Ce PAE offre un bref panorama des balafons (xylophones) sur cadre et sur fosse joués par diverses ethnies du Burkina Faso, dont une vidéo commentée sur la fabrication.
Textes, photos, audios, vidéos © Patrick Kersalé, 1994-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 26 septembre 2024.
SOMMAIRE
Le terme balafon est devenu une appellation générale pour désigner les xylophones d'Afrique subsaharienne, bien que chaque ethnie possède un mot spécifique désignant son propre instrument. Ce terme est une déformation du mot dioula balafola (joueur de bala). La vertu de cette page est de présenter un échantillonnage des xylophones du Burkina Faso.
Organologie
Le balafon est un lamellophone à lames de bois. Dans la classification internationale Sachs-Horbostel, il est classé parmi les idiophones. Il en existe une grande variété en Afrique subsaharienne. On en distingue deux types : ceux dont les lames sont libres et indépendantes les unes des autres sur leur support et ceux dont les lames sont fixes et liées les unes aux autres. Pour les balafons à lames libres, celles-ci peuvent être installées sur les jambes du musicien, sur deux troncs de bananier, sur deux fagots de paille ou sur deux rondins rembourrés avec de l'herbe. Pour les balafons à lames fixes, celles-ci sont généralement posées ou suspendues sur un cadre avec ou sans résonateurs en calebasses. Au Burkina Faso, on trouve essentiellement des balafons sur cadre et des balafons sur fosse exclusivement utilisés pour l'apprentissage et d'entraînement.
Le balafon sur cadre
Le balafon sur cadre est constitué de lames de bois montées sur un cadre formé de quatre montants auxquels sont attachées huit barres horizontales formant deux rectangles superposés ; l'ensemble est lié par des bandelettes de cuir torsadées. Le cadre supérieur peut être plat, légèrement ou très incurvé.
Des calebasses, dont la partie supérieure est ouverte, sont suspendues sous les lames. Selon les ethnies, on distingue trois formes de calebasses : sphérique, oblongue et piriforme. Elles ont pour rôle d'amplifier le son produit par chaque lame. La taille de chacun de ces résonateurs est adaptée à la hauteur de chaque note. Les calebasses sont percées de plusieurs ouvertures circulaires sur lesquelles sont tendues de très fines toiles, formant à l'origine le cocon protecteur d’œufs d'araignée ; elles ajoutent une certaine stridence à la sonorité (effet mirliton), une esthétique sonore également recherchée par les joueurs de djembés qui ajoutent des sonnailles métalliques à leur instrument.
Pour permettre le logement de l'ensemble des calebasses à l'intérieur du cadre, celles-ci sont organisées en zigzag sur deux rangées, leur suspension étant assurée par des bandelettes de cuir. Les lames sont elles-mêmes suspendues au-dessus des résonateurs par deux lignes de bandelettes de cuir torsadées passant par deux nœuds de vibration (2/9 de la longueur). Chaque lame a une longueur, une largeur et une épaisseur propre. Elles sont frappées à l'aide de deux maillets terminés chacun par une boule formée d'une superposition de bandes de caoutchouc.
L’échelle des balafons sur cadre du Burkina Faso est tétraphonique, pentaphonique ou heptaphonique. Elle est soit liée à la langue propre à chaque ethnie, soit aux échelles des chants. Il existe de nombreuses variations au sein de chacune d'elles. Pour certaines ethnies, le balafon est un instrument d’emprunt.
Jeu
Il existe deux manières de jouer le balafon.
1. Le balafon reproduit les timbres et les tonalités du langage. (On appelle langue tonale, une langue faisant intervenir une notion de hauteur dans la prononciation des syllabes. Ainsi, un même mot prononcé à des hauteurs différentes aura des significations différentes).
Si le musicien joue et chante :
Si le musicien joue sans chanter : il s'exprime alors d'une manière codée par transposition des paroles sur le balafon.
2. Le balafon joue une mélodie accompagnant ou non un chant.
Les balafons sont joués seuls ou par paire, avec ou sans accompagnement d'autres instruments. Certaines pièces peuvent être jouées à deux, voire trois ou quatre balafonistes répartis de part et d’autre de l'instrument. Une ou deux lames du balafon sont, dans certains cas, rythmiquement frappées avec le manche d’un maillet ou des bâtons de bois. Les instrumentistes portent parfois des sonnailles métalliques aux poignets afin d'ajouter une stridente complémentaire à celle des mirlitons des calebasses.
Apprentissage
Selon les ethnies, les balafonistes sont ou non des griots, musiciens professionnels de caste.
Dans de nombreuses ethnies, les jeunes s’initient sur un balafon sur fosse. Ceci tient au fait que les balafons sont souvent des instruments sacrés ne pouvant être sortis librement de leur remise. Le xylophone sur fosse se compose d'un trou parallélépipédique creusé dans le sol sur lequel repose des lames. Généralement elles sont posées sur un double faisceau de paille positionné aux 2/9 de la longueur des lames, qui représente le nœud de vibration. Dans d'autres cas, le musicien écarte les lames du sol en tendant le lien qui les unit avec son pied.
Lieu & date : Village de Bonfesso. Burkina Faso. Décembre 2000.
Durée : 01:18. © Patrick Kersalé 2000-2024.
Sacrifices
La sortie d'un balafon de sa remise nécessite, en fonction des circonstances, une offrande rituelle : libation de bière de mil ou bien le sacrifice d'un poulet sur le fétiche protecteur du balafon ou sur une partie de l'instrument, notamment la plus grosse calebasse résonateur censée héberger l'esprit protecteur. Cette offrande permet de recevoir l’accord des esprits pour utiliser le balafon et lui “donner de la voix”. De même, lorsque l'on a fabriqué un nouveau balafon, on procède à un sacrifice. On interroge le fétiche afin de connaître la nature et la quantité des sacrifices.
Cérémonies rituelles
Il est impossible d'énumérer toutes les cérémonies auxquelles est associé le balafon. Citons les plus représentatives : fêtes de réjouissances (mariage, circoncision, fin des récoltes...), obsèques, funérailles, encouragement des cultivateurs, cérémonies pour les fétiches...
Évolution de la pratique
Le jeu du balafon est codifié et diffère d’une ethnie à l’autre. De même, au sein d’une même ethnie, il existe parfois plusieurs types de balafons joués en fonction de circonstances précises (fêtes, funérailles, rituels divers) avec un ensemble instrumental généralement immuable et un répertoire propre.
Au Burkina Faso, le balafon prend un nouvel essor dans les villes notamment à Bobo-Dioulasso, tout particulièrement dans le quartier de Bolomakoté, où il connaît depuis de nombreuses années un renouveau au sein de formations regroupant des instruments traditionnels provenant de tout l'ex-empire mandingue (dundum, goni, jenbe, karijan, kesekese, jabara…).
Cette vidéo commentée décrit le processus de fabrication d'un balafon. Elle a été tournée dans la communauté Bobo de Bobo Dioulasso qui compte de nombreux et talentueux musiciens professionnels.
Lieu & date : Burkina Faso. Bobo Dioulasso. 14 décembre 1999.
Durée : 06:27. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Interprètes : Daniamana Dabiré (diulu solo), Sikouélé Kambiré (diulu accompagnement), Baporpo Dabiré (gãngar), Kouimanta Dabiré (kur).
Lieu & date : Vill. Loto. 3 novembre 1994. Durée : 07:16. © P. Kersalé 1994-2024.
Pièce interprétée lors des fêtes de réjouissances des Birifor. Deux xylophones à 14 lames diulu, l'un soliste et l'autre accompagnant, lancent une phrase et la répètent plusieurs fois avant d’en énoncer une nouvelle. Le rythme est soutenu par un tambour cylindrique à deux peaux gãgar et un objet en fer kur (simple pièce de fer frappée avec un objet métallique).
Interprètes : Frédéric Somé (djil solo), Honoré Somé - Constant Poura (gãgar).
Lieu & date : Vill. Gaoua. 4 novembre 1994. Durée : 15:16. © P. Kersalé 1994-2024.
Ce chant est interprété lors des fêtes de réjouissances des Dagara. Il est une sensibilisation au problème du SIDA. Il raconte l’histoire d’une jeune fille de la ville de Gaoua rejetée par sa communauté car attendant un enfant de père inconnu, .
Le xylophone à 16 lames djil est accompagné d'un tambour cylindrique à deux peaux gãgar.
Interprètes : Ollé Kam, 25 ans (balafon), Sami Dagué Kam, 37 ans (gɑ̃gõbu), Bé Kam, 22 ans (pwɛnpwɛnku). Lieu & date : Vill. Loto. 3 novembre 1994. Durée : 04:19. © Patrick Kersalé 1994-2024.
Le čõku à 15 lames des Dyan est accompagné du tambour en sablier gɑ̃gõbu et de la percussion en fer (outil aratoire) pwɛnpwɛnku.
Nous avons consacré un chapitre spécial au balafon des Gan, assorti de sa légende. Cliquez ici. Il est utilisé dans trois circonstances :
Les instruments d’accompagnement sont le tambour cylindrique pɑ̃ɑgɑ et le tambour à variation de tension kɑ̃gõgo.
Lieu & date : Vill. Opire (Obiré). 9 février 1996. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Durée : 02:44.
Lieu & date : Village d'Obiré. Burkina Faso. Décembre 1999.
Durée : 01:46. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Cette séquence présente le xylophone de la cour royale de l'ethnie Gan. Il est nommé minthoreego. Il est accompagné par un tambour-sablier kãgõgo.
Les Lobi connaissent trois types de xylophones : un xylophone de fête à 12 lames ou 14 lames (seulement 12 d’entre elles sont utilisées dans ce dernier cas), un xylophone de funérailles à 14 lames et, depuis quelques décennies, un xylophone spécifique à 14 lames pour le rituel du bir, dont il n’existe que quatre exemplaires en pays lobi.
La musique du bir est interprétée ici sur un xylophone de funérailles à 14 lames (jolõ buo). Deux interprètes sont nécessaires : un soliste et un “percussionniste” qui tient un rythme invariable sur deux lames du xylophone. Dans d’autres régions du pays lobi, cet accompagnement rythmique est joué sur deux petits tambours.
Interprètes : Ilinkoèté Hien (balafon), Pelgilé Hien (percussion du balafon).
Lieu & date : Vill. Perigban. 15 décembre 2000. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Durée : 08:43. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Cette séquence présente le xylophone de la cour royale de l'ethnie Gan. Il est nommé minthoreego. Il est accompagné par un tambour-sablier kãgõgo.
Dans la langue des Siamou (semɛ̃), le xylophone est désigné par le terme ɲɛl (prononcer ñel). Cette ethnie en joue trois types :
Ces deux derniers instruments sont joués au cours des fêtes de réjouissances.
L’instrument présenté ici est le bɑm'bar ɲɛl. Il est joué par paire : un soliste et un accompagnant. Les deux sont doués de parole mais le soliste est le maître de cette parole. L'instrument d’accompagnement soutient le rythme par répétition de phrases constituées de quelques notes seulement, il reprend des messages lancés par le soliste.
Ce chant évoque le thème suivant : « L’oiseau n’a pas de sein mais Dieu fait vivre son enfant ».
L’ensemble est composé de deux bɑm'bar ɲɛl à 19 lames, de deux tambours cylindriques à deux peaux dundum, de deux tambours hémisphériques en calebasse bᴐ, d’un tambour hémisphérique en argile ba bi, de deux cloches métalliques à battant externe kɛ̃gɛ̃. Les deux joueurs de ɲɛl portent des sonnailles métalliques aux poignets appelées sɛ̃sɛ̃.
Interprètes : Broureïma Diabaté & Oumar Diabaté (ɲɛl), Yaya Diabaté (dundum et kɛ̃gɛ̃), Ali Diabaté (bᴐ). Lieu & date : Vill. Orodara. 13 février 1996.
Durée : 08:51. © Patrick Kersalé 1999-2024. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Ce chant évoque le thème suivant : « L’oiseau n’a pas de sein mais Dieu fait vivre son enfant ».
L’ensemble est composé de deux bɑm'bar ɲɛl à 19 lames, de deux tambours cylindriques à deux peaux dundum, de deux tambours hémisphériques en calebasse bᴐ, d’un tambour hémisphérique en argile ba bi, de deux cloches métalliques à battant externe kɛ̃gɛ̃. Les deux joueurs de ɲɛl portent des sonnailles métalliques aux poignets appelées sɛ̃sɛ̃.
Interprètes : Broureïma Diabaté & Oumar Diabaté (ɲɛl), Yaya Diabaté (dundum et kɛ̃gɛ̃), Ali Diabaté (bᴐ). Lieu & date : Vill. Orodara. 13 février 1996.
Durée : 06:51. © Patrick Kersalé 1999-2024. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Chant d’encouragement des cultivateurs lors des travaux champêtres.