La tour de Babel


Le mythe de la tour de Babel, chronologiquement postérieur à celui du Déluge, est rapporté dans le Livre de la Genèse (Gn 11,1-9). Même s'il a été transcrit, il appartient originellement à une mémoire collective véhiculée par l'oralité. Au fil des siècles, ce récit a été illustré par les plus grands artistes de chaque époque. Le XXIe siècle n'est pas en reste. Le danseur Muya Mahamat nous propose une vision chorégraphiée mêlant divers types de danses, classiques et contemporaines, avec son propre décodage du mythe. Une exclusivité de GeoZik !

 

Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 2007-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 29 août 2024.


SOMMAIRE

PISTES PÉDAGOGIQUES

  • Recherche. Cherchez sur Internet des mythes similaires.
  • Création. Individuellement ou en groupe, créez votre propre mythe sur une thématique similaire à celle de la tour de Babel.
  • Langues. Pensez-vous que la diversité des langues est un frein à la communication ? Que pensez-vous des outils de traduction de Google Translate ? Pourquoi certaines langues ne sont-elles pas représentées dans cet outil ?
  • Allez plus loin avec les Éditions Lugdivine.

Les textes

Selon les traditions judéo-chrétiennes, Nimrod, qui régnait sur les descendants de Noé, est à l'origine du projet. Babel est souvent identifié à Babylone. L'unique langue parlée par les hommes est appelée la langue adamique. Pour certains, cette histoire, qui explique la diversité des langues, illustre la nécessité de se comprendre pour réaliser de grands projets, et le risque d'échouer si chacun utilise son propre jargon.
On peut aussi y voir une illustration des dangers que représente la recherche de la Connaissance, vue comme un défi lancé à Dieu : « Quant aux pères de l’Église et aux penseurs chrétiens, ils voient en Babel un péché d'orgueil de la multiplicité détruisant l’unité. »
Babel est aussi une ville, bâtie collectivement pour « se faire un nom » selon les traductions usuelles, mais qu'il serait plus juste de traduire par « pour exister ». On peut en effet voir la Ville comme lieu de désobéissance des hommes envers Dieu. Le mot hébreu shem שֵׁם, souvent traduit par « nom », signifie également « monument ». Ce sens est naturel dans ce passage, et cette traduction résout le problème de l'interprétation de l'expression « se faire un nom » qui paraît hors sujet.

 

Genèse (Gn 11,1-9)

« Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. Comme ils étaient partis de l’orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Shinar et s'y installèrent. Ils se dirent entre eux : Allons, faisons des briques et cuisons-les au feu ! La brique leur servit alors de pierre et le bitume de ciment. Ils dirent encore : Allons, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touchera le ciel ! Faisons-nous un nom afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre. L’Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Et l’Éternel dit : Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté. Allons, descendons, et là, confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres. Et l’Éternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre et leur donna tous un langage différent. Alors ils cessèrent de bâtir la ville. C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Éternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Éternel les dispersa sur la face de toute la terre. »

 

Livre des Jubilés

Le Livre des Jubilés précise la durée du travail de construction et donne des détails sur les dimensions de l'édification :

« Voici que les enfants des hommes sont devenus malveillants par leur mauvais dessein de se construire pour eux une ville et une tour dans le pays de Shinar. Car ils sont partis vers l’Est du pays d’Ararat à Shinar, et dans ces jours ils ont construit la ville et la tour en se disant :
– Allez, qu’ainsi nous montions au ciel.
Et dans la quatrième semaine ils commencèrent à construire et ils firent des briques au feu et les briques leur servaient de pierre et ils les cimentaient ensemble avec l’argile qui est l’asphalte qui vient de la mer et des fontaines d’eau du pays de Shinar. Et ils construisirent ça ; 43 ans pour construire ça. La largeur d’une brique était de deux briques et la hauteur était le tiers d’une ; sa hauteur comptait 5433 coudées et deux paumes et la superficie d’un mur était de treize stades et trente stades de l’autre. »

 

Autres textes

L'Apocalypse grecque de Baruch (vers 70 EC) précise que les dirigeants de ce projet étaient tellement mauvais qu'ils ne permettaient même pas à une femme en train d'accoucher d'abandonner son poste de travail.

Le récit de Flavius Josèphe dans Les Antiquités judaïques (fin du Ier s. EC) ajoute une justification rationnelle à la décision de construire cette tour :

« Celui qui les exalta ainsi jusqu'à outrager et mépriser Dieu fut Nemrod (Nébrôdès), petit-fils de Cham, fils de Noé, homme audacieux, d'une grande vigueur physique ; il leur persuade d'attribuer la cause de leur bonheur, non pas à Dieu, mais à leur seule valeur et peu à peu transforme l'état de choses en une tyrannie. Il estimait que le seul moyen de détacher les hommes de la crainte de Dieu, c'était qu'ils s'en remissent toujours à sa propre puissance. Il promet de les défendre contre une seconde punition de Dieu qui veut inonder la terre : il construira une tour assez haute pour que les eaux ne puissent s'élever jusqu'à elle et il vengera même la mort de leurs pères. Le peuple était tout disposé à suivre les avis de Nemrod, considérant l'obéissance à Dieu comme une servitude ; ils se mirent à édifier la tour avec une ardeur infatigable, sans se ralentir dans leur travail ; elle s'éleva plus vite qu'on n'eût supposé, grâce à la multitude des bras. Mais elle était si formidablement massive que la hauteur en semblait amoindrie. On la construisait en briques cuites, reliées ensemble par du bitume pour les empêcher de s'écrouler. Voyant leur folle entreprise, Dieu ne crut pas devoir les exterminer complètement, puisque même la destruction des premiers hommes n’avait pu assagir leurs descendants ; mais il suscita la discorde parmi eux en leur faisant parler des langues différentes, de sorte que, grâce à cette variété d'idiomes, ils ne pouvaient plus se comprendre les uns les autres. L'endroit où ils bâtirent la tour s'appelle maintenant Babylone, par suite de la confusion introduite dans un langage primitivement intelligible à tous : les Hébreux rendent « confusion » par le mot babel. »


L'iconographie à travers les siècles

À chaque époque, sa lecture du mythe de la tour de Babel. Ses représentations, à l'instar de la chute de Babylone, sont omniprésentes tout en se transformant dans la forme et le fond au cours des âges. L’imagerie du Moyen Âge montre la tour en construction, sous la menace de la punition divine. Une thématique qui permet aussi de découvrir, dans le détail, l’évolution des techniques architecturales. Avec la Renaissance et la naissance de l’humanisme, la tour devient prétexte à célébrer la science et le savoir-faire des hommes capables de se surpasser. Le Siècle des Lumières y voit l’utopie d’une humanité unie, tandis que le XIXe siècle en exploite le potentiel romantique et théâtral. Quant aux XXe et XXIe siècles, malgré la technologie naissance puis affirmée, ils demeurent fascinés par ce mythe et voient sa déclinaison à travers tous les médias modernes. S'il existe un exemple similaire à travers le monde, c'est bien celui de l'épopée du Ramayana qui s'adapte depuis plus de deux millénaires en s'exposant dans tous les médias.

 

La construction de la tour de Babel

Date : c. 1440 -1450. Provenance : BnF, Manuscrits occidentaux, FRANCAIS 63. © BnF.
Date : c. 1440 -1450. Provenance : BnF, Manuscrits occidentaux, FRANCAIS 63. © BnF.

Comme souvent dans les images du Moyen Âge, les événements de l’Antiquité sont transposés à l’époque de l’artiste. Ici, il pourrait s’agir de la construction d’un château médiéval, mais le texte précise bien qu’il s’agit de la construction de la tour de Babel.

La tour s’élève bien au-dessus des remparts. La structure en bois qui s’enroule autour rappelle les représentations classiques de la tour de Babel, mais ici il s’agit des échafaudages.

Les tailleurs de pierre sur la droite utilisent marteau, équerre et compas pour tailler les blocs de pierre : au Moyen Âge, les représentations de la tour constituent aussi une occasion de détailler les gestes des artisans du bâtiment.

 

La construction de la tour de Babel par Nimrod

Date : troisième quart du XVe siècle. Auteur : Saint Augustin. Provenance : BnF, Manuscrits occidentaux, Français 27, f. 122. © BnF.
Date : troisième quart du XVe siècle. Auteur : Saint Augustin. Provenance : BnF, Manuscrits occidentaux, Français 27, f. 122. © BnF.

La tour de Babel abandonnée par les hommes désormais incapables de communiquer devient, dans l’imagerie occidentale, un édifice violemment détruit par la colère divine. Sur cette gravure du Hollandais Cornelis Anthonisz (1547), la tour s’effondre sous nos yeux, frappée par le feu du ciel. Comme dans la version de Pieter Brueghel, l’inspiration architecturale est évidente : il s’agit du colisée romain, métaphore de la Rome païenne qui chutera en 476 après J.-C. Mais en pleine Renaissance, cette référence rappelle aussi l’intérêt renouvelé des hommes de cette époque pour l’Antiquité.

 

 

La destruction divine de la tour de Babel

Date : 1547. Auteur : Cornelis Anthonisz. © Rijk Museum.
Date : 1547. Auteur : Cornelis Anthonisz. © Rijk Museum.

La tour de Babel abandonnée par les hommes désormais incapables de communiquer devient, dans l’imagerie occidentale, un édifice violemment détruit par la colère divine. Sur cette gravure du Hollandais Cornelis Anthonisz (1547), la tour s’effondre sous nos yeux, frappée par le feu du ciel. Comme dans la version de Pieter Brueghel, l’inspiration architecturale est évidente : il s’agit du colisée romain, métaphore de la Rome païenne qui chutera en 476 après J.-C. Mais en pleine Renaissance, cette référence rappelle aussi l’intérêt renouvelé des hommes de cette époque pour l’Antiquité.

 

La tour de Babel par Pieter Brueghel l'Ancien

Date : c. 1563. Auteur : Pieter Brueghel l’Ancien. © Kunsthistorisches Museum, Vienne (Autriche).
Date : c. 1563. Auteur : Pieter Brueghel l’Ancien. © Kunsthistorisches Museum, Vienne (Autriche).

Vers 1563, le peintre flamand Pieter Brueghel l’Ancien peint le chantier de la tour de Babel. L’édifice est situé dans un paysage flamand bien plus que mésopotamien. Il reprend, dans son mouvement en spirale, les représentations antérieures de la tour de Babel, mais rappelle aussi le colisée de Rome, évocateur de la chute de l’Empire romain. L’axe légèrement oblique de la tour semble lui aussi annoncer le destin de l’édifice.

Dans sa représentation de la tour de Babel, Brueghel l’ancien montre une tour démesurée dans laquelle se nichent des centaines d’artisans minuscules, en plein travail. Avec cet édifice, les hommes voulaient atteindre le ciel, et ainsi égaler Dieu. Pour les punir, Dieu les fit alors parler dans des langues différentes, les empêchant de communiquer. La tour ne fut jamais terminée, mais la légende montre bien que pour bien construire, il faut pouvoir se parler !

Ce tableau demeure également un document exceptionnel sur le travail des artisans de l’époque : Brueghel montre en détail les différentes étapes du chantier, les machines, les matériaux et les hommes au travail.

 

La tour de Babel par Athanasius Kircher

Date : 1679. Auteur : Athanasius Kircher (1602-1680). Provenance : BnF, Arsenal, FOL-T-356. © BnF.
Date : 1679. Auteur : Athanasius Kircher (1602-1680). Provenance : BnF, Arsenal, FOL-T-356. © BnF.

Sur cette image du XVIIe siècle, Athanasius Kircher représente la ville de Babylone dominée par la célèbre ziggurat. La disposition des lieux reflète celle des villes mésopotamiennes, partagée en deux entre l’enceinte sacrée (à droite avec la ziggurat et le temple qui émergent), et les quartiers du roi avec le palais et les jardins suspendus représentés par une construction en escalier.

 

Babylone heureuse et apaisée

Date : 1760. Provenance : BnF, Département Estampes et Photographie, LI-72 (9)-FOL. © BnF.
Date : 1760. Provenance : BnF, Département Estampes et Photographie, LI-72 (9)-FOL. © BnF.

Cette estampe du XVIIIe s. montre une Babylone apaisée et laborieuse, loin des représentations tourmentées des siècles précédents. Toute la ville est en chantier, et les seules flammes visibles sont celles des fours à briques. La tour est presque achevée, seuls subsistent des engins de levage dans les derniers étages.

Au premier plan à gauche, des briquetiers fabriquent des briques en travaillant l’argile qu’ils placent ensuite dans des moules. D’autres briquetiers procèdent au démoulage avant de passer les briques au four.

Sur la droite, des morteliers préparent le mortier qu’ils transportent ensuite le long de plans inclinés, pour le livrer aux maçons en plein travail.

 

La tour de Babel par Gustave Doré

Date : 1866. Description technique : Dessin de Gustave Doré, gravure sur bois de Charles Maurand. Planche hors texte imprimée dans La Sainte Bible selon la Vulgate. Provenance : BnF, Réserve des livres rares, Smith Lesouëf R-6283. © BnF.
Date : 1866. Description technique : Dessin de Gustave Doré, gravure sur bois de Charles Maurand. Planche hors texte imprimée dans La Sainte Bible selon la Vulgate. Provenance : BnF, Réserve des livres rares, Smith Lesouëf R-6283. © BnF.

En 1866, Gustave Doré illustre la Bible en deux volumes comprenant 265 dessins. Cette œuvre épique et théâtrale connaît un immense succès, allant jusqu’à influencer, des décennies plus tard, les péplums bibliques du cinéma américains des années 1950.

Ici, Gustave Doré montre une tour de Babel frappée par la tempête à l’arrière-plan. Mais le regard est surtout attiré par la scène théâtrale du premier plan, montrant une humanité désemparée par la punition divine.

 

La tour de Babel par Erik Desmazières

Date : 1976. Auteur : Erik Desmazières. Description technique : estampe. Provenance : BnF, AA 4 XX. © BnF.
Date : 1976. Auteur : Erik Desmazières. Description technique : estampe. Provenance : BnF, AA 4 XX. © BnF.

En 1976, le graveur Erik Desmazières propose sa vision de la tour de Babel, qui s’inscrit dans la continuité de son travail autour des bibliothèques et des architectures fantastiques.

 

La tour de Babel par Endre Rozsda

Date : 1958. Auteur : Endre Rozsda. © Endre Rozsda.
Date : 1958. Auteur : Endre Rozsda. © Endre Rozsda.

Cette tour de Babel (1958) d'Endre Rozsda est une des rares représentations du mythe où la tour ne s'expose pas. La structure de l'œuvre n'est ni géométrique, ni régulière, mais donne toutefois le sentiment d’un certain ordonnancement, d'un chaos organisé, d'un tourbillon psychédélique. L’objectif de Rozsda était probablement de recréer un monde qui tombait en miettes dans le cadre d’un système complexe, bâti sur la tension et l’harmonie des couleurs et des formes, où les lois de l’espace habituelle, en trois dimensions, n’auraient plus vigueur, ce qui permettait de faire apparaître un horizon temporel.

 

La tour de Babel par Jacques Martin

Date : 1981. Auteur : Jacques Martin. © Éditions Casterman S. A./Jacques Martin - Editions Casterman, Courtoisie des auteurs et des Editions Casterman.
Date : 1981. Auteur : Jacques Martin. © Éditions Casterman S. A./Jacques Martin - Editions Casterman, Courtoisie des auteurs et des Editions Casterman.

Les aventures du jeune Romain Alix, dessinées et scénarisées par Jacques Martin, débutent en 1948 avec Alix l’intrépide. La Tour de Babel (1981) est le 16e album du héros, qui, traversant l’Empire romain, ne pouvait manquer de faire halte à Babylone. Les aventures d’Alix se poursuivent encore aujourd’hui : Alix a 20 ans de plus, il est devenu sénateur dans la Rome impériale d’Auguste.

 

 

La Tour infinie par François Schuiten

Auteur & © : François Schuiten.
Auteur & © : François Schuiten.

En 2010, François Schuiten, créateur des Cités obscures, imagine pour les murs de l’université de Louvain-la-Neuve en Belgique une tour de Babel fortement inspirée de celle de Pieter Brueghel l’Ancien. Mais aucun dieu vengeur ne vient mettre fin à l’aventure de la tour. Au contraire, celle-ci, assimilée au savoir et à la lecture, est, comme ces derniers, "infinie". C’est pas la connaissance qu’on touche le ciel !


La tour de Babel aujourd'hui

Ce que représente tout d’abord cette tour de Babel, c’est la volonté des Hommes d’accéder à une vérité qui n’appartient pas à l’Humanité, d’atteindre la dimension céleste par un effort de verticalité qui doit hisser l’Homme au niveau de la divinité.

 

De tout temps et dans presque toutes les civilisations, l’Homme a chercher à s’élever vers la ou les divinités, selon que sa croyance était mono ou polythéiste, en bâtissant des monuments (pyramides, églises gothiques, tours de béton et de verre pour les monuments les plus modernes) soit en créant des “patrimoines immatériels” : musiques, chants, danses, peintures ou sculptures qui les aideraient à communiquer avec les dieux ou, a minima, attirer leur attention. Si l’intention première, comme dans la tour de Babel, était de se rapprocher des lieux de villégiature céleste des dieux, la seconde étape consistait ou pouvait consister à convier les divinités à descendre parmi les Hommes. La tour aurait alors eu une fonction d’ascenseur et de descenseur.

 

La légende et l’Histoire rapportent que face à cette volonté prométhéenne de l’Homme de bâtir cette tour, Dieu a manifesté sa colère car pour Lui, car Il ne doit pas atteindre la véritable lumière.

 

Pour les pouvoirs spirituels et/ou temporels, l’accession de l’Homme à la Connaissance (avec un grand C) représente le plus grand des dangers. Aussi convient-il pour eux de distribuer tout juste ce qu’il faut de connaissance (avec un petit c). Récemment, la plus criante manifestation de ce genre vis-à-vis du pouvoir temporel a été la crise du COVID-19 dans laquelle le Politique a pris la main sur le Scientifique. Bien qu’en amont l’état ait distribué selon le mérite et le degré de connaissances acquises des diplômes mérités, le pouvoir temporel a érigé la vaccination ARN au rang de dogme, voire même un mythe selon lequel “tous les hommes seront sauvés grâce au vaccin ARN” s’érigeant de facto comme pouvoir “spirituel” supplantant toutes les divinités salvatrices, incluant celles des trois grandes religions du Livre. Tout détracteur était dès lors qualifié de complotiste et trainé devant les tribunaux (cf. Professeur Didier Raoult et autres).

 

Ce qui se manifeste de la manière la plus intense dans ce mythe, c’est la confusion. Tout d’abord celle des langues, entraînant dans son sillage celle de la société à travers les divers corps de métier qui ne se comprennent plus. La notion de hiérarchie devient dérisoire et tourne à l'anarchie. Dans la construction de la tour, s’opposent dès lors le maître et l’esclave.

 

Diviser pour régner. La divinité a usé de ce stratagème sociologique pour parvenir à ses fins. Sa stratégie a consister à semer la discorde et à opposer les bâtisseurs afin qu’ils stoppent la construction de la tour. Il en est de même en politique et vis-à-vis des manifestations s’opposant par exemple à un projet de loi. Le pouvoir a intérêt à briser la cohésion des manifestants par tous les moyens, comme l’envoi d’éléments perturbateurs se mêlant à la foule.


Et si Dieu était en train de perdre la partie ?

Dans sa grande colère, Dieu fit en sorte que les Hommes ne parlent plus la même langue afin qu’Ils cessent la construction de la tour. Comme Il voulaient régner sur les Hommes, Il ne supporta pas qu’ils prennent en main leur destiné. Voilà pourquoi Il les condamna à parler des langues distinctes jusqu’à ce qu’Ils ne se comprennent plus. Mais ce dessein n’est pas l’apanage de Dieu ! De tout temps et sur tous les continents, les hommes, fussent-ils de pouvoir ou de simples enfants, ont cherché à préserver secrets et prérogatives.

Il existe environ 7 000 langues dans le monde, un nombre qui fait aujourd’hui à peu près consensus. Mais au sein d’une même société, unie par une langue commune, existent des parlers différentiés à travers lesquels des groupes d’individus se reconnaissent ou non socialement et géographiquement. L’aristocratie et le monde ouvrier ne parlent pas véritablement le même langage ! Ainsi certaines composantes linguistiques contribuent à diviser l'humanité. Il existe également, à partir d’un vocabulaire commun, des sens métaphoriques permettant de préserver des savoirs et de transmettre des messages échappant aux non-initiés (sexe opposé, enfants, autorités, etc).

Dans les sociétés à haut potentiel technologique, le phénomène religieux est en perte de vitesse. Il est remplacé par un patchwork de croyances picorées ici ou là et constituant un nouveau “substrat religieux” qui crée de nouveaux communautarismes. Dans le monde de la technologie et de la finance existent des vocabulaires spécifiques, des sigles et des acronymes permettant de réserver certaines connaissances aux professionnels et ainsi de “capter” la clientèle. Dans le domaine juridique, les textes légaux sont eux aussi rédigés de manière à permettre une interprétation différentiée selon que l'on désire condamner ou, au contraire, acquitter un prévenu, dans une sorte de justice à deux vitesses.

 

Naissance d’un langue fédératrice

Ironie du sort, l'hégémonie de la langue anglaise intervient plusieurs millénaires après l’échec de l’édification de la tour de Babel et sa destruction, symbole annoncé de la division entre les Hommes. L’hégémonie de Royaume-Uni, à travers son Commonwealth, appuyée par celle, culturelle et financière, des USA, ont induit une suprématie linguistique sur une large zone géographique. Cet agrégat linguistique, à dominance religieuse chrétienne, géographiquement éclaté, se retrouve face à des blocs géographiquement cohérents avec des langues dominantes en terme de nombre de locuteurs : la Chine (chinois), Moyen-Orient (arabe avec toutefois une montée en puissance de l’anglais comme seconde langue) et l’Amérique latine (espagnol, portugais). La langue est le nerf d’une guerre livrée en premier lieu par les USA avec leur puissante industrie cinématographique et télévisuelle, leurs médias privés, leurs plateformes de streaming ou encore leurs moteurs de recherches Internet. Des nations comme la Chine ou la Corée du Nord font front par un contrôle drastique de l’Internet. Mais combien de temps encore tiendront-ils encore dans cette posture face au développement de la constellation de satellites de SpaceX qui pourra, à terme, diffuser des programmes politiquement choisis dans les lieux les plus reculés de la planète ?


La tour de Babel selon Muya Mahamat

Muya Mahamat est un chorégraphe-danseur éclectique. Il nous livre ici le résultat d'un spectacle mosaïque créé au début de l'année 2007 avec un collectif de 17 étudiants-danseurs issus de diverses compagnies. L'objectif de son projet consistait à créer un ballet prenant en compte les spécialités stylistiques des différents protagonistes pour échafauder une sorte de cocktail chorégraphique illustrant le mythe de la tour de Babel. Pareil titre traduit d'ailleurs sa volonté d'associer des genres très différents (classique, salsa, claquettes, contemporain, danse orientale ou encore hip hop...) pour les fondre en 18 tableaux qui s'appuient sur un étonnant liant sonore associant Vivaldi avec des musiques celte, africaine, électronique, hip hop... pour un résultat tout à fait spectaculaire. En plus du spectacle, Muya Mahamat offre à GeoZik un décodage intégral du spectacle selon sa vision du mythe. À travers deux interviews, les danseurs nous font eux aussi partager leurs impressions et leur vision instantanée du mythe.

 

Le spectacle

Lieu et date : Lyon - 2007.

Durée : 51:33. © Patrick Kersalé, Muya Mahamat 2007-2024.


Le spectacle décodé

Lieu et date : Lyon - 2007.

Durée : 51:33. © Patrick Kersalé, Muya Mahamat 2007-2024.


Un mythe toujours vivant

Lieu et date : Lyon - 2007.

Durée : 02:58. © Patrick Kersalé, Muya Mahamat 2007-2024.


Genèse du projet

Lieu et date : Lyon - 2007.

Durée : 08:37. © Patrick Kersalé, Muya Mahamat 2007-2024.