’une voix joyeuse, le devin lui dit :

— Tu as découvert toi-même la réponse ! Fais de même avec ton mari et, ensemble, vous pourrez désormais vivre heureux pour toujours !

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[1] Jɛlewɛru : litt. “Ce qui jaillit d’une discussion”.

[2] Les aires de divination (yurugú gólo : littéralement “rivière du renard”) sont situées à l’extérieur du village dans un endroit sablonneux. Elles sont entourées de branchages épineux afin que les animaux ne viennent pas les fouler. Pour effectuer sa divination, le devin commence par lisser le sable de son aire avec un galet. Il pose ensuite ses questions en traçant neuf casiers rectangulaires, des trous, des cônes, en plantant des morceaux de tiges de mil. À la fin, il répand au hasard une poignée d’arachides sur la table. Le lendemain matin, il vient lire les réponses laissées sous forme de traces par yurugú, le Renard pâle, médiateur temporel entre le présent et le futur.


 

Le lièvre et le vautour, par Saye Wagousserou. Koro

Depuis des temps immémoriaux, le lièvre et le vautour étaient amis. Leurs relations étaient si bonnes qu’ils cultivaient ensemble et partageaient les récoltes.

Au cours d’une saison comme bien d’autres, ils labourèrent, semèrent et récoltèrent leur mil sans problème. Une fois les récoltes terminées, le lièvre dit :

— Mon ami, cette année tu n’as pas cultivé, aussi les récoltes me reviennent.

— Tu plaisantes ! Es-tu devenu fou ou les palabres te grisent-elles ? lança le vautour.

Le lièvre insista :

— Mais je suis on ne peut plus sérieux ! Les récoltes m’appartiennent. Notre amitié ne doit toutefois pas en être affectée.

Mécontent, le vautour répondit :

— Alors je ne dirai rien de plus et te ferai convoquer chez le chef du village !

Ainsi fut fait.

Lorsqu’ils se trouvèrent tous les deux chez le chef, chacun exposa l’objet de la discorde. Ne pouvant trancher seul, l’homme appela quelques-uns de ses conseillers et, ensemble, ils se rendirent dans le champ des deux protagonistes. Le chef demanda au lièvre :

— Comment peux-tu nous prouver que les récoltes t’appartiennent ?

— C’est facile, voici le chemin par lequel je viens jusqu’ici, répondit le lièvre.

— Et toi le vautour ? demanda le chef.

— Moi je vole pour arriver ici.

Le chef lui rétorqua.

— Mais aujourd’hui tu es venu à pieds ?

Le chef en conclut donc que les récoltes appartenaient bien au lièvre.

Très affecté par cette décision injuste, le vautour alla consulter le devin et décida de se lancer dans le commerce du sel afin de prendre sa revanche.

Les deux amis partirent dans une autre région et convinrent d’emplir une maison de sel et de le vendre. Cette tâche achevée, le vautour dit au lièvre :

— Mon ami, le travail est terminé. Tu n’as fait que m’aider, aussi, tu ne peux rien gagner !

— Il me semble que tu n’as rien compris. Ne sais-tu pas que je suis toujours le plus malin ?

Comme la fois passée, ils se rendirent chez le chef du village. Celui-ci ayant peu de temps à leur accorder, il demanda au vautour :

— Comment peux-tu me prouver que le sel t’appartient ?

— Regardez ma tête, elle est rongée par le sel !

— Et toi le lièvre ? demanda le chef.

— J’ai porté le sel sur mon dos.

— Mais ton dos est en pleine forme, je pense que tu n’as rien porté.

Le lièvre n’ayant pas le droit de discuter devant le chef du village, se plia à sa décision et laissa le sel au vautour.

L’oiseau, très heureux, dit au lièvre :

— Que l’amitié continue de régner entre nous deux. Sache désormais que tous les jours ne t’appartiennent pas !


 

Pourquoi certaines familles ne mangent pas de lion ?, par Wodjou Amallaye. Idjeli

Lors de l’arrivée des Dogon dans ce que l’on nomme aujourd’hui “le pays dogon”, tout allait pour le mieux : il pleuvait autant que nécessaire, les récoltes étaient bonnes, le gibier abondant et la forêt dense offrait une grande variété de fruits. Les Dogon vécurent ainsi paisiblement durant plus d’un siècle.

Mais une année, la région et ses hommes connurent une crise : la pluie se raréfia et l’eau manqua. Du coup, les animaux s’enfuirent et les arbres perdirent leurs feuilles. Quant aux hommes, ils surmontèrent cette crise en économisant le peu de céréales qu’ils possédaient.

L’année suivante, pas une goutte d’eau ne tomba du ciel. « C’est une malédiction ! » affirmaient les uns, « C’est la fin du monde ! » tonnaient les autres. Que faire ? Les jeunes quittèrent la région pour aller travailler à la ville, laissant sur place enfants et vieillards. Peu à peu, hommes et femmes commencèrent à mourir. C’est alors qu’un chef de famille eut l’idée de se transformer, ainsi que quelques membres de sa famille, en lion[1]

Chaque matin, ils partaient en brousse chercher de quoi manger et s’en retournaient le soir avec leur gibier avant de se retransformer en homme. D’autres familles prirent modèle sur celle-ci et se transfigurèrent en diverses sortes d’animaux.

Mais un jour, après que les membres de sa famille furent partis en brousse, le vieux chef des Dounpanga rendit l’âme. À leur retour au village, les lions ne purent redevenir hommes car personne d’autre que le chef ne détenait le secret de la transfiguration. Finalement, les lions retournèrent en brousse et y restèrent à jamais. Effrayées par cette mésaventure, les autres familles cessèrent de se transformer en animal. Heureusement, la troisième année, la pluie arrosa de nouveau la région, à la grande satisfaction des hommes.

Depuis ce jour, il fut interdit de manger la viande du lion et les hommes cessèrent de se transformer en animal.

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[1] Cette famille se nomme aujourd’hui Dounpanga, c’est-à-dire “la force du lion”.


 

Deux jeunes hommes à la recherche de femmes, par Saye Pierre. Téréli-Sodangha

Il était une fois deux amis âgés d’une vingtaine d’années qui avaient l’un et l’autre le désir de ne pas épouser une femme de leur hameau.

Un jour, ils décidèrent de partir très loin à la recherche du pays des jolies femmes. La veille de leur départ, ils allèrent trouver un vieux devin qui pratique la divination du Renard pâle. Après lui avoir offert deux coqs, un blanc et un noir, ainsi que de l’arachide, ils lui posèrent cette question :

— Arriverons-nous jusqu’au village des jolies femmes ?

Après leur départ, le vieux devin interrogea le renard et égorgea les coqs.

Le lendemain matin, de bonne heure, avant que les autres animaux ne touchent aux traces du renard, le vieil homme s’en alla lire ses tables de divination. Il arriva sur les lieux en même temps que les deux jeunes gens. L’homme lut les traces et donna la réponse :

— Il y aura une perte de vie humaine.

Après cela, les deux garçons s’en allèrent. Le premier jour, ils ne rencontrèrent pas le moindre village. Ils passèrent la nuit en brousse sous un grand arbre. Le lendemain matin, ils marchèrent jusqu’à ce que le soleil atteignît le zénith et rencontrèrent une vieille femme couchée qui barrait entièrement la route. Le plus âgé des deux garçons passa en l’enjambant. Elle ne dit mot. Quant au plus jeune, il s’approcha de la vieille et lui demanda respectueusement :

— Ô vieille femme, guide de ce monde, pardonnez-moi. Nous sommes à la recherche de belles femmes. Nous ne savons où les trouver. Nous marchons depuis deux lunes et nous n’avons toujours pas atteint leur village.

— Comme tu es respectueux, j’enlève mes jambes ; tu peux maintenant passer, dit la vieille femme.

Les deux garçons s’étaient déjà quelque peu éloignés quand la vieille femme appela le plus jeune et lui dit :

— Heureux les enfants respectueux ! Tiens, prends cette potasse[1], cette tige de mil et ces cailloux, ils te protégeront. Il y a non loin d’ici un baobab. C’est là le village des belles femmes. J’en suis la reine. Cet arbre porte beaucoup de fruits. Gaulez n’importe lequel et une femme en tombera.

Le jeune garçon la remercia vivement.

Lorsqu’ils arrivèrent sous l’arbre, ils ramassèrent des morceaux de bois. Le plus âgé en lança un premier. Il en tomba une femme avec un goitre. Il en lança un second et il reçut une femme aveugle. Quand l’enfant respectueux lança son premier morceau de bois, une belle femme au teint clair descendit de l’arbre. Au second jet, tomba une très belle femme au teint noir.

L’aîné, voyant les deux superbes créatures de son jeune ami, s’enfuit, mais ses deux femmes le poursuivirent. Malheureusement, leur cavale se termina au fond d’un puits.

 

« Depuis ce jour, on redoubla de respect envers les personnes âgées et, dans les villages, naquit la croyance en la divination du Renard pâle. »

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[1] ɛ́:. La potasse est utilisée pour préparer la sauce accompagnant les plats ou encore pour confectionner la poudre à fusil. Pour la fabriquer, on utilise une calebasse ou un canari de terre cuite percé à sa base d’un petit trou. Au fond du récipient, on place du son sur lequel on tasse de la cendre de tiges de mil, de sorgho ou d’oseille de Guinée. On verse ensuite de l’eau qui s’infiltre à travers la cendre.


 

Pourquoi la tortue a-t-elle le dos quadrillé ?, par Togo Amono, Togo Diguéron, Togo Honoré, Togo Niongolé. Koporo-Pen

Autrefois, les hommes étaient de grands marchands. Ils commerçaient non seulement entre eux, dans les villages, mais aussi avec les animaux sauvages de la brousse.

Un jour, deux amis revenant du marché de la brousse, rencontrèrent un homme très fort, en panne sur la route. L’un d’eux partit rapidement chez lui chercher de quoi le tirer d’affaire. Mais l’homme en panne cassa les pieds, les mains et creva les yeux de celui qui était resté lui porter secours. Il s’enfuit ensuite avec tous ses biens et les cacha dans un buisson. L’homme torturé eut faim et soif, mais un épervier qui passait par là l’aperçut et eut pitié de lui. Il le prit sur ses ailes et l’amena chez lui. Une année durant, il le soigna. Quand l’homme eut recouvré la santé, il décida de rentrer à la maison. Le jour de son départ, l’épervier l’accompagna jusqu’à mi-trajet, mais l’homme, en récompense, le pluma et le jeta sur le sable chauffé par le soleil ardent. L’épervier resta ainsi cloué au sol toute la journée. En fin d’après-midi, passa une tortue[1] qui le trouva en train de se débattre sur le sable brûlant. Elle eut pitié de lui, le fit monter sur son dos et le conduisit chez elle. Trois années durant, elle le nourrit. Comme toutes ses plumes avaient repoussé, l’épervier décida de s’en aller. 

Au moment de partir, il proposa à la tortue de la prendre à son tour sur son dos et de lui montrer le royaume des animaux et des hommes en récompense de son acte généreux.

Celle-ci accepta la proposition et monta sur son dos. Ils s’envolèrent pour une visite aérienne des deux royaumes. Après la visite du royaume des hommes, ils arrivèrent au-dessus d’une colline. C’est alors que la tortue se serra contre l’épervier :

— Fais attention à ne pas me blesser le dos avec tes pieds rugueux ! s’écria l’épervier.

Puis il ajouta :

— Maintenant, je suis fatigué et mon dos me fait mal.

Alors qu’ils se trouvaient très haut dans les airs, l’épervier voulut laisser choir la tortue mais celle-ci, prise de panique, s’écria :

— Fais-moi descendre sur le sol !

À peine eut-elle terminé de parler que l’oiseau virevolta et laissa tomber la tortue du haut du ciel, comme un caillou. La tortue s’écrasa sur son dos qui se brisa. Elle pria le Tout-Puissant de la soigner. En réponse à son cri de détresse, il lui recousut le dos.

Voici pourquoi la tortue, qui autrefois avait le dos lisse comme une calebasse, l’a aujourd’hui quadrillé.

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[1] ɑ̃gúŋuru. Animal sacré qui avait autrefois pour rôle de goûter la nourriture en l’absence du chef de famille. Sa carapace symbolise l’image des champs cultivés. Son allure lente et son caractère paisible en fait le symbole du patriarche.


 

Pourquoi le chien vit-il parmi les hommes ?, par Sagara Mama. Dourou

Il y a très longtemps, le chien, tout comme le lion, le lièvre ou la vache, était considéré comme un animal sauvage.

Un jour, les hommes décidèrent d’amener certains de ces animaux au village. Cette tâche fut confiée aux chasseurs. La vache, le mouton et la chèvre furent ainsi domestiqués. Quant au chien, les choses se passèrent très curieusement.

Un matin, tous les chasseurs sortirent du village pour s’enfoncer en brousse. Il leur fallait trouver un cœur d’antilope pour guérir le hogon malade depuis trois ans. La journée durant, ils battirent la campagne, mais en vain. En fin d’après-midi, alors qu’ils se reposaient à l’ombre d’un arbre, vint à eux, à leur grande surprise, un chien traînant une antilope. Arrivé au milieu des chasseurs, il en mangea la tête et leur donna le reste. Les hommes apportèrent au hogon le cœur tant convoité ainsi que le chien, tout en louant les bienfaits de ce dernier. Le hogon, une fois guéri, envoya le chien en brousse chercher ses congénères. Au retour, les membres de la meute furent partagés entre toutes les familles et nommés gardiens du village. C’est ainsi que les chiens commencèrent à accompagner les hommes à la chasse.

Les bonnes actions des chiens sont innombrables. Ainsi, un jour, à l’approche de l’hivernage, une famille partit dans la plaine[1] pour y cultiver son champ. Elle emmena avec elle une chienne et un chien. Au moment où la mère de famille donnait naissance à une jolie petite fille, la chienne mettait bas une portée de chiots. Après le départ du mari pour les champs, la femme alluma du feu dans sa paillote puis elle partit chercher de l’eau à un kilomètre du village, laissant les chiens et sa fille dans la hutte.

Mais avant son retour, la hutte prit feu. C’est alors que la chienne enleva les enfants et la fille de sa maîtresse, qu’elle alla déposer sous un arbre non loin de la hutte. Revenue de la corvée d’eau, la femme s’écria : « Malheur à moi, ma fille brûle, malheur à moi, ma fille brûle ! » Aussitôt, tous les cultivateurs abandonnèrent leurs travaux et se précipitèrent pour éteindre le feu. Ils cherchèrent vainement le corps de l’enfant. Pour ces hommes, la petite fille était devenu de la cendre. Tous se mirent à l’ombre pour pleurer leur douleur. Quelques instants plus tard, la chienne réapparut. Elle ne cessait de tirer le pagne de sa maîtresse. Au lieu de s’en offusquer en pareille circonstance, celle-ci suivit l’animal jusqu’à l’arbre où se trouvait sa fille. Elle s’écria :

— Ma fille est vivante, le chien l’a sauvée …

Tout le monde accourut et porta la chienne comme une reine. Le hogon convoqua alors tous les habitants du village et leur dit :

— Le chien n’est pas un animal, mais une personne muette. À partir de ce jour, nous devrons avoir pour lui la même considération que pour l’homme.

C’est ainsi que le chien fut intégré dans la communauté des hommes. Dès lors, là où on égorgeait des hommes sur les fétiches, on commença à sacrifier des chiens.

 

« Un âne de bon cœur a plus de charges sur le dos que les autres. »

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[1] La zone dite de la plaine s’étend au sud-est de la falaise de Bandiagara.


 

Pourquoi faut-il avoir beaucoup d’enfants ?, par Sagara Aïnta. Dourou

Les hommes, après avoir quitté la vie sauvage, se regroupèrent pour construire des villages et cultiver ensemble.

Dans un de ces villages, vivait un homme nommé Amaga[1]. Il eut dix garçons avant même de fêter sa trentième année. Les villageois se moquaient de lui car tous les autres hommes n’avaient guère plus de deux enfants.

Un jour, Amaga fut frappé par le malheur : il n’avait plus de quoi nourrir sa nombreuse famille. Mais, comme l’indique son nom, Dieu est grand. Il alla alors frapper à toutes les portes. Mais là encore, on l’insulta. On lui reprocha d’avoir trop d’enfants. Il mena une vie difficile durant les dix ans où ses enfants grandirent.

Une année, Amaga et sa famille partirent cultiver en plaine. À la période des moissons, ils purent remplir plus de cinq greniers de mil. Amaga retrouva l’espoir. En trois ans, il devint le plus riche du village. Chaque jour il clamait ainsi sa joie aux villageois : « Dieu est grand. Aujourd’hui je suis vieux. Mes enfants vont aux champs et moi, je mange et je bois à volonté. Voici chers frères, l’importance d’avoir beaucoup d’enfants ! »

Les villageois approuvèrent finalement sa vision des choses. Chaque jour Amaga tuait un mouton. Mais compte tenu du nombre de ses enfants, il ne lui restait qu’un petit morceau de viande ou parfois rien. Alors les villageois recommencèrent à se moquer de lui. Du coup, il regretta d’avoir autant d’enfants, oubliant les bienfaits qu’il avait tant clamés.

Un matin de très bonne heure, afin de manger suffisamment de viande, Amaga acheta un mouton, prit un sac de sel et alla se cacher en brousse. 

Après avoir égorgé l’animal, il alluma un feu. C’est alors qu’un génie se présenta devant lui : 

— Tu es toi-même de la viande comme ce mouton ! s’exclama le génie.

Puis, quelques instants plus tard, neuf génies ayant chacun trois têtes l’entourèrent en disant :

— Tu es toi-même de la viande, comme cet animal !

Amaga, ne pouvant s’échapper, ferma les yeux et se mit à pleurer.

Pendant ce temps, au village, on s’aperçut de sa disparition. L’inquiétude grandissait. Comme le sac transporté par Amaga était percé, les dix garçons partirent à sa recherche en suivant les traces du sel tombé à terre. Ils trouvèrent finalement leur père entouré par les génies. Ne pouvant lutter contre eux, il leur fallait trouver une solution ingénieuse. Le plus jeune dit :

— Papa, papa, pourquoi pleures-tu ? Tu devrais normalement rire.

— Quoi ? Rire ? Dis-moi donc pourquoi je dois rire, lui répondit le père.

— Maman a eu un enfant sans tête. Nous sommes à la recherche d’une tête pour notre petit frère. Ah ! Dieu est grand. Voici devant nous plein de têtes !

Lorsque les génies entendirent cela, ils se volatilisèrent. Le père remercia son enfant puis, tous ensemble, ils mangèrent la viande avant de rentrer.

Une fois arrivés au village, Amaga manifesta sa joie :

— J’ai été, une fois de plus, sauvé par mes enfants. En vérité, je vous le dis, mes chers parents, les enfants nombreux sont notre salut.

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[1] Littéralement : “Dieu est grand”.


 

Le chat renoue avec la coutume, par Poudiougo Dougnérou. Ourou

Cette histoire s’est passée il n’y a pas très longtemps dans un village où plus de la moitié des habitants s’était convertie à l’islam. Dans ce hameau, les chats et les souris étaient frères, mais les premiers avaient un grand pouvoir sur les seconds. Un chat était l’imam de cette communauté musulmane. Avant l’islam, la coutume exigeait qu’une souris soit chaque jour offerte au chat. Grâce à Dieu, la nouvelle religion condamnait cette pratique. Aussi, presque toutes les souris devinrent musulmanes bien que le chat fût leur chef.

Après dix années d’exercice du pouvoir, le chat partit en pèlerinage à La Mecque avec l’aide de la communauté. Au cours de son séjour, il rencontra le grand imam de la Mecque. Ce dernier lui dit :

— Il ne faut pas être en contradiction avec sa tradition. La religion doit respecter la coutume.

Très heureux de ce conseil, le chat revint au village le jour même. 

Le lendemain de son arrivée, toute la communauté vint le saluer. Après ces quelques moments de joie, le chat leur dit :

— Chers frères et sœurs, nous devons faire très attention. Jusqu’alors, nous avons été trop dogmatiques. Le grand imam de La Mecque nous demande de respecter notre coutume.

— Si le grand imam exige le respect de notre coutume, cela veut dire que nous allons de nouveau être mangées par vous ? demandèrent les souris abasourdies par cette nouvelle.

— Oui ! répondit calmement le chat.

Aussitôt, il tua deux souris et enferma les autres chez lui pour les manger à loisir. Lorsque les quelques souris non converties apprirent la nouvelle, elles s’enfuirent du village.

C’est ainsi que beaucoup de musulmans renouèrent avec l’animisme et que les villages connurent une forte émigration.



Chantefables (textes)

Les chantefables alternent des parties de textes parlées et chantées (en italique) par le narrateur-chanteurs avec parfois un répons de l'assistance. 

 

Amaga l’orpheline, par Saye Yabemou. Téréli-Dagha

Amaïguéré avait deux épouses : Yapèrou et Wagousserou. Il eut, avec chacune d’elles, une fille. Après avoir vécu longtemps ensemble, Wagousserou, sa seconde épouse, trépassa. Avant de mourir, elle confia sa fille Amaga à sa coépouse Yapèrou.

Quelques mois après les funérailles, Yapèrou détourna tous les biens de la famille et dirigea le foyer. Elle nourrissait un sentiment de haine envers Amaga et, chaque jour, l’envoyait manger à la cuisine avec le chien. Cette dernière ne semblait toutefois pas être dérangée par cette situation et riait chaque fois. Ne sachant que faire pour mettre Amaga l’orpheline en colère, Yapèrou décida, avec sa fille Yamalou, de l’éloigner de la famille. Ainsi, la marâtre l’appela-t-elle un jour et lui dit :

— Tu es trop gênante dans la famille, tu iras désormais chaque jour garder les mortiers du lever au coucher du soleil.

Amaga répondit :

— D’accord, je le ferai. Dieu est grand !

Dès le lendemain matin, après le chant du coq, Amaga rassembla tous les mortiers de la famille et partit en brousse. Elle les garda jusqu’au soir puis rentra au village. À l’entrée de celui-ci se trouvait le cimetière où était enterrée sa mère. Elle y entra, s’agenouilla devant sa tombe et chanta les yeux fermés :

 

Maman, maman, je suis devant toi,

Devant toi pour te dire que ma marâtre me force à garder les mortiers,

Oui, les mortiers qui ne sont ni moutons ni chèvres,

Maman, maman, je suis devant toi.

 

Lorsque Amaga ouvrit les yeux, elle vit la tête de sa mère sortir de sa tombe. Sans tarder, l’enfant rentra au village avec les mortiers, mais ne rapporta à quiconque cet événement. Cette nuit-là, chassée de sa chambre par sa marâtre, Amaga passa la nuit avec les moutons.

Le lendemain, elle repartit en brousse avec les mortiers. Comme la veille, elle se rendit au cimetière et chanta cette chanson devant la tombe de sa mère avant de rentrer au village :

 

Maman, maman, je suis devant toi,

Devant toi pour te dire que ma marâtre me force à garder les mortiers,

Oui, les mortiers qui ne sont ni moutons ni chèvres,

Maman, maman, je suis devant toi.

 

Cette fois, elle vit sa mère de la tête jusqu’au ventre. Pendant plus de deux semaines, Amaga se rendit ainsi au cimetière et chanta sa chanson. Un jour, elle chanta comme de coutume :

 

Maman, maman, je suis devant toi,

Devant toi pour te dire que ma marâtre me force à garder les mortiers,

Oui, les mortiers qui ne sont ni moutons ni chèvres,

Maman, maman, je suis devant toi.

 

Lorsque Amaga ouvrit les yeux, elle vit sa mère venir à elle et lui dire :

— N’aie pas peur, c’est moi, ma fille. J’attendais ta voix depuis longtemps.

Amaga et sa mère rentrèrent ensemble au village à la tombée de la nuit. Arrivée à la porte de la maison, Amaga laissa sa mère au-dehors et entra seule avec les mortiers. Yapèrou vociféra après elle et lui donna à manger dans la gamelle du chien. Alors Wagousserou apparut devant la méchante marâtre et lui dit :

— Jamais ma fille ne mangera avec le chien !

C’est alors que Yapèrou tomba en syncope. Avant de mourir, elle eut juste le temps de prononcer ces deux mots : “ Wagousserou ressuscitée ! ”

 

« Depuis ce jour, les gens comprirent qu’il était injuste de maltraiter les enfants orphelins. »

 


 

Le juste partage de l’amour, par Saye Apomi. Téréli-Sodangha

Il était une fois un homme du nom d’Assolou qui avait deux femmes : Yatanou et Sami. Au terme de quelques années passées avec elles, il préféra sa première épouse Yatanou à la seconde. Aussi chercha-t-il le moyen de chasser Sami de la famille. Cette dernière, l’ayant appris, décida d’éliminer sa coépouse.

Un jour, comme à leur habitude, les deux femmes partirent chercher de l’eau au marigot. Il était un peu éloigné du village. Ainsi que l’exige la tradition, la première épouse doit toujours se mettre devant et la seconde derrière et ce, quelle que soit la tâche entreprise. Yatanou entra dans le marigot la première. Au moment où elle se pencha pour prendre de l’eau, Sami, qui se tenait derrière elle, la poussa de manière à ce qu’elle se noie et rentra au village. Revenant seule, elle dit à son mari :

— J’ai cherché Yatanou tout autour de l’arbre où elle était allée se soulager, mais je ne l’ai pas trouvée.

On frappa alors par trois fois le “tambour de perte”. Toute la population se rassembla sur la place publique. Hommes et femmes cherchèrent Yatanou une semaine durant, mais en vain.

Un mois plus tard, période de la culture du mil, les bergers firent une curieuse découverte. Tandis qu’ils se reposaient à l’ombre d’un arbre, ils envoyèrent le plus jeune d’entre eux chercher de l’eau. Au moment où le garçon plongea sa gourde[1] dans le marigot, un chant monta du fond des eaux :

 

La gourde est dans l’eau

Yatanou est dans l’eau

Ma coépouse Sami m’a trahi

Allez dire à Assolou que je suis là.

 

Le jeune berger s’enfuit alors avec le peu d’eau entrée dans sa gourde et raconta l’extraordinaire histoire à ses camarades. Aussi incroyable que leur ait paru ce récit, les bergers se rendirent eux-mêmes au marigot. L’un d’eux plongea de nouveau la gourde et la chanson se fit entendre :

La gourde est dans l’eau

Yatanou est dans l’eau

Ma coépouse Sami m’a trahi

Allez dire à Assolou que je suis là.

 

Sur le champ, ils s’éclipsèrent, laissant même leurs animaux en brousse. Ils allèrent tout d’abord trouver le hogon puis, ensuite, Assolou.

Accompagnée par les bergers, toute la population, hormis les personnes âgées, se rendit au marigot. Le jeune berger y plongea sa gourde. Comme les deux fois précédentes, ce chant monta du fond des eaux :

 

La gourde est dans l’eau

Yatanou est dans l’eau

Ma coépouse Sami m’a trahi

Allez dire à Assolou que je suis là.

 

Les villageois, aussi effrayés que perplexes, s’interrogèrent : “ Mais comment peut-elle vivre dans l’eau ? ”

Sans plus attendre, les hommes se jetèrent dans le marigot et en sortirent Yatanou vivante. Elle avait curieusement grossi. De retour au village, Sami, la seconde épouse, expliqua à la population comment elle en était arrivée à pousser Yatanou. Assolou, reconnaissant ses graves fautes, remercia la population et jura devant elle, de rester pareillement fidèle à ses deux femmes.

 

« Depuis lors, la polygamie fut interdite aux hommes incapables de partager pareillement l’amour entre leurs épouses. C’est à cette époque que les hommes découvrirent les Nommo, ces êtres aquatiques possédant une force surnaturelle. »

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[1] kɛ̀mɛ. Gourde faite d’une calebasse généralement piriforme dont on a sectionné l’extrémité de la partie caudale.


 

L’histoire de Yassène, par Dolo Soumaïla. Sangha-Bongo

En des temps anciens, vivait une femme nommée Yassaï. Un jour, elle mit au monde une fille appelée Yassène. Mais l’enfant était si petite que sa mère alla la jeter dans la rivière. En échange, elle prit une grosse grenouille qui se trouvait au bord de l’eau. Elle la nomma Yabogo. Heureusement pour Yassène, elle fut sauvée par les génies de l’eau qui l’adoptèrent et l’élevèrent.

Un matin, avant de partir à la recherche du bois de chauffe, la mère donna à la grenouille du mil à écraser[1], pensant qu’elle pourrait utilement remplacer sa fille. Mais voilà qu’après son départ, Yassène arriva et écrasa le mil à la place de la grenouille. Elle chantait :

 

Yabogo, Yabogo, où est partie ta mère ? (bis)

Dis à ta mère que Yassène est venue écraser le mil.

 

Une vieille femme, qui habitait non loin de là, entendit la chanson. À son retour de brousse, la mère fut étonnée de voir que le mil avait été convenablement écrasé. Elle se dit : « Je n’étais pas sûre, mais j’ai gagné ! »

Depuis lors, il en fut ainsi chaque jour que Dieu créa.

Une fois, à son retour de brousse, Yassaï fut appelée par la vieille femme. Elle lui dit :

— Il faut que tu saches : ton mil n’est pas écrasé par la grenouille, mais par une jeune fille qui chante ainsi :

 

Yabogo, Yabogo, où est partie ta mère ? (bis)

Dis à ta mère que Yassène est venue écraser le mil.

 

Elle continua :

— Si tu ne me crois pas, demain matin, donne du mil à la grenouille et viens te cacher chez moi.

Yassaï ne ferma pas l’œil de la nuit et se leva très tôt le lendemain matin. Elle donna comme à son habitude le mil à écraser à la grenouille et partit chez la vieille femme. Quelques instants plus tard, la jeune fille arriva et écrasa le mil en chantant :

 

Yabogo, Yabogo, où est partie ta mère ? (bis)

Dis à ta mère que Yassène est venue écraser le mil.

 

La mère reconnut aussitôt sa fille et se précipita vers elle. Elle se mit à genoux pour lui demander pardon, mais Yassène, qui n’avait aucun sentiment pour sa mère, s’enfuit vers la rivière. 

 

À son arrivée, deux garçons, alertés par ses cris, la saisirent et l’empêchèrent de retourner au fond des eaux. Yassène s’adressa à sa mère :

— Mère, j’accepte de te pardonner à condition que la population vienne elle aussi demander pardon aux génies de l’eau !

C’est ainsi que les gens, conduits par le hogon, se rendirent à la rivière pour demander pardon. Ils offrirent un coq blanc et un noir et Yassaï remit la grenouille dans la rivière.

Depuis ce jour, les enfants, quelle que fut leur taille, furent gardés par leur famille. De plus, les hommes commencèrent à respecter les génies de l’eau. 

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[1] Le mil est écrasé manuellement sur une meule dormante (tᴐɲɔ́). Ce travail est souvent auto-accompagné de chants.

 

Chant de meule yu nao ní

Les femmes dogon utilisent des meules dormantes pour moudre leurs céréales (mil, maïs). Ce travail est physique et fatigant. Le corps accompagne le mouvement des bras comme dans une danse. Les chants de meule ont, entre autre, pour rôle de rythmer le travail.

Le texte relate l’histoire d’un canard qui demande à Dieu (Amma) s’il peut chanter comme lui.

Lieu : Mali, vill. Bongo. Durée : 01:40. © Patrick Kersalé 1993-2024.



Chantefables (textes & audio)

Les trois textes suivants sont disponibles avec l'audio original en langue dogon. Les textes sont traduits au plus près de l'original selon un style moins littéraire ; nous avons conservé les répétitions et les onomatopées qui servent de repère à une écoute simultanée à la lecture.

 

Le poisson guérisseur, par Poudiougo Yassama. Téréli-Tatara

Lieu et date : Mali, vill. Téréli-Tatara. 1996.

Durée : 05:02. © Patrick Kersalé 1996-2024.

 

C’était un homme qui avait neuf enfants. Au début, ils étaient tous en bonne santé, mais plus tard, le plus âgé tomba malade. Lorsqu’il tomba malade, les huit autres le rejetèrent car il était couvert de plaies. Personne ne voulait le soigner, pas même son père. Il mangeait à part. Il buvait à part. Il resta tellement longtemps seul qu’il croyait être le seul enfant de sa mère. Comme personne ne voulait le soigner, il décida d’aller se soigner lui-même. Sur la route, il croisa une vieille femme qui lui demanda où il partait. Il répondit qu’il partait se soigner. La vieille femme lui dit :

— Si tu veux te soigner, il y a de l’eau là-bas, lave-toi les mains avec.

Il partit alors se laver les mains. Tandis qu’il se lavait les mains, il rencontra le maître des eaux, un poisson. Celui-ci lui demanda :

— Où vas-tu ?

— Je vais me soigner. Notre père a neuf enfants. Je suis le plus âgé. Mais on ne m’aime pas et personne ne me soigne. Je vais me soigner.

Le poisson lui demanda d’entrer dans l’eau. Lorsqu’il entra dans l’eau, le poisson le fit passer sur l’autre rive. Il y avait là un village. On le garda durant trois années. On lui soigna tout le corps puis on lui dit :

— Les trois années sont écoulées, tu peux retourner chez ton père.

L’enfant dit :

— D’accord !

Le poisson le raccompagna, lui donna des chevaux, des vaches, des chameaux[1], des ânes, de nombreux présents puis il dit :

— Maintenant, il faut partir chez ton père.

L’enfant dit qu’il ne pouvait pas sortir de l’eau. Alors le poisson le fit sortir. L’enfant revint dans sa famille. Il arriva avec beaucoup d’animaux. Les petits frères commencèrent à les frapper, prétextant qu’ils étaient trop nombreux. L’enfant arriva alors en disant que les animaux lui appartenaient et qu’il ne fallait pas les frapper. Ses petits frères lui demandèrent qui il était. Il répondit :

— Je suis le corbeau.

Les frères insistèrent :

— Si tu es le corbeau, d’où viens-tu ?

Le corbeau leur dit :

— Je suis celui qui avait plein de plaies et que vous avez rejeté.

Les frères égorgèrent rapidement une chèvre, préparèrent un plat de riz et le donnèrent à leur frère qui le mangea.

Un autre jour, ils préparèrent de la sauce avec de la viande. L’enfant dit :

— C’est bien, mais il ne faut jamais préparer de la sauce avec du poisson.

Ils répondirent :

— D’accord, nous ne préparerons pas de poisson.

Depuis ce jour, ils commencèrent à préparer, à préparer la sauce avec la viande jusqu’à ce que l’enfant s’y habituât et restât dans la famille. Lorsqu’il fut habitué, sa mère partit chercher de l’eau. Elle trouva un poisson. Elle le laissa et revint.

La seconde fois, elle aima tellement le poisson qu’elle le rapporta dans son canari à la maison. Au retour, elle laissa le poisson et commença à piler du mil et à préparer de la bouillie. Comme l’enfant s’appelait “le corbeau”, lorsqu’elle voulut l’égorger, le poisson commença à chanter :

 

Toi, la mère du corbeau, il ne faut pas m’égorger (bis)

Les bras du corbeau, c’est moi qui les ai soignés

Les pieds du corbeau, c’est moi qui les ai soignés

Le corbeau, c’est moi qui lui ai donné une culotte[2]

Le corbeau, c’est moi qui lui ai donné un boubou[3]

Le corbeau, c’est moi qui lui ai donné un chapeau.

 

La mère se dit : « Pourquoi le poisson chante-t-il ainsi ? » Elle le mit dans le mortier. Pour, pour, pour ! Elle le pila, en fit une boule, en prit un peu pour sa sauce et conserva le reste pour les jours suivants. Lorsque la famille vint manger, lorsque les petits frères vinrent manger, la sauce se mit à chanter :

 

Vous les petits frères, ne me mangez pas (bis)

Les bras du corbeau, c’est moi qui les ai soignés

Les pieds du corbeau, c’est moi qui les ai soignés

Le corbeau, c’est moi qui lui ai donné une culotte

Le corbeau, c’est moi qui lui ai donné un boubou

Le corbeau, c’est moi qui lui ai donné un chapeau.

 

Les petits frères dirent qu’ils n’avaient jamais entendu une sauce chanter et se levèrent. Le père arriva. On lui dit :

— Voici le repas !

Il dit « d’accord » et s’assit. La sauce chanta :

 

Toi, le père du corbeau, ne me mange pas (bis)

Les bras du corbeau, c’est moi qui les ai soignés

Les pieds du corbeau, c’est moi qui les ai soignés

Le corbeau, c’est moi qui lui ai donné une culotte

Le corbeau, c’est moi qui lui ai donné un boubou

Le corbeau, c’est moi, qui lui ai donné un chapeau.

 

Le père dit qu’il n’avait jamais entendu une sauce chanter et se leva. La mère revint et demanda pourquoi ils ne mangeaient pas. Ils répondirent qu’ils étaient rassasiés.

L’enfant vint manger, le corbeau lui-même vint manger. Lorsqu’il voulut mettre sa main dans le plat, la sauce commença à chanter :

 

Toi, corbeau, ne me mange pas (bis)

Corbeau, c’est moi qui t’ai donné beaucoup de mil

Corbeau, c’est moi qui t’ai soigné les bras

Corbeau, c’est moi qui t’ai donné un chapeau

Corbeau, c’est moi qui t’ai donné un boubou.

 

Ainsi il a parlé.

L’enfant se leva… Vouhhh !… Il partit au grand abri où il fit cette annonce[4] :

— Si vous entendez un coup de fusil dans le village, c’est moi !

Rapidement il revint à la maison et tua sa mère. Après l’avoir tuée, il enterra son corps et resta calme.

 

« Jadis, c’était les poissons qui soignaient les gens. »

 

Ce beau conte est terminé[5].

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[1] En français africain, le dromadaire est toujours désigné par le terme chameau. Cet animal est rare chez les Dogon. Certains en possèdent, achetés aux Touareg.

[2] Culotte traditionnelle à fond ample (puᴐn tùbᴐ) réalisée avec des bandelettes de coton cousues. Sa forme varie en fonction de l’âge de l’individu. Autrefois, les jeunes Dogon non encore circoncis ne portaient pas de culotte.

[3] ɑ́rgoy. Tunique, partie de vêtement traditionnel. De nombreux Dogon sont aujourd’hui islamisés et ont adopté le boubou traditionnel des musulmans.

[4] Dans les villages des éboulis, on communique à distance en parlant très fort et en utilisant la réverbération de la paroi de la falaise.

[5] eŋene sɑ́ŋɑ lim. Expression clôturant les contes.


 

L’oiseau insatiable, par Poudiougo Yassama. Téréli-Tatara

Lieu et date : Mali, vill. Téréli-Tatara. 1996.

Durée : 06:49. © Patrick Kersalé 1996-2024.

 

C’était un homme qui habitait seul en brousse. Il avait un figuier qui donnait, en guise de fruits, de l’argent. Comme son figuier lui avait donné de l’argent, il partit au marché. Ce faisant, un petit oiseau venu d’on se sait où, vint se poser sur le figuier. Léou[1] !. Bon.

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo[1]

Kolo. Donne-moi un peu de fruit avant que je ne parte.

 

Ainsi il a dit.

Après que l’oiseau a chanté, l’homme lui donna dix fruits. L’oiseau les mangea et partit. Il revint le lendemain. L’homme lui donna dix fruits. Il les mangea et repartit. Il revint le surlendemain. L’homme lui donna dix fruits. Il les mangea et repartit. Un autre jour, il revint encore :

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo. Donne-moi un peu de fruit avant que je ne parte.

 

L’homme lui donna dix fruits. Tous les fruits étaient maintenant épuisés. Comme les fruits étaient épuisés, l’oiseau mit la main sur les chèvres. De la même manière, les chèvres s’épuisèrent. Il mit alors la main sur les vaches.

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo. Donne-moi un peu de fruit avant que je ne parte.

 

Ainsi il a dit.

L’oiseau mangea, mangea les vaches jusqu’à les terminer, les terminer. Il mit alors la main sur les ânes.

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo. Donne-moi un peu de fruit avant que je ne parte.

 

Ainsi il a dit.

L’oiseau mangea, mangea les ânes jusqu’à les terminer, les terminer. Il mit alors la main sur les chameaux.

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo.

 

Ainsi il a dit.

L’oiseau mangea, mangea tous les animaux jusqu’à les terminer, les terminer. Comme l’homme avait beaucoup d’enfants, l’oiseau mit la main sur ses enfants.

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo.

 

Ainsi il a dit.

L’homme lui donna un enfant. L’oiseau mangea l’enfant. Il revint le lendemain.

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo.

 

Ainsi il a dit.

L’oiseau mangea un enfant, puis un deuxième enfant, puis un troisième, puis un quatrième. Il mangea ainsi tous les enfants.

L’homme avait deux femmes. L’oiseau mit la main sur les femmes.

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo.

 

Ainsi il a dit.

L’homme lui donna une femme. L’oiseau la mangea puis repartit.

Il revint le soir même.

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo.

Ainsi il a dit.

Il la mangea. Lak lak[3] !.

Maintenant, il ne restait plus que l’homme.

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo. Donne-moi un peu de fruit avant que je ne parte.

 

Ainsi il a dit.

L’homme dit à l’oiseau :

— Les chèvres, tu les as mangées. Les vaches, tu les as mangées. Les enfants, tu les as mangés. Tout, tout, tu as tout mangé. Me voici, je suis assis.

L’oiseau se saisit de l’homme et le mangea d’un seul coup. Ne subsistait désormais dans la famille pas même le bruit d’un oiseau.

L’homme avait une fille qui s’était mariée dans un village lointain. Après tout ce qui s’était passé, la fille revint dans la famille, mais la famille était complètement détruite. Les chèvres de son père, les vaches de son père, les enfants, tout était complètement détruit. La fille commença à pleurer. Tandis qu’elle pleurait, une vieille femme arriva. Elle lui demanda :

— Pourquoi pleures-tu ?

Elle répondit :

— Avant, il y avait mon père. Avant, il y avait ma mère. Avant, il y avait les enfants. Tous ont disparu. C’est pour cela que je pleure.

La femme lui dit de ne pas pleurer et lui demanda si elle avait apporté du mil. La fille répondit qu’elle en avait apporté. La vieille femme demanda à la fille pourquoi elle avait apporté une chèvre. Elle répondit que c’était pour résoudre son problème. La vieille lui dit que pour résoudre son problème, elle devait aller chercher de l’eau et piler le mil. La fille accepta et commença à piler. Tandis qu’elle pilait, l’oiseau qui avait mangé sa mère, son père et les enfants, vint se poser sur le figuier et…

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo.

 

Ainsi il a dit.

La fille prit son pilon et s’en alla. L’oiseau s’envola. La fille prit son pilon et s’en alla. L’oiseau s’envola. La fille prit son pilon et s’en alla. L’oiseau s’envola.

Ce faisant, elle commença à pleurer.

La vieille femme lui dit :

— Il ne faut pas pleurer. Pourquoi pleures-tu ?

— L’oiseau a mangé ma mère, mon père et toutes choses. C’est à cause de cette douleur que je pleure.

La vieille femme lui dit :

— Ce n’est pas la peine de pleurer à cause de cette douleur.

La vieille lui donna de la poix et lui dit d’aller la mettre sur la branche où l’oiseau vient habituellement se poser. La fille alla déposer la poix, là où chante l’oiseau. Au moment où le soleil commença à chauffer, la poix devint collante. Pendant ce temps, la fille commença à piler. L’oiseau vint se poser sur la branche.

 

Salut Baseren, salut à toi, salut Baseren, salut à toi

La maison est détruite, la maison est détruite

Dieu, la maison est détruite

La brousse est détruite, la brousse est détruite

Dieu, la brousse est détruite, kolo.

Kolo, donne-moi un peu de fruit avant que je ne parte.

 

Ainsi il a dit.

Tandis que l’oiseau chantait, la fille ne dit rien. L’oiseau chanta, chanta jusqu’à ce qu’il soit fatigué. Comme ses pattes s’étaient collées à la poix, comme ses ailes s’étaient collées à la poix, la fille le prit… deng !… et lui tordit le cou.

La fille s’appelait Yatanou.

 

Yatanou, laisse-moi

Ta mère va sortir, laisse-moi

Yatanou, laisse-moi

Ton père va sortir, laisse-moi

Tous tes parents vont sortir laisse-moi.

 

Elle tordit de nouveau le cou de l’oiseau. Alors l’oiseau déféqua son père, déféqua sa mère, déféqua les chèvres, déféqua les vaches...

 

Yatanou, laisse-moi

Ta mère va sortir

Ton père va sortir

Tous tes parents vont sortir.

 

Il déféqua, il déféqua, il déféqua tout ce qu’il avait mangé. Après les avoir tous déféqués, ils étaient comme des mourants, comme des mourants, comme des mourants. Ils ne pouvaient pas marcher, ils se traînaient, ils se traînaient…

 

Yatanou, laisse-moi

Ta mère va sortir

Ton père va sortir

Tous tes parents vont sortir.

 

Elle arracha alors la tête de l’oiseau et fit un grand feu. Elle y jeta l’oiseau jusqu’à ce qu’il soit réduit en cendres. Elle ramassa les cendres et les dispersa dans l’air[4].

_______________

[1] Bruit fait par l’oiseau en se posant.

[2] Il signifie, selon le cas : “C’est ainsi ; donc”.

[3] Bruit qu’il faisait en mangeant.

[4] Hors enregistrement : “C’est pour cela qu’aujourd’hui les filles dogon partent au loin vivre avec leur mari. Ainsi, même si une famille est décimée, certains de ses membres peuvent survivre.”


 

Le tamarinier, par Poudiougo Yassama. Téréli-Tatara

Lieu et date : Mali, vill. Téréli-Tatara. 1996.

Durée : 03:34. © Patrick Kersalé 1996-2024.

 

C’était un homme qui prenait toujours, toujours les feuilles d’un tamarinier[1] appartenant aux animaux de la brousse, pour préparer sa crème de mil[2]. Son fils buvait la bonne crème, mais ignorait d’où venait le tamarin. Aussi il se dit : « Aujourd’hui je vais faire quelque chose de spécial avec le sac en peau de chèvre[3] ». Il tua une souris, la dépouilla, mit de la cendre dans sa peau, la perça et l’accrocha au sac en peau de chèvre de son père. L’enfant ne savait pas à quel moment ce dernier partirait. Le matin, l’homme prit son sac sur l’épaule et partit en brousse. Lorsqu’il partit, la cendre coula, coula, coula. Le matin, l’enfant se réveilla et suivit les traces de cendres.

 

de kuᴐ buguru buguru buguru

de kuᴐ buguru buguru buguru[4].

 

L’enfant suivit les traces de cendres jusqu’au tamarinier. Les traces ne dépassaient pas le tamarinier.

 

de kuᴐ buguru buguru buguru

de kuᴐ buguru buguru buguru.

 

Son père lui demanda :

— Pourquoi es-tu venu ici ?

Il répondit :

— Je suis venu cueillir du tamarin. Est-ce que tu cueilles toujours ce tamarin-là ?

— Oui, répondit-il.

L’enfant monta rejoindre son père pour cueillir, pour cueillir.

— Eh, je suis venu seul pour cueillir le tamarin ! Si tu viens, les hyènes vont nous manger. Eh eh ! Il faut partir. Je vais te donner du tamarin. Il faut partir.

Le père donna du tamarin à l’enfant qui retourna à la maison. Après cela, comme le père voulait remplir son sac de tamarin, toutes les hyènes arrivèrent, tous les animaux arrivèrent. Tous les animaux arrivèrent. Ils sentirent l’odeur d’une personne humaine. Certains dirent qu’il fallait monter voir dans le tamarinier. Ils montèrent sur l’arbre et y trouvèrent un homme.

— Il y a un homme qui est là en train de cueillir le tamarin !

— Ah bon ?

Ils commencèrent à discuter. Certains dirent qu’il fallait monter et d’autres qu’il fallait couper l’arbre. Ils commencèrent à couper l’arbre. 

Tandis qu’ils coupaient l’arbre, l’homme comprit qu’il ne pouvait pas se sauver.

Il tendit ses mains vers le Nord, mais rien ne tomba dans ses mains. Il tendit ses mains vers le Sud, mais rien ne tomba dans ses mains. Il tendit ses mains vers le ciel. Un sifflet[5] vint se poser sur ses mains. L’homme commença à siffler :

 

Père-hyène s’est trompé avec le sifflet

Les pas de danse se sont trompés avec le sifflet

Père-lièvre s’est trompé avec le sifflet

Père-antilope s’est trompé avec le sifflet

Père-porc-épic s’est trompé avec le sifflet

Père-cobe-de-Buffon s’est trompé avec le sifflet.

 

Ainsi il a dit.

Les animaux faisaient des va-et-vient en dansant. l’hyène dit :

— Aujourd’hui nous allons nous rendre jusqu’à Kangnin en dansant.

— Ah bon ? (dirent les autres.)

— Oui ! (affirma l'hyène.)

Cette fois-ci, l’homme siffla ainsi :

 

Père-hyène s’est trompé avec le sifflet

Les pas de danse se sont trompés avec le sifflet

Père-porc-épic s’est trompé avec le sifflet

Père-écureuil s’est trompé avec le sifflet

Père-antilope s’est trompé avec le sifflet

Père-gazelle s’est trompé avec le sifflet.

 

Ainsi ils partirent jusqu’à Kangnin[6]. Avant leur retour, l’homme s’était enfui chez lui. Aucune hyène ne trouva l’homme, aucun animal ne trouva l’homme. Sans se fatiguer, l’homme rentra chez lui.

 

« La bêtise de l'hyène ne date pas d’aujourd’hui, elle a toujours été bête. Peut-on vraiment abandonner une personne, aller jusqu’à Kangnin, revenir et la retrouver au même endroit ? »

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[1] ómulu. (Tamarinus indica). On fait macérer ses graines dans de l’eau pour préparer la crème de mil.

[2] púnu. Crème ou bouillie crue composée de farine de mil délayée dans de l’eau où ont macéré des graines de tamarinier.

[3] bɛnɛ. Sac traditionnel constitué de la totalité d’une peau de chèvre.

[4] “Les traces du père bùguru bùguru bùguru”. Mot intraduisible imageant l’écoulement continu de la cendre. 

[5] pipedi (ou susoj). Sifflet de bois, avec ou sans trou de jeu, généralement utilisé par les chasseurs pour communiquer entre eux.

[6] Kɑ̃ɲin : village du cercle de Koro, à la frontière du Burkina Faso.



Énigmes

Le pou, par Saye Yabemou. Téréli-Dagha

Un jour, trois hommes, Amassom, Atimé et Alè, décident d’entreprendre un voyage. Au cours de leur périple, alors qu’ils se trouvent au pied de la falaise, Amassom dit à ses compagnons :

— Regardez le pou dans la grotte… là… en haut de la falaise !

Après avoir regardé, Atimé sort son lance-pierres et tue l’animal qui est finalement récupéré par Alè avant de toucher le sol.

Lequel de ces trois hommes est le plus doué ?

 

Les trois idiots, par Saye Yabemou. Téréli-Dagha

Fruits du baobab. © P. Kersalé 1996-2024.
Fruits du baobab. © P. Kersalé 1996-2024.

Trois hommes complètement idiots vivent dans un petit village. Un jour, ils vont se promener en brousse. Le premier décide de gauler des fruits[1] de baobab[2], le second de chercher des fibres de ce même arbre pour en faire des cordes et le troisième de pêcher dans une mare se trouvant non loin de là.

 

Le premier homme, avant de commencer à gauler, monte dans le baobab, touche le fruit pour juger de sa maturité puis redescend. Il lance de nombreuses fois son bâton, mais manque à chaque fois le fruit. Désespéré, il se met à pleurer.

Le second, après avoir récolté ses fibres, commence à pleurer car il n’a rien pour les attacher.

Quant au troisième, le pêcheur, il pleure parce qu’il a soif au milieu de l’eau.

 

Lequel de ces trois hommes est le plus idiot ?

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[1] Le fruit du baobab, de forme oblongue, est surnommé “pain de singe”. Lorsqu’il sèche, sa pulpe blanchâtre et acidulée devient grumeleuse. Il fait alors le régal des enfants. Lorsqu’on la fait tremper dans l’eau, elle fournit un lait très nourrissant. Pilée, elle entre dans la confection de plats à base de mil.

[2] La paroi extérieure du tronc du baobab fournit, lorsqu’on la gratte, une fibre très solide avec laquelle on tresse de la ficelle et des cordes.