L'Asie est, avec l'Europe, le continent des cithares. On les rencontre dans toutes les couches de la société. Certaines, les plus rudimentaires, sont fabriquées par les musiciens eux-mêmes, d'autres, plus complexes, sont produites par des luthiers professionnels. Le système de classification instrumentale Sachs-Hornbostel range sous le terme “cithare” à la fois l'arc musical et le koto japonais parce que l'Occident aime à classer les choses… et les gens ! Nous avons ici, à défaut, suivi le mouvement, certes pas de gaité de cœur, mais il fallait bien retenir un angle de vision. N'hésitez pas à en adopter un autre, pourvu que la passion s'empare de vous et de vos étudiants…
Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 1993-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 29 août 2024.
SOMMAIRE
Cithares sur caisse à cordes pincées
. đàn bầu (Viêt Nam)
. đàn tranh (Viêt
Nam)
. celempung &
siter (Indonésie)
. kyam (Myanmar)
. krapeu (Cambodge)
Cithares sur caisse à cordes frappées
. khim (Cambodge)
. đàn tám thập lục (Viêt Nam)
Dans le système de classification instrumentale Sachs-Hornbostel, le terme “cithare” désigne les cordophones dont les cordes de jeu sont tendues d'un bout à l'autre de la caisse de résonance (s'il en est). Les catégories comprennent l'arc musical (sans caisse de résonance), les cithares sur bâton, tubulaires, en radeau, sur planche, sur caisse et en auge.
L'Asie est riche de cithares, de la plus simple à la plus complexe. Les plus simples sont généralement indigènes, les plus complexes, le fruit d'échanges interculturels.
Dans ce PAE, nous présentons un échantillon représentatif de cithares asiatiques :
La cithare monocorde sur bâton à résonateur en calebasse est appelée : kse diev ខ្សែដៀវ ou kse muoy ខ្សែមួយ, c'est-à-dire “une corde”. Le terme kse est parfois translittéré ksae ou khsae.
La première iconographie du Cambodge représentant une cithare sur bâton mono-résonateur remonte au VIIe s., à Sambor Prei Kuk. Par miracle, cet instrument a traversé les siècles jusqu'au temps présent. Sa pratique avait presque disparu après le génocide des Khmers rouges dans les années 1970. Mais grâce à la ténacité de Maître Sok Duch et l'aide de l'organisation Cambodian Living Art, plusieurs musiciens de la jeune génération en assurent la pérennité.
Avant la révolution, le kse diev était joué dans l'orchestre de mariage plenh kar boran ភ្លេងការបុរាណ, dans l'orchestre phleng arak ភ្លេងអារក្ស et parfois aussi par les chanteurs aveugles pour auto-accompagner leur chant. Cette dernière utilisation est peut-être le secret de sa longévité.
En 1930, lors de sa visite à la Cour du Cambodge, le roi Prajadhipok (Rama VII) du Royaume du Siam (ex-Thaïlande) reçoit des mains du roi du Cambodge Sisowath Monivong plusieurs instruments de musique prestigieux, dont ce kse diev est le plus prestigieux que nous connaissions. Précieusement préservé depuis lors, il est désormais présenté au Musée National de Bangkok dans un parfait état de conservation.
Merci aux conservateurs thaïs d'avoir protégé ce trésor !
Organologie et fabrication
Le kse diev est composé d'un manche tourné en bois de neang nuon នាងនួន ou kranhung គ្រូញូង. L'extrémité (bangkien), en forme de nāga, est sculptée dans de la corne de buffle, du bois ou (autrefois) une défense d'éléphant. Elle est fixée au manche au moyen d'un tube métallique. Sur cette tête est fixée une corde en laiton. L'autre extrémité du manche est percée d'un trou dans lequel s'engage une cheville (pranuot ព្រលួត) avec laquelle le musicien contrôle la tension de la corde et, par conséquent, la hauteur de la note fondamentale.
L'instrument mesure entre 80 et 88 cm. L'ensemble est calculé à partir de la longueur totale du bras du musicien s'il le fabrique lui-même (de l'épaule au bout du doigt), plus la longueur d'une main, du poignet à l'extrémité du pouce levé, de sorte que la courbure du bangkien suit celle du pouce. S'il s'agit d'une commande extérieure, le fabricant adapte la longueur à la taille de son client. Le manche est en trois parties : un corps en bois de 65 cm, un tube de cuivre ou de laiton de 9,5 cm qui s'adapte au manche sur une profondeur de 4 cm, enfin le bangkien de 18 cm dont environ 4 cm s'enfonce dans le tube métallique de raccordement. La cheville, d'une seule pièce, est façonnée au tour. Une demi-calebasse (khlok ឃ្លោក) est attachée au manche par une ficelle en Nylon (anciennement en rotin) passant par le col de la calebasse et fixée à une rondelle en coque de noix de coco. Cette grande rondelle maintient le Nylon à l'intérieur de la calebasse. Une fois la rondelle “vissée”, elle serre la calebasse au manche, provoquant une tension sur le Nylon. La calebasse est fixée sur le manche de l'instrument à un empan de la cheville. D'autres musiciens mesurent l'emplacement de la calebasse en comptant une coudée plus une main, plus un pouce du bangkien.
La corde en laiton est achetée dans le commerce. Mais comme elle est rarement au diamètre souhaité, les musiciens l'amincissent par étirements successifs afin d'obtenir le résultat escompté. Elle est attachée au bangkien d'une part, à la cheville d'autre part, et passe sous le fil de maintien de la calebasse. La partie vibrante de la corde est celle qui va du bangkien au point de fixation du résonateur.
Technique de jeu
Pour le jeu, la calebasse est placée contre la poitrine. Le manche est en position oblique par rapport au corps, la cheville étant, pour les musiciens droitiers, à la hauteur de l'épaule gauche.
Le jeu est difficile. Les doigts de la main gauche (index, majeur et annulaire) appuient sur quatre points de la corde, près du point de fixation de la calebasse, pour faire varier la longueur vibrante de la corde. La mise en vibration est produite par un pincement en plusieurs points précis de la corde avec un onglet métallique ou de corne fixé à l'annulaire droit. La hauteur des degrés est donnée par un léger toucher de l'index droit qui effleure la corde en même temps que l'onglet.
Le musicien peut jouer une octave et demie (12 notes), parfois deux octaves s'il est virtuose. Dans l'orchestre, la corde à vide est généralement accordée selon la note samleng ko du hautbois sralai ស្រឡៃ.
En plaçant la calebasse plus ou moins près sur sa poitrine, le musicien peut entendre avec plus ou moins de puissance acoustique les harmoniques sur lesquelles il joue.
“Jouer le kse diev” se dit “denh kse diev” en khmer, soit littéralement = pincer le monocorde.
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Ce chapitre est une actualisation par Patrick Kersalé de l'article "L'orchestre de mariage cambodgien et ses instruments" écrit en 1968 par Jacques Brunet. Dans : Bulletin de l'Ecole française d'Extrême- Orient. Tome 66, 1979. pp. 203-254.
Lieu & date : Cambodge, Phnom Penh. 2012.
Durée : 04:49. © Patrick Kersalé 2012-2024.
Sinat Nhok a été un élève de Maître Sok Duch. Il est l'un des meilleurs joueurs de kse diev de la jeune génération. Il interprète ici la pièce intitulée Sompong.
La cithare des Kreung du Cambodge est appelée proak. Elle se compose d'un corps en bambou, de deux cordes métalliques, de deux chevilles, d'un résonateur en calebasse et de cinq touches. Les deux cordes d’acier sont accordées à l’aide de deux chevilles de bambou. Seule la corde la plus proche du manche est pincée, l’autre servant de bourdon. Le résonateur en calebasse est ouvert à sa base tzndis que l'ouverture est placée contre la poitrine du musicien qui l’éloigne parfois pour modifier l’intensité sonore.
Cette cithare était autrefois jouée en solo pour accompagner les chants, réveiller les hôtes de la maison, bercer les enfants, agrémenter le pilonnage du riz.
Interprète : Klong Tuch.
Lieu & date : Prov. Ratanakiri. 10 février 2010.
Durée : 02:56. © Patrick Kersalé 2010-2024.
La cithare des Kreung du Cambodge est appelée proak. Elle se compose d'un corps en bambou, de deux cordes métalliques, de deux chevilles, d'un résonateur en calebasse et de cinq touches. Les deux cordes d’acier sont accordées à l’aide de deux chevilles de bambou. Seule la corde la plus proche du manche est pincée, l’autre servant de bourdon. Le résonateur en calebasse est ouvert à sa base. Cette ouverture est placée contre la poitrine du musicien qui l’éloigne parfois pour modifier l’intensité sonore.
Cette cithare était autrefois jouée en solo pour accompagner les chants, réveiller les hôtes de la maison, bercer les enfants, agrémenter le pilonnage du riz.
Les Bunong, comme toutes les minorités ethniques des confins frontaliers du Cambodge, du Laos et du Viêt Nam, jouent les ensembles de gongs, qui doivent être considérés non comme plusieurs instruments mais comme un carillon éclaté qui unit les villageois. Cette cithare, tout au contraire, marque une forme d'individuation. Son nom, kong rla, contient le terme kong, signifiant “gong”. Grâce à ses six cordes, cette cithare peut interpréter le répertoire des gongs.
Lieu & date : Prov. Mondulkiri. Vill. Pu Tam n°4. 11 décembre 2010.
Durée : 02:06. © Patrick Kersalé 2010-2024.
La mélodie se compose, à l'instar du répertoire des ensembles de gongs, d'un segment de quatre mesures, ou multiples de quatre, répétées à l'infini. Pour les Bunong, comme pour l'ensemble des sociétés de cette région du monde, la répétition, sous toutes ses formes, fait partie de la construction sociétale. Elle constituait autrefois une zone de confort dans un univers de tous les dangers : la forêt avec ses fauves, ses serpents, ses parasites, ses plantes épineuses et toxiques, les guerres tribales, etc.
Selon les ethnies, cette cithare tubulaire en bambou est diversement nommée : ting rieng (Kreung), kuong ting (Tampuon)… Dotée de cordes métalliques en nombre variable, elle est une évolution de la cithare idiocorde décrite ci-avant. Les chevilles sont réparties tout autour de la moitié inférieure ou supérieure du tube, par rapport à la position de jeu. Sur la partie supérieure est fixée une calebasse évidée, faisant office de résonateur. Certaines cordes sont dédiées à la mélodie, d’autres à l’accompagnement ; chacune possède un nom spécifique en relation avec le nom des gongs. Cet instrument est la version modernisée de la cithare idiocorde en bambou.
Sur cet instrument de divertissement, le musicien interprète la mélodie des chansons ou accompagne son propre chant.
La musique des minorités ethniques du Ratanakiri est constituée de courts cycles mélodico-rythmiques. Traditionnellement, la base mélodique est celle des chants joués par les ensembles gongs avec accompagnement rythmique. La cithare tubulaire reproduit, avec ses propres moyens, à la fois la mélodie et l’accompagnement.
Plusieurs minorités ethniques du Ratanakiri, ainsi que les Bunong du Mondulkiri, jouent ce type de cithare.
Interprète : Nyel Che. Lieu & date : Prov. Mondulkiri. Vill. Pu Tam n°4. 11 décembre 2010. Durée : 05:00. © Patrick Kersalé 2010-2024.
Ce jeune musicien bunong, Nyel Che, est non-voyant. Il est très créatif, tant sur le plan de la facture instrumentale que dans son style de jeu. Comme il a grandi au Viêt Nam, il est imprégné de la culture des deux pays. Sa position de jeu est différente de celle de tous les autres musiciens que GeoZik a rencontrés.
La séquence est agrémentée d'une simulation de chasse à l'arbalète utilisée voici quelques décennies encore par toutes les ethnies montagnardes. Cette arme est attestée sur les bas-reliefs angkoriens du temple du Bayon à la fin XIIe - début XIIIe s. Voir DOCU Indochine Angkor vivante, film 1.
Lieu & date : Ethnie Tampuon. Prov. Ratanakiri. Vill. de Banlung. Mars 2012.
Durée : 05:00. © Patrick Kersalé 2010-2024.
Ce musicien tampuon était, à l'époque de notre tournage, l'un des plus âgés à jouer encore cet instrument.
Création et réalisation de ce musicien non-voyant, cette cithare sur planche, dont nous ignorons le nom donné par le créateur, est probablement unique dans toute l’Asie du Sud-Est ! Elle reprend les principes de la cithare tubulaire hétérocorde avec ses cordes mélodiques et d’accompagnement réparties de part de d'autre de la planche.
Nyel Che est à la fois auteur, compositeur, arrangeur et interprète.
Interprètes : Song Pru (chant), Nyel Che (cithare sur planche).
Lieu & date : Prov. Mondulkiri. Vill. Pu Tam n°4. 11 décembre 2010.
Durée : 03:27. © Patrick Kersalé 2010-2024.
Pour plus d'informations sur ce musicien, voir le chapitre précédent.
đàn bầu (Viêt Nam)
Le đàn bầu ou đàn độc huyền est une cithare sur caisse monocorde jouée par l'ethnie majoritaire du Viêt Nam, les Việt ou Kinh.
Historiographie
Les plus anciens témoignages écrit mentionnant le đàn bầu remontent à 1770, mais certains chercheurs estiment qu'il pourrait avoir plus d'un millénaire. Une légende populaire ancienne raconte qu'une femme aveugle en jouait sur le marché pour faire vivre sa famille tandis que son mari était à la guerre. Que ce récit soit basé sur des faits ou non, il n'en est pas moins vrai que le đàn bầu a toujours été joué par les musiciens aveugles. Jusqu'à une époque récente, son volume doux limitait les contextes musicaux dans lesquels il pouvait être utilisé. Le đàn bầu, joué en solo, est au cœur de la musique traditionnelle et folklorique vietnamienne. Son autre application traditionnelle est l'accompagnement de lectures de poésie. Avec l'invention du capteur magnétique, son usage s'est répandu dans divers types d'ensembles orchestraux, y compris la musique pop et rock asiatique contemporaine. Des appareils électroniques annexes, conçus pour la guitare électrique, sont parfois utilisés afin d'élargir la palette sonore du đàn bầu.
Organologie
À l'origine, le đàn bầu était composée d'une caisse de résonance faite avec un tube de bambou, une tige de bois, une demi-calebasse et une corde de soie. La corde était tendue à travers le bambou, attachée à une extrémité à la tige, elle-même fichée perpendiculairement dans le bambou. La demi-calebasse était traversée par la tige. De nos jours, le bambou a été remplacé par une table d'harmonie en bois dur pour les parois et tendre pour la table d'harmonie. Une corde métallique de guitare électrique a remplacé la corde de soie traditionnelle. La calebasse a été remplacée par un fac-similé en bois qui n'a plus qu'un rôle décoratif puisque l'amplification est assurée par un capteur magnétique intégré et un amplificateur électronique externe.
Jeu
La technique du jeu du đàn bầu paraît, à première vue, relativement simple, mais demande en réalité beaucoup de précision. Le cinquième doigt de la main droite du musicien repose légèrement sur la corde à l'un des sept nœuds de vibration couramment utilisés, tandis que le pouce et l'index pincent la corde à l'aide d'un long plectre. Le musicien gratte la corde au niveau des nœuds de vibration afin de produire les notes de base : octave (1/2), quinte (2/3), quarte (3/4), tierce majeure (4/5), la tierce mineure (5/6) et deux tons absents de la gamme musicale occidentale : la tierce mineure septimale (6/7) et le ton entier septimal (7/8). De la main gauche, le joueur pousse la tige flexible vers l'instrument avec l'index pour abaisser la hauteur de la note (relâchement de la corde), ou l'éloigne avec le pouce pour augmenter la hauteur (tension de la corde). Cette technique est utilisée pour jouer les notes intermédiaires générées au niveau des nœuds de vibration. La tige permet également de réaliser des vibratos sur toutes les notes.
Lieu & date : Viêt Nam, Hanoi, Maison du chant tuồng du Viêt Nam (Nhà hát tuồng Việt Nam). 2018.
Durée : 04:54. © Patrick Kersalé 2018-2024.
Cet orchestre contemporain accompagne les acteurs de l'opéra hát Tuồng. Aux côtés du đàn bầu joue une autre cithare sur caisse, le đàn tranh à 16 cordes.
Interprètes : Nguyên Thanh Tâm (đàn bâù) ; Vu Mai Phuong (đàn tỳ bà) ; Nguyên Thanh Hàng (đàn tam thập lục).
Lieu & date : Viêt Nam, Hanoi. 1993. Durée : 02:19. © P. Kersalé 1993-2024.
« Lưu thủy - Kim tiền - Xuân phong - Long hổ » littéralement « L'eau qui coule - La sapèque d'or - Le vent printanier - Le dragon et le tigre » est une suite de quatre pièces traditionnelles parmi les plus connues du Viêt Nam. Les cordophones joués sont : cithares đàn bầu et đàn tam thập lục, luth đàn tỳ bà.
đàn tranh (Viêt Nam)
Le đàn tranh (ou đàn thập lục) est une cithare dérivée du guzheng 古箏 chinois. Dans la même famille d'instruments on trouve le koto (琴 ou 箏) japonais, le gayageum (가야금) coréen, le yatga mongol, le kacapi sundanais et le jetigen (жетіген) kazakh. Toutes ces cithares ont en commun une longue caisse de résonance, des chevalets mobiles et des chevilles d'accordage positionnées sur le dessus.
Historiographie
À la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle, le đàn tranh avait 14 cordes. Entre la fin du XVe et le XVIIIe s., ce nombre passa à quinze ; cette cithare était alors dénommée thập ngũ huyền cầm. Au XIXe s., apparut le đàn tranh à 16 cordes qui devint l'étalon jusqu'à la fin des années 1970, début des années 1980. Dès la fin des années 1950, le maître musicien et concepteur d'instruments sud-vietnamien Nguyễn Vĩnh Bảo (né en 1918) commença à concevoir et construire des instruments à 17, 19 et 21 cordes. Puis des instruments plus grands à 22, 24 et 25 cordes furent fabriqués dans les années 1980 et 1990 par d'autres précurseurs sans toutefois supplanter l'étalon à 16 cordes.
Aujourd'hui, le đàn tranh est présent dans la plupart des formations orchestrales traditionnelles et modernes, du nord au sud du Viêt Nam.
Jeu
Les musiciens pincent les cordes avec la main droite et appuient sur les cordes avec la main gauche pour créer une large gamme d'ornements microtonals ou tonals. Le vibrato est largement employé dans la musique traditionnelle vietnamienne selon des règles strictes : par exemple, certaines notes ne doivent jamais être vibrées. Dans la musique traditionnelle, les interprètes utilisent 2 ou 3 doigts de la main droite (pouce et index, ou pouce, index et majeur) pour pincer les cordes, mais dans un certain nombre de compositions contemporaines, quatre ou cinq doigts sont requis ; de même, la main gauche pince parfois les cordes. L'usage de l'archet apporte de temps en temps une touche de renouveau.
Vidéo
Pour la démonstration vidéo, voir celle du đàn bầu ci-avant.
Interprète : Huyện An (đàn tranh).
Lieu & date : Viêt Nam, Hanoi. 1993.
Durée : 03:54. © Patrick Kersalé 1993-2024.
Hương sen Đồng Tháp : Parfum de lotus à Dông Tháp. Version modifiée de hát ru con (berceuse), chanson du sud, interprétée avec un souci de séduction du public par l'utilisation de variations, de rythmes et de démonstrations de techniques nouvelles appliquées sur le dàn tranh.
Le celempung et le siter sont deux instruments à cordes pincées utilisés dans le gamelan javanais. Ils ont chacun entre 11 et 13 paires de cordes. L'instrument est réversible : d'un côté les cordes sont accordées dans le mode pelog, de l'autre en slendro. Le siter mesure environ une trentaine de centimètres de long et tient dans une boîte (sur laquelle il est placé pendant durant le jeu), tandis que le celempung mesure près d'un mètre et repose sur quatre pieds. Le celempung est accordé une octave en dessous du siter.
Interprètes : siter : Bapak Pawirojo ; kendang : Ibu Kamiyem.
Lieu & date : Indonésie, Java, Solo. Octobre 2005.
Durée : 00:59. © Patrick Kersalé 2005-2024.
Le siter présenté ici est réversible ; il permet de jouer d’un côté en mode pelog et de l’autre en mode slendro. Le cithariste pince les cordes à l’aide d’onglets métalliques fixés à ses pouces. L'instrument est accompagné d'un tambour kendang.
Ce couple joue habituellement devant un restaurant touristique de la ville de Solo à Java. Pour les besoins de notre tournage, GeoZik s'est installé dans l’arrière-cour de l’établissement afin d’échapper aux nuisances sonores de la circulation.
Lieu & date : Myanmar, Kyaikmaraw. 3 février 2012.
Durée : 04:35. © Patrick Kersalé 2012-2024.
Le Myanmar compte plusieurs instruments zoomorphes originaires de l'ethnie môn, aujourd'hui en déshérence. GeoZik a pu enregistrer l'un des derniers joueurs de cithare-crocodile de l'ethnie môn en février 2012, Mr Nai Tun Sein. Comme il ne possédait plus d'instrument. nous avons dû dénicher un vieil instrument inutilisé, réparé et accordé à la hâte par le musicien. On comprendra alors le style un peu décousu et l'accord imparfait. L'instrument est nommé kyam en langue môn et mi gyaung en birman.
Le krapeu ក្រពើ est une cithare sur caisse à trois cordes. Ce terme khmer, également translittéré kropeu, signifie “crocodile”. Il est aussi connu sous le nom d'origine siamoise takhe តាខេ (chakhe/jakhe จะเข้, lui-même dérivé de chorakhe จระเข้) de même signification. Il doit ce nom à un ancien instrument monoxyle en forme de crocodile. Il évoluera par la suite vers la technologie actuelle, mais toujours avec sa gueule de crocodile, avant que ses lignes ne s'épurent et deviennent neutres, probablement à cause de la peur qu'inspire ce reptile, symbole de la mort. Son origine est probablement môn.
Dans l'orchestre mahori មហោរី de la cour royale du Cambodge du XXe s., le krapeu se déclinait selon deux tailles : krapeu ek et krapeu thung.
Cithare en forme de crocodile
La cithare sur caisse en forme de crocodile est la fille de la l'ancienne cithare monoxyle zoomorphe. Elle semble avoir été une évolution nécessaire car la cithare monoxyle était peu sonore. Le volume de la caisse de résonance plus important et l'essence de bois utilisé (jacquier, khnor ខ្នុរ) contribuent l'un et l'autre à une meilleure acoustique. Cette cithare n'est plus jouée au Cambodge. La dernière cithariste khmère, qui vivait à Surin, la province khmérophone de Thaïlande, nous a quitté au début des années 2010. L'instrument ci-contre a été construit par M. Sok Houen à l'instigation de Patrick Kersalé, d'après un original conservé au Cambodian Cultural Village de Siem Reap.
Interprète : Men Pheakdei.
Lieu & date : Cambodge, Siem Reap. 2016.
Durée : 02:17. © Patrick Kersalé 2016-2024.
krapeu standardisé
La plus ancienne photographie de krapeu date de c.1870-71, réalisée par photographe français Émile Gsell au Palais royal de Phnom Penh. À cette époque, déjà, apparaît une caisse de résonance standardisée. Le krapeu est fabriqué en bois de jacquier khnor ខ្នុរ. Il mesure 1,30 m de long et repose sur trois ou cinq pieds d'une douzaine de centimètres de hauteur. La partie antérieure, étroite, est arrondie ou triangulaire, tandis que la partie postérieure, correspondant autrefois à la queue du crocodile, est plus large et se termine en triangle. L'instrument possède douze frettes (khtung ខ្ទង់) en bois de neang nuon នាងនួន généralement recouvertes d'os.
Elles étaient autrefois en ivoire. Les trois chevilles (pronuot ព្រលួត) sont généralement sculptées, elle aussi, dans du bois de neang nuon. Le chevalet (prakien) était autrefois en ivoire ; il est aujourd'hui en bois, bois et os, ou en résine dont la couleur et la texture cherchent à imiter l'ivoire. La corde la plus aiguë est nommée kse ek (ខ្សែ ឯក), la seconde kse ko (ខ្សែ គ), et la troisième, la plus basse, kse ko santor. Toutes les trois sont fixées à une petite boîte de cuivre mince appelée kingkok គីង្គក់ “crapaud” dont le rôle est d'amplifier le son en apportant un grésillement. Ce dispositif existait déjà sur les cithares de l'Inde antique. On retrouve ce type de sonorité, depuis toujours recherchée par les musiciens indiens, sur les chapei ចាប៉ី contemporains et le hautbois pei ar ប៉ីអ.
Le jeu du krapeu utilise la technique du trémolo (à l'image du jeu de la mandoline). Certains musiciens sont particulièrement virtuoses. Le krapeu est utilisé dans des ensembles de divertissement mahori មហោរី, de mariage phleng kar ភ្លេងការ et ayai អាយ៉ៃ.
Lieu & date : Cambodge, Siem Reap, temple de Banteay Srei. 2010.
Durée : 03:08. © Patrick Kersalé 2010-2024.
Les musiciens de cet orchestre sont tous des victimes des mines antipersonnel. Certains ont perdu des membres, d'autres sont aveugles. Divers groupes de musique mahori មហោរី sont répartis sur les sites du Parc archéologique d'Angkor.
Si l’orchestre mahori est d’influence siamoise, il a très certainement été créé par les Khmers angkoriens. C’est l’un des rares ensembles non rituels dédié à un usage récréatif, initialement palatin. Il se compose ici d'une feuille slek ស្លឹក, d’un xylophone roneat ek រនាតឯក, de deux vièles bicordes tro sau touch ទ្រសោតូច et tro u ទ្រអ៊ូ, d’une cithare krapeu ក្រពើ, d’une cithare sur table khim ឃឹម, d’une flûte khloy ខ្លុយ, d'un banjo, de cymbalettes chhing ឈិង et d’un tambour skor daey ស្គរដៃៃ.
krapeu historique du roi Sisowath Monivong
En 1930, lors de sa visite à la Cour du Cambodge, le roi Prajadhipok (Rama VII) de Thaïlande reçoit des mains du roi Sisowath Monivong plusieurs instruments de musique prestigieux, dont ce krapeu. Précieusement conservé depuis lors, il est désormais exposé au Musée National de Bangkok dans un parfait état de conservation. Toutes les pièces en de couleur claire sont en ivoire.
Merci aux conservateurs thaïlandais successifs d'avoir pris soin de ces trésors au fil des décennies.
krapeu à capteurs électromagnétiques
Certains musiciens contemporains ont fait fabriquer des krapeu dont la caisse de résonance est remplacée par des capteurs électromagnétiques, à l'image de la guitare électrique ou du đàn bầu contemporain.
khim (Cambodge)
Le khim ឃឹម est une cithare sur table d'origine chinoise. Il en existe deux tailles : khim touch ឃឹមតូច, littéralement “petit khim” et khim thom ឃឹមធំ, “grand khim”. Originellement, les musiciens khmers ne les jouaient que dans l'orchestre du théâtre baasak បាសាក. Plus tard, ils l'utilisèrent avec d'autres instruments (vièles tro sau ទ្រសោ et tro u ទ្រអ៊ូ, cithare krapeu ក្រពើ, flûte khloy ខ្លុយ, tambour skor ស្គរ, cymbalettes chhing ឈិង) dans l'orchestre moderne de mariage phleng kar ភ្លេងការ. Aujourd'hui, il est également utilisé dans les orchestres ayai អាយ៉ៃ et mahori មហោរី.
khim touch
La cithare khim touch ឃឹមតូច a la forme d'un papillon (trapèze à angles arrondis). Son corps est fait en bois léger, p'deak ou koki. Deux rangées de chevalets soutiennent les cordes. Les cordes soutenues par les chevalets à main gauche sont jouées des deux côtés de ces derniers, tandis que celles à main droite (cordes ko) ne peuvent être jouées que d'un côté. Sur les instruments les plus traditionnels, il y a sept chevalets sur chaque rangée, chacun supportant deux ou trois cordes accordées à l'unisson. Certains instruments modernes comportent de huit à dix chevalets. La grande longueur du trapèze mesure 65 cm, la petite longueur 39 cm et la largeur 25,5 cm. À l'intérieur de la caisse de résonance sont installés des “âmes” qui évitent que la table d'harmonie ne s'effondre sous la tension des cordes.
L'instrument s'accorde à l'aide de chevilles métalliques positionnées latéralement : d'un côté, pour maintenir les cordes, de l'autre, pour les accorder. Ces dernières sont frappées avec deux maillets en bambou dont les têtes sont recouvertes de feutre. Les chevalets sont recouverts d'os (autrefois d'ivoire) sur lesquels reposent les cordes. Les cordes les plus aiguës (ek) sont au nombre de trois par hauteur et sont en acier, tandis que les plus graves (ko), au nombre de deux par hauteur, sont en cuivre.
Lieu & date : Cambodge, Siem Reap, temple de Ta Prohm. 2017.
Durée : 04:43. © Patrick Kersalé 2017-2024.
L’orchestre mahori មហោរី contemporain est d’influence siamoise mais très certainement créé par les Khmers angkoriens. C’est l’un des rares ensembles orchestraux exclusivement récréatifs. Il se compose ici d'une vièle bicorde tro sau ទ្រសោ, d’une cithare tricorde krapeu ក្រពើ, d’une cithare sur table khim, de cymbalettes chhing ឈិង, d’un tambour skor daey ស្គរដៃៃ.
Ces musiciens, filmés en 2017 au Preah Khan d'Angkor, sont des victimes de mines anti-personnel.
khim thom
Le khim thom ឃឹមធំ a une forme trapézoïdale, mais parfois aussi celle d'un papillon. Le corps est fait d'un bois léger : dueng chaem, p'deak ou lambao tandis que la table d'harmonie et le dos sont en bois de manguier khnor ou de roluoh. Les caractéristiques organologiques générales sont les mêmes que celles de khim touch. La grande longueur du trapèze mesure 110 cm, la petite, 70 cm et la largeur 45 cm.
Le khim thom se distingue par un jeu moins fourni en notes que le khim touch, à l'instar du roneat thong រនាតធុង vis-à-vis du roneat ek រនាតឯក.
đàn tam thập lục (Viêt Nam)
đàn tam thập lục (ou tam thập lục) est une cithare sur caisse à 36 cordes métalliques frappées avec des maillets. Historiquement, il dérive du yangqin 揚琴 chinois. Il est utilisé dans divers genres de musique et de théâtre traditionnels, ainsi que dans la musique traditionnelle modernisée.
Interprète : Nguyễn Thanh Hằng (đàn tam thập lục), Vũ Mai Phương (đàn tỳ bà). Lieu & date : Viêt Nam, Hanoi. 1993.
Durée : 05:30. © Patrick Kersalé 1993-2024.
Rặng Trâm Bầu : arrangement d'une composition moderne interprétée au luth đàn tỳ bà accompagné de la cithare dàn tam thâp luc.