Instruments d'Afrique subsaharienne 1/2


Ce PAE présente 17 instruments incontournables d'Afrique subsaharienne dans leur contexte sociétal. Des tournages réalisés entre 1999 et 2002. Nombres de ces images ne pourraient désormais plus être tournées, soit parce que les “sachants” n'ont pas transmis leur savoir, soit parce que certaines zones ont été islamisées aux dépends des croyances animistes ; la production des anciennes musiques y est désormais prohibée.

 

Textes, photos, audios, vidéos © Patrick Kersalé, 1999-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 30 septembre 2024.


SOMMAIRE


Aérophones

Flûte
Rhombe
Trompe

Cordophones

Arc musical
Harpe
Harpe-luth
Luth
Vièle

Idiophones

Cloche
Hochet
Tambour d'eau
Xylophone

Membranophones

Tambour conique
Tambour cylindrique
Tambour-gobelet
Tambour-sablier
Timbale



Aérophones

Flûte

Il existe, en Afrique subsaharienne, une grande variété de flûtes que l'on qualifie généralement de “sifflets”. Les deux termes conviennent. La terminologie “sifflet” indique en quelque sorte la fonction de communication distante de cet outil. De nombreux sifflets sont aviformes, soit de manière explicite, soit de manière symbolique. Parmi les photos ci-contre, se trouve un sifflet aviforme. Elles montrent aussi un grand sifflet très rare, à usage martial, de l'ethnie lobi du Burkina Faso. Ces instruments véhiculent un langage calqué sur la langue parlée. Dans cette région du monde, on parle des langues tonales dont la plupart possèdent trois tons. Dans  : un ton médian, un ton haut et un ton bas. Ainsi, un même phonème prononcé selon trois tons différents aura trois significations distinctes.

Pour communiquer durant la chasse, les membres de la confrérie des chasseurs utilisent des sifflets en bois. Il s’agit d’instruments à embouchure terminale à un trou de jeu. Dans cette séquence, l’un des leurs a abattu un guib harnaché. Un chasseur siffle pour annoncer la nouvelle. Les confrères distants répondent à la fois pour accuser réception du message et permettre leur géolocalisation. Les chasseurs victorieux se dirigent vers le groupe distant qui fait retentir les sifflets. Ces derniers sont accueillis avec déférence par des dons de feuillages et de la musique (harpe-luth donso n'gɔ́ni et racleur en fer). Une fois encore, les sifflets retentissent en signe de satisfaction et pour annoncer l’arrivée prochaine du groupe auprès du chef de la confrérie.


Lieu & date : Village de Ouolonkoto. Sénoufo. Burkina Faso. Janvier 2000.

Durée : 02:20. © Patrick Kersalé 2000-2024.

Pour aller plus loinLes maîtres du nyama (DOCU)


Rhombe

Le rhombe est une planchette, généralement de forme oblongue, en bois, en os ou en métal, de taille variable, attachée au bout d’une cordelette. Sur le plan organologique, on le classe parmi les aérophones à air ambiant. Le jeu consiste à imprimer à la planchette une double rotation : d’une part une autorotation et d’autre part un tournoiement au bout de la cordelette. Au cours de cette double action, la cordelette se vrille dans le sens imprimé au démarrage puis, lorsqu’elle arrive à sa torsion maximale, la planchette s’immobilise une fraction de seconde, change de sens et ainsi de suite.


Lorsque la cordelette arrive à son point de torsion maximum (fin de a), le rhombe s'arrête un instant et change de sens (b) et ainsi de suite. Le parapluie s'inverse entre a et b. © Patrick Kersalé 2010-2024.

Vue de dessus : décomposition de l'autorotation du rhombe. © Patrick Kersalé 2010-2024.


 

La séquence ci-après est extraite du film documentaire "Sigui 1967 - 1973 - Invention de la Parole et de la Mort" de Jean Rouch et Germaine Dieterlen. C'est l'une des rares occasions de voir un rhombe africain en action dans un cadre cérémoniel car il est souvent interdit de filmer les cérémonies initiatiques. Ce film a été tourné chez les Dogon du Mali au cours d'un évènement qui se répète tous les 60 ans, le sigui. Le rhombe est appelé imina na (litt. le grand masque), un nom appartenant à la langue secrète des initiés, le sigui so.

 

Grâce à l'intelligence artificielle (2021), nous avons converti cet extrait de 25 à 100 images par seconde en reconstituant toutes les images manquantes et, par la même occasion, avons changer le format SD (Simple Définition) en HD (Haute Définition).

On peut voir deux éléments propres au fonctionnement du rhombe :

  1. Le tournoiement de l'objet sur lui-même.
  2. Le changement d'orientation de ce que nous appelons le “parapluie”. En effet, comme un rhombe n'est jamais parfaitement symétrique, selon son sens de rotation, le parapluie est alternativement déployé en avant ou en arrière de la main du manipulateur, à la manière d'un véritable parapluie qui se retournerait sous l'action du vent.

Durée : 00:49. Vidéo : © CNC (Centre National de la Cinématographie).


Trompe

En Afrique subsaharienne, les trompes à embouchure latérale dites “traversière” sont faites en corne de mammifère, en bois, en métal, autrefois en défense d’éléphant. Elles sont essentiellement utilisées comme outils de communication distante pour rassembler des individus, annoncer un danger ou, autrefois, partir à la guerre… On nomme aussi les trompes en corne tout simplement “corne”.


Lieux & date : Vill. de Gblomblora et Bonfesso. Burkina Faso. Burkina Faso. Janvier 2000. Durée : 02:09. © Patrick Kersalé 2000-2024.

Voici quelques décennies encore, les Lobi et les Dyan, qui vivent dans le sud-ouest du Burkina Faso, rendaient justice par la vengeance. Pour lancer les hostilités, les guerriers soufflaient dans des trompes en corne d’antilope et des sifflets en bois. À l’issue d’une victoire, ils faisaient de même. Cette séquence vidéo est une reconstitution d’un tel processus.



Cordophones

Arc musical

Organologiquement, l’arc musical est une cithare sur bâton. Il est également connu sous le vocable d'arc-à-bouche ou arc-en-bouche. Il est constitué d’une baguette de bois ou d'une liane arquée, tendue d’une corde végétale. Pour jouer, le musicien passe la corde entre les lèvres, sans les toucher, et fait varier le volume de la cavité buccale afin de produire des harmoniques de différentes hauteurs, tout en frappant la corde avec une tige de mil ou tout autre matériau assimilé.

Un bâtonnet, appliqué alternativement sur la corde, permet de produire deux notes de hauteurs distinctes. Cet instrument se rencontre dans toute l’Afrique subsaharienne sous diverses formes. Les modes de jeu sont eux aussi divers.

L'arc musical est un instrument de divertissement personnel ou collectif. Les enfants Lobi le jouent à la saison de la récolte du maïs, le soir, en passant de maison en maison. Ils jouent et sont rétribués en maïs grillé. Un délice !


Lieu & date : Village de Bonfesso. Dyan. Burkina Faso. Janvier 2000.

Durée : 01:38. © Patrick Kersalé 2000-2024.

Sami Palm joue dans l'espace feutré de sa case. Il alterne ici le chant harmonique et le chant laryngé. Dans le premier cas, l'action du larynx est remplacée par la frappe de la corde. On pourrait dire, sous forme de raccourci, que la frappe de la corde correspond aux consonnes et le jeu buccal aux voyelles.


Harpe

Cette harpe fourchue est propre à l’Afrique subsaharienne. Au Burkina Faso, on la rencontre dans plusieurs ethnies : Badogo, Birifor, Bobo, Bwa, Dagara, Docsè, Dyan, Gan, Komono, Lobi, Pougouli, Vigué. Dans chaque ethnie, elle porte un nom vernaculaire dont la racine est souvent commune : Bwa : kolõjo ; Lobi : kolõjo ou salã ; Dyan : kolõjõ ; Gan : koninyã. Localement, en français africain, on la désigne parfois sous le vocable “harpe ombilicale” ou encore “guitare”, suivi du nom de l’ethnie.


 

Akouna Farma est un véritable auteur-compositeur-interprète traditionnel. Il vit dans le royaume Gan du Burkina Faso. Handicapé par sa cécité, il n’a appris ni à lire ni à écrire. Sa connaissance, sa création, passent par l’oralité. Adulé dans tout le pays gan, sa présence est un gage de réussite des festivités. Si sa musique est imprégnée de la tradition ancienne, les paroles de ses chants puisent à la fois dans son vécu et dans les problématiques contemporaines. Chez les Gan, la harpe est nommée koninyã.

 

Lieu & date : Village d'Obiré. Gan. Burkina Faso. Janvier 2000.

Durée : 02:14. © Patrick Kersalé 2000-2024.


Harpe-luth

La harpe-luth la plus connue de l'Occident est la kora que l'on trouve principalement au Sénégal, en Gambie et au Mali. Son ancêtre est le ngoni ; il se décline en donso n'gɔ́ni (litt. cordes des chasseurs) et kamele n'gɔ́ni (cordes de la jeunesse). Il est joué originellement par les chantres (sora) des confréries de chasseurs — qui n'appartiennent pas à la caste des griots — par les griots, et aujourd'hui par une jeunesse en recherche de création artistique et de reconnaissance.

La harpe-luth est constituée d'une caisse de résonance découpée dans une grosse calebasse et d'un long manche cintré ou droit sur lequel viennent s'accrocher de six à huit cordes. L'extrémité du manche est surmontée d’une petite plaque de métal entourée d'anneaux de fer tintant sous l’effet de la vibration des cordes.

Dans cette séquence vidéo exceptionnelle, un sora chante les louanges des chasseurs de retour de la chasse. Le chant est parfois tellement irrésistible que les chasseurs touchés par les paroles ne peuvent résister à l'envie de payer en introduisant une obole dans l'orifice de la calebasse prévu à cet effet. D'une manière générale, les chantres sont rémunérés avec de l'argent, du gibier ou des charmes de protection.

Sur le plan symbolique, la caisse de résonance symbolise la fécondité du gibier, la peau tendue, le ciel où séjournent les âmes, et les cordes, la voix des ancêtres, ce qui en fait un instrument de communication privilégié avec l’au-delà.

 

 


Lieu & date : Village de Oulonkoto. Sénoufo. Burkina Faso. Janvier 2000.

Durée : 00:58. © Patrick Kersalé 2000-2024.

Pour aller plus loin : Les maîtres du nyama (DOCU)


Luth

La typologie organologique “luth” n'est pas emblématique de l'Afrique subsaharienne comme elle peut l'être dans le monde arabo-musulman, en Asie centrale ou en Inde. Nous présentons ici deux luths :

  • l'un, avec une caisse de résonance en calebasse (objet de la vidéo), fabriqué et joué par les enfants. Ici, en l'occurence, un berger peul. 
  • l'autre, le tehardent ou n'goni (objet de l'enregistrement), est joué par les populations sahariennes et subsahariennes géographiquement proches du désert.

Le second pourrait être un descendant des luths égyptiens visibles dans l'iconographie de l'époque pharaonique. 


Lieu & date : Village de Oulonkoto. Peul. Burkina Faso. Janvier 2000.

Durée : 01:09. © Patrick Kersalé 2000-2024.

Ce jeune berger peul ponctue les longues heures de gardiennage du troupeau en jouant ce petit luth à manche court de sa fabrication.

Pour aller plus loin : L'esprit de la calebasse (DOCU)


Tehardenttehardant ou tidinit est un luth tricorde à manche court joué exclusivement par les hommes. Sa caisse de résonance oblongue monoxyle est tendue d'une peau de chèvre. À l'extrémité du manche sont embouties, d'une manière optionnelle, des sonnailles constituées d’une petite pièce métallique souple munie, en son pourtour, d'anneaux vibrant au rythme du jeu de l'instrumentiste.

Lieu & date : Ville de Tomboutou. Touareg. Mali. Octobre 1993.

Durée : 03:14. © Patrick Kersalé 1993-2024.


Vièle

À l'image du luth, la vièle n'est pas non plus un instrument emblématique de l'Afrique subsaharienne comme elle peut l'être en Europe, dans le monde arabo-musulman ou en Asie. L'instrument recontré dans cette région est d'une vièle monocorde à manche court et caisse de résonance en calebasse jouée par les populations du désert du Sahara et en marge de ce dernier, bien que quelques ethnies plus au sud aient tendance à l'adopter.


 

Sanou Mamadou Bassirou joue une vièle soku de sa fabrication. Les vièles traditionnelles des Touareg ou des Songhay possèdent un manche de section circulaire alors que celle-ci est parallélépipédique. Ce musicien fait partie de cette nouvelle génération cherchant une voie artistique pour exprimer, notamment, à travers la musique et le chant, un mal-être personnel ou sociétal. Il n'est pas facile de trouver sa place en tant que musicien dans une société où la caste des griots est prédominante. C'est bien souvent un déchirement pour la jeunesse de devoir choisir entre devenir musicien et conserver de bonnes relations familiales.

 

Lieu & date : Ville de Bobo Dioulasso. Ethnie Bobo. Mali. 6 janvier 2000.

Durée : 04:00. © Patrick Kersalé 2000-2024.


 

Inzad (ou imzad) est une vièle monocorde jouée par les femmes. Elle est constituée d'une caisse de résonance réalisée avec une demi-calebasse sur laquelle est tendue une peau de chèvre. Un chevalet, posé sur la peau, soutient les cordes en crin de cheval. L'archet en forme d'arc est bandé par des crins de cheval noués aux deux extrémités. Le répertoire de cet instrument porte le nom d’inzad et comporte des chants guerriers et de pâturage.

Une vièle similaire (njerka) est jouée par les hommes de l'ethnie Songhay du Mali dans le cadre d'un culte de possession.

 

Lieu & date : Ville de Tomboutou. Touareg. Mali. Octobre 1993.

Durée : 03:14. © Patrick Kersalé 1993-2024.



Idiophones

Cloche

Les cloches en fer étaient autrefois l'apanage des cours royales d'Afrique avant que ce métal n'arrive à profusion avec la colonisation. On distingue trois types de cloches et clochettes traditionnelles :

  1. Les clochettes à battant interne pour communiquer avec les entités spirituelles. Curieusement, le son du fer a vocation à convier les entités bienfaisantes, mais aussi à éloigner les esprits malveillants.
  2. Les cloches monotimbrales et bicloches à battant externe jouées à deux mains, utilisées dans les orchestres rituels ou profanes. Ces dernières émettent deux sons de hauteurs distinctes. Les cloches monotimbrales sont bien souvent remplacées, à défaut, par un outil en fer (clé à bougie, outil aratoire) ou en verre (bouteille).
  3. Les clochettes tronconiques ou piriformes à battant externe jouées avec une seule main, généralement utilisées pour accompagner le chant ou la danse. L'instrument est glissé autour d'un doigt et percuté avec un anneau habituellement placé autour du pouce.

Contrairement à l'Occident ou à l'Asie, il n'existe pas, en Afrique, de tradition de cloches en bronze. On pourrait dire — dans ce domaine seulement — que le continent est passé du Néolithique à l'âge du Fer en esquivant l'âge du Bronze !


 

Sous le règne du 10e roi des Gan, ɩkhʋ̃mɛ sɩsɑ, le plus grand des deux tambours coniques a disparu. Seul subsiste aujourd’hui le plus petit, koto bie, pièce maîtresse du tambour royal qui donne son nom, au niveau de la cour royale, au nouvel ensemble de tambours. Le tambour disparu a été remplacé au début du XIXe s., sous le règne du 15e roi, Tʋkpɑ̃-Pᴐrɩ, par un tambour cylindrique à deux peaux pɑ̃ɑgɑ, arrivé à la cour royale simultanément au xylophone. Le tambour royal est donc aujourd'hui constitué de trois pièces maîtresses : tambour conique koto bie, tambour cylindrique pɑ̃ɑgɑ et double cloche dɑto, auxquels s'est adjoint le tambour sablier kãgõgo.

La cloche dato maintient la pulsation tandis que les autres tambours à la fois produisent des rythmes mais aussi, parlent. N'oublions pas que la plupart des instruments — tambours à membrane(s), tambours de bois, xylophones — parlent.

 

Lieu & date : Village d'Obiré. Gan. Burkina Faso. Décembre 1999.

Durée : 00:54. © Patrick Kersalé 1999-2024.


Hochet

On rencontre, en Afrique subsaharienne, de nombreux types de hochets. Les plus communs sont en calebasse. Il en existe deux types : à percuteurs internes ou externes. Dans le premier cas, les percuteurs sont constitués de graviers, de graines dures ou de morceaux de verre de pare-brise introduits par le manche. Dans le second cas, des perles ou des graines sont enfilées dans un tressage de fils constituant un filet un peu lâche autour de la tête du hochet.

Chez les Gan, le hochet tɛgɩrɛ sert à appeler les “génies” et conduit le devin, par la répétitivité sonore, à un état modifié de conscience qui lui permet d'entrer en contact avec “l'autre monde”.

Les hochets à percuteurs externes sont plutôt utilisés dans les orchestres.


En ce jour du 1er janvier 2003, la case du porte-parole du 28e roi des Gan fut accidentellement incendiée. Un coup de vent projeta la porte de paille sur le foyer sur lequel le riz était en train de cuire. Mais voilà, tout accident a nécessairement une cause. C'est pourquoi les deux devins ont cherché à connaître la raison.

Contrairement à la divination muette, cette pratique invite les esprits à se manifester de manière sonore. Les devins appellent les entités spirituelles à l’aide de hochets en calebasse. Selon la croyance, les chants interprétés en prémices sont directement inspirés par l’au-delà. Les oracles, rendus sous forme de métaphores, éclairent les consultants sur les causes de leurs problèmes, de leur maladie. Libre ensuite à chacun de les interpréter et d’agir en conséquence. L’arrivée d’un oracle est caractérisée par l’altération de la voix du devin. Ici, celle de l’homme, qui vient d’être possédé par l’esprit, mute de voix de poitrine en voix de tête.

 

Lieu & date : Village d'Obiré. Gan. Burkina Faso. 1er janvier 2003.

Durée : 01:16. © Patrick Kersalé 1999-2024.


Tambour d'eau

Le tambour d’eau est l’apanage des femmes. Il est un des rares tambours (si tant est que l’on considère cet instrument comme un tambour en Afrique !) qu’elles soient admises à jouer compte tenu des interdits frappant l’utilisation des tambours à membranes. Elles l’utilisent généralement pour accompagner leurs chants et rythmer le travail.

La calebasse flottante est frappée soit avec une louche en calebasse, deux petites baguettes de bois, les poings, ou encore avec la tranche d’une paire de sandales.


 

Au Burkina Faso, dans le royaume Gan, les femmes fabriquent du beurre de karité avec lequel elles cuisinent et s’enduisent le corps. Son élaboration dure de longues heures. Pour se donner du courage, elles chantent. Le chant est rythmé par un tambour d’eau dʋgʋko minige constitué de deux calebasses en flottaison, percutées avec une louche, elle aussi en calebasse. Cet instrument éphémère est réalisé à partir d’ustensiles de cuisine. C’est une femme âgée, ne pouvant directement contribuer au pénible pilonnage, qui joue le tambour d’eau. Chaque femme, selon sa compétence, devient tour à tour soliste à l’image du pilon passant de main en main. Les chants au caractère éducatif dépeignent la société gan, les rois des temps passés, les us et coutumes… Lors de ces moments privilégiés, garçons et filles de l’environnement s’éduquent par imprégnation. On notera la beauté de ce chant responsorial où s’entrelacent la voix de la soliste et le chœur, de même que l’énergie de ces femmes qui, dans leurs moments de repos, trouvent encore la force de frapper dans leurs mains.

 

Lieu & date : Village d'Obiré. Burkina Faso. Décembre 1999.

Durée : 01:21. © Patrick Kersalé 1999-2024.


Xylophone

Le xylophone est couramment appelé balafon en français africain et, par extension, en français. Toutefois, chaque ethnie le nomme avec un ou plusieurs noms vernaculaires selon son usage. On en distingue deux types dans l'ère de l'Afrique subsaharienne : le xylophone sur cadre avec résonateur en calebasse, le plus commun, et le xylophone sur fosse.

 

Xylophone sur cadre

Il existe deux sortes de xylophone sur cadre à résonateurs en calebasses : à cadre plan et cadre concave. Le premier est constitué de lames de bois montées sur un cadre formé de quatre montants auxquels sont attachées huit barres horizontales formant deux rectangles superposés, l'ensemble étant lié par des bandelettes de cuir. Des calebasses de forme sphérique dont la partie supérieure est ouverte, sont suspendues sous les lames et ont pour rôle d'amplifier le son produit par chacune d'elle. La taille de chacun de ces résonateurs est adaptée à la hauteur de chaque note. Les calebasses sont percées de plusieurs ouvertures circulaires sur lesquelles sont tendues de très fines toiles.


Elles forment à l'origine le cocon protecteur d’œufs d'araignée, ajoutant une certaine stridence à la sonorité. Pour permettre le logement de l'ensemble des calebasses à l'intérieur du cadre, celles-ci sont organisées en zigzag sur deux rangées, leur suspension étant assurée par des bandelettes de cuir.

Le xylophone à cadre concave est similaire à celui qui vient d'être décrit à la différence près que le cadre supérieur est courbe et qu'il utilise de grosses calebasses piriformes dépassant du cadre pour amplifier les lames les plus graves.

Les lames sont elles-mêmes suspendues au-dessus des résonateurs par deux lignes de bandelettes de cuir torsadées passant par deux nœuds de vibration. Chaque lame a une longueur, une largeur et une épaisseur propre. Les lames sont frappées par deux maillets terminés chacun par une boule formée d'une superposition de bandes de caoutchouc.

L’échelle musicale “matérielle” peut être tétraphonique, pentaphonique ou heptaphonique ; toutefois, l'échelle “fonctionnelle” est parfois différente de l'échelle “matérielle”. Ainsi, il arrive pra exemple que le jeu fonctionnel soit tétraphonique sur une échelle pentatonique. L'échelle est soit liée à la langue de chaque ethnie, soit à l'échelle des chants. Il existe de nombreuses variations au sein de chacune d'elles. Il convient donc de ne pas chercher à théoriser les échelles dans le détail tant leur variabilité est importante. Même entre deux instruments jouant ensemble, les accords entre notes accusent parfois d'importantes variations. Cela fait partie de la “magie” de la véritable musique africaine de terroir.

 

Lieu & date : Village d'Obiré. Burkina Faso. Décembre 1999.

Durée : 01:46. © Patrick Kersalé 1999-2024.

Cette séquence présente le xylophone de la cour royale de l'ethnie Gan. Il est nommé minthoreego. Il est accompagné par un tambour sablier kãgõgo.


Xylophone sur fosse

Dans de nombreuses ethnies, les jeunes s’initient sur un balafon sur fosse. Ceci tient au fait que les balafons sont souvent des instruments sacrés ne pouvant être sortis librement de leur remise. 

Le xylophone sur fosse se compose d'un trou parallélépipédique creusé dans le sol sur lequel repose des lames. Généralement elles sont posées sur un double faisceau de paille positionné aux 2/9 de la longueur des lames, qui représente le nœud de vibration. Dans d'autres cas, le musicien écarte les lames du sol en tendant le lien qui les unit avec son pied. 


Lieu & date : Village de Bonfesso. Burkina Faso. Décembre 2000.

Durée : 01:19. © Patrick Kersalé 2000-2024.

Cette séquence présente un xylophone sur fosse chõku de l'ethnie Dyan du Burkina Faso. Au repos, les lames reposent sur le sol. Le musicien les écarte donc en tendant la ligature avec son pied.