Les Dogon du Mali ont été rendus célèbres en Occident par Marcel Griaule puis, après lui, sa fille Geneviève Calame-Griaule et Germaine Dieterlin. Dans leur lignée, Patrick Kersalé a, dès 1993, publié le premier CD de musique dogon puis un second en 1996. Il a par la suite publié le livre-CD « Parole d'ancêtre Dogon - L'écho de la falaise » republié ici sous forme numérique.
Le collectage de l'ensemble des présents récits a été réalisé par le Dogon Zakari Saye entre 1997 et 2000.
Ce PAE permet, à travers le littérature orale des Dogon, de lever le voile sur leur quotidien et de découvrir que le nom de leur dieu unique prend sa source dans l'Égypte pharaonique !
© Zakari Saye & Patrick Kersalé 1993-2024. Dernière mise à jour : 29 septembre 2024.
SOMMAIRE
. Tambour bòy nà
. Tambour barba
. Tambour gòmbòy
. Tambour kuɲù
. Tambour à friction akogona
. Cloche gáŋana & clochette gìnu
. Hochet sàguru
. Lithophone dùmᴐ ínu
. Flûte kelé
. Sifflet susoy
. Rhombe imina nà
. Cithare idiocorde
. Chants funéraires badiu ní
. Chants funéraires ya go
. Rituel pour appeler la pluie
. Fête des semailles búlu
. Lutte rituelle
. Jeux
. Chants de travail
. Chants d’accueil
PAE associés
Introduction par Patrick Kersalé
Les Dogon sont principalement établis au Mali avec une partie sur le territoire burkinabè. Nous n'avons pas réalisé de collectage au Burkina Faso mais avons effectué deux missions au Mali, à la fois dans la falaise de Bandiagara et dans la plaine en novembre 1993 et février 1996. Nous vous offrons ici des enregistrements issus de ces deux missions.
Remerciements pour les enregistrements de 1996
Tous les musiciens et intervenants, nos guides Amadou Coulibaly et Djibril Lougué, notre conseil scientifique et traducteurs Pio Pèmè Douyon, Abinon Témé et Denis Douyon.
Translittération
Les Dogon n'ayant pas de système d'écriture, la translitération des termes vernaculaires est varie d'un auteur à l'autre. De même pour l'écriture des noms des villages. Les termes dogon usités ici sont ceux donnés par nos interlocuteurs de terrain.
Le pays dogon
Les Dogon expriment la vitalité de leur peuple à travers ce proverbe éloquent : « dᴐgᴐnɛ́ tɔ̀gu dɔ̀gᴐ i: mìne-nɛ tɛ́sɛ ɑŋɑ́y - Le peuple dogon est comme l’herbe qui pousse sur la Terre[1] ».
Les Dogon représentent environ 3% de la population du Mali (env. 550 000 âmes). Quelques villages se situent également en territoire burkinabè. Ils vivent dans la zone Sud de la bande sahélienne au sud-est de Mopti, dans les cercles de Bandiagara, Koro et Bankass, près de Douentza et, au Burkina Faso, au nord-ouest de Ouahigouya.
Le pays Dogon est séparé en deux par la falaise de Bandiagara longue de 200 km. On considère généralement trois zones d’habitat : le plateau, la falaise et la plaine.
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[1] D'après G. Calame-Griaule. Dictionnaire dogon.
Les Dogon dans l’histoire
Selon la tradition orale, les Dogon, refusant de se convertir à l’islam, auraient quitté le Mandé vers le XIIe s. Après avoir longé le fleuve Niger, ils se réfugièrent dans les falaises de Bandiagara où ils s’installèrent peu à peu entre le XIIIe et le XVe siècles.
La langue dogon
Les Dogon parlent des dialectes différents en fonction de leur situation géographique ; parmi les plus importants par rapport au nombre de locuteurs : tómo kɑ̃̀ (région de Ningari), djɑ́msaj (région de Koro), dono sᴐ (région de Bandiagara), tɛngu kɑ̃̀ (région de Bankass), tᴐrᴐ sᴐ (région de la falaise). Des variantes dialectales existent également en fonction des villages.
Les Dogon et la littérature orale
Comme tous les peuples de la Terre, les Dogon détiennent de nombreuses formes de littérature orale. Pour ce qui concerne les types de textes représentés dans cet ouvrage, ils distinguent : les contes ordinaires (élumɛ sɑ́lɑ), les contes d’animaux (ólunɑ̀mɑ élumɛ), les chantefables (élumɛ nì:), les devinettes (élumɛ tà:nie). Raconter des contes se dit élumɛ élumɛ et deviner une devinette élumɛ kú: íe:, soit littéralement : “voir la tête de la devinette”. GeoZik a consacré un PAE à ce sujet : Parole d'ancêtre dogon.
Les Dogon possèdent une trentaine d'instruments de musique, dont certains leur sont propres : tambours cylindriques et en sablier à deux peaux, tambours hémisphériques, tambour à fente, flûte à embouchure latérale, sifflets à embouchure terminale, cithares tubulaires, récipients percutés, sistres, hochet, lithophones, rhombes, cloches de fer à battant externe... Certains instruments sont joués sans restriction d'usage, d'autres seulement lors de certains rituels.
Les séquences vidéo présentées ci-après sont extraites du film documentaire "Sigui 1967 - 1973 - Invention de la Parole et de la Mort" de Jean Rouch et Germaine Dieterlen. Ce film a été tourné dans la falaise de Bandiagara au cours d'un évènement qui se répète tous les 60 ans, le sigi (prononcer sigui). Elles ont pour but de présenter les instruments de musique utilisés durant cette grande de longue cérémonie : tambour cylindrique bòy nà, flûte kelé, cloche gáŋana, rhombe imina nà que nous décrirons ci-après. C'est la seule fois que cette cérémonie a été filmée. Que les auteurs de ce film soient ici l'un et l'autre remerciés.
Grâce à l'intelligence artificielle (2022), nous avons converti le format SD (Simple Définition) en HD (Haute Définition) et avons sensiblement amélioré la qualité initiale.
Tambour bòy nà
bòy nà signifie littéralement “tambour grand”. Il est effectivement le plus grand tambour utilisé par les Dogon. Il est cylindrique, monoxyle, et possède deux membranes (peau de vache). Cet instrument conduit l'ensemble des festivités du sigi (prononcer sigui) et joue un rôle essentiel dans la musique funéraire. Il est porté à l'épaule et frappé avec deux bâtons.
Durée : 20:30. © CNC (Centre National de la Cinématographie).
Tambour barba
Les timbales africaines sont fabriquées avec de grosses calebasses dans lesquelles on pratique une ouverture circulaire d'une trentaine de centimètres de diamètre avant d'y tendre une peau fixée par un jeu de lanières de cuir. La tension de la membrane est modifiable grâce à des cales de bois insérées entre les tendeurs et la calebasse. Pendant le jeu, le musicien peut être assis ou debout. Ce type de tambour est généralement frappé à mains nues. Les Dogon nomme ce tambour barba ou barbo.
Tambour gòmbòy
Le gòmbòy est un tambour en forme de sablier à double membrane (peau de chèvre) que les musiciens tiennent sous l'aisselle. Il en existe deux tailles : gòmbòy dagi (petit) et gòmbòy nà (grand). Le système de tension variable des peaux est réalisé par l'écrasement des tendeurs de cuir par le bras contre le buste. Cette technique a pour objet de modifier la hauteur de la note émise. La peau est frappée à l'aide d'une baguette de bois coudée nommée kogoro. Ce type de tambour est le mieux adapter pour transmettre des messages. Dans le langage courant de l'Occident, il est souvent qualifié de tambour-parleur, ce qui est parfaitement vrai. Toutefois, de nombreux tambours et autres instruments (flûtes, sifflets, xylophones…) de l'Ouest africain peuvent eux aussi parler.
Tambour kuɲù
Le kuɲù ou kuɲù bòy est un petit tambour hémisphérique à une peau frappée avec une baguette. Il est réalisé avec la moitié d’un fruit de baobab évidé ou une calebasse. L’ouverture est tendue d’une peau de rat, de chèvre ou de batracien, fixée avec des épines de dattier.
Ce petit tambour d’incirconcis est joué par les enfants comme préliminaire à la fête des semailles. Il symbolise l’œuf du monde ouvert pour l’expansion des germes et rappelle le sacrifice du Nommo.
Tambour à friction akogona
Parmi les objets sonores utilisés par les Dogon, il en est un surprenant, utilisé pour assagir les enfants. On renverse une grande calebasse sur le sol. On prend une tige de métal, servant ordinairement à séparer les écheveaux de laine. On met de la cendre de bois sur la face intérieure du doigt. On pose le dessus du doigt sur la calebasse puis on le frotte alternativement l’intérieur de la phalange avec la tige. Il en résulte un son grossier sensé imiter le cri de l'hyène, soit en langage dogon articulé : « guju, guju, guju... ». On dit aux enfants que s'ils ne sont pas sages, akogona (nom du démon, du rituel et de l’instrument) viendra les manger !
Lieu et date : Mali, vill. Barapirelli. Février 1996.
Durée : 00:49. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Nous n'avons pas eu l'opportunité de filmer cet instrument, mais vous pouvez le voir joué de manière similaire chez les Gan en cliquant ici.
Cloche gáŋana & clochette gìnu
Les Dogon jouent les bicloches gáŋana faites de deux cloches solidaires à battant externe.
La clochette en fer à battant externe gìnu est constituée de deux demi-cônes solidaires reliés par une anse, et d’un épais anneau percuteur fait dans le même matériau. Deux techniques de jeux apparaissent dans ce film, en fonction de la taille de l'instrument :
L’index est introduit dans l’anse de la clochette tandis que l’anneau percuteur est passé comme une bague autour du pouce. Les trois doigts libres projettent la clochette contre l’anneau métallique. Les danseurs les utilisent par paire.
Les clochettes de plus grande taille, jouées par des hommes âgés, sont tenues dans une main et frappées avec l'autre.
Durée : 01:18. © CNC (Centre National de la Cinématographie).
Hochet sàguru
Hochet à percuteurs internes fabriqué avec un fruit de baobab dont on a extrait la pulpe et laissé les graines.
Lithophone dùmᴐ ínu
Lithophone. Les lithophones sont de divers types : blocs rocheux inamovibles sonnant naturellement lorsqu’on les frappe, pierres brutes ou taillées que l’on suspend seules ou en carillon, pierres brutes ou taillées juxtaposées au sol… Leur rôle est probablement aussi varié qu’il existe de types de pierres, du simple jeu enfantin au rituel le plus secret.
Cette photo représente un lithophone à usage ludique sur lequel les jeunes Dogon mettent au point les rythmes complexes qu’ils joueront sur les tambours à membranes lors des fêtes et des rituels. Ces “tambours de pierre” sont appelés dùmᴐ ínu ou dùmᴐ ínu bòy (pierre fer tambour).
La “pierre de foudre” utilisée par le faiseur de pluie est, elle aussi, un lithophone.
Pour en savoir plus sur les lithophones, cliquez ici.
Flûte kelé
Durée : 00:34. © CNC (Centre National de la Cinématographie).
Flûte à embouchure latérale (flûte traversière) à quatre trous, bouchée aux deux extrémités. Le matériau est du bambou importé de Côte d’Ivoire. Pour leurs jeux, les enfants en construisent avec des tiges de sorgho.
Sifflet susoy
Le susoy est une flûte à embouchure terminale à trois trous de jeu, en bois, familièrement appelée sifflet.
Rhombe imina nà
Le rhombe est une planchette, généralement de forme oblongue, en bois, en os ou en métal, de taille variable, attachée au bout d’une cordelette. Sur le plan organologique, on le classe parmi les aérophones à air ambiant. Le jeu consiste à imprimer à la planchette une double rotation : d’une part une autorotation et d’autre part un tournoiement au bout de la cordelette. Au cours de cette double action, la cordelette se vrille dans le sens imprimé au démarrage puis, lorsqu’elle arrive à sa torsion maximale, la planchette s’immobilise une fraction de seconde, change de sens et ainsi de suite.
Chez les Dogon, le rhombe n'est connu que par les initiés et son nom (imina nà) appartient à la langue secrète sigi sᴐ. Son vrombissement représente la voix du Grand Masque qui porte, lui aussi, le nom de Imina nà. Le terme Imina dérive probablement du nom de la divinité égyptienne Imen, autre appellation d'Amon, le dieu principal des Égyptiens anciens ; il signifie “le Caché” ou “l’Inconnaissable”, c'est-à-dire l’impossibilité de connaître sa “vraie” forme, car il se révèle sous de nombreux aspects.
Lorsqu’il n’est pas utilisé, le rhombe est stocké soit dans l’abri du masque, soit dans une anfractuosité de rocher où les termites ne pourront l’atteindre.
Lorsqu’il vrombit, tous les non-initiés — femmes et enfants — doivent se terrer dans leur maison et n’en plus sortir jusqu’à ce que la “voix” s’apaise. Lors de certaines cérémonies, plusieurs dizaines de rhombes vrombissent chaque nuit pendant un mois, terrorisant ainsi une partie de la population.
Décomposition de la rotation du rhombe.
© Patrick Kersalé 2010-2024.
Lorsque la cordelette arrive à son point de torsion maximum (fin de a), le rhombe s'arrête un instant et change de sens (b) et ainsi de suite. Le parapluie s'inverse entre a et b.
Schéma : © Patrick Kersalé 2010-2024.
Vue de dessus : décomposition de l'autorotation du rhombe.
Schéma : © Patrick Kersalé 2010-2024.
Durée : 02:37. © CNC (Centre National de la Cinématographie).
Cette vidéo offre l'une des rares occasions de voir un rhombe africain en action dans un cadre cérémoniel car il est souvent interdit de filmer les cérémonies initiatiques.
Grâce à l'intelligence artificielle, nous avons converti (en 2022) cet extrait de 25 à 100 images par seconde en reconstituant toutes les images manquantes et, par la même occasion, avons changer le format SD (Simple Définition) en HD (Haute Définition).
On peut voir deux éléments propres au fonctionnement du rhombe :
Sujet connexe : > Le rhombe en os au Paléolithique
Cithare idiocorde
Cette petite cithare idiocorde en tige de sorgho est un jeu d'enfant. Lors de notre première mission en pays dogon en 1993, nous avons pu constater qu'elle avait été oubliée dans les villages où nous l'avons recherchée. Grâce à la littérature ethnographique de Marcel Griaule, nous l'avons fait reconstituer afin de la photographier et de l'enregistrer.
La musique
La musique traditionnelle dogon est exclusivement fonctionnelle. Elle accompagne les rites, les fêtes, les jeux, le travail, en résumé, la plupart des actes collectifs de la vie sociale et religieuse.
Le terme “musique” semble inadapté pour désigner certaines formes d’expression sonore des Dogon. En effet, le jeu instrumental s’apparente plus souvent à une transposition du langage parlé qu’à de pures compositions mélodiques ou rythmiques. L’exemple le plus significatif est probablement celui des messages joués sur les tambours à variation de tension, annonçant les nouvelles aux villageois ou permettant aux jeunes gens de défier, à la lutte, les garçons de quartiers ou villages rivaux.
On notera qu’il n’existe pas, dans le vocabulaire dogon, de mot traduisant littéralement le terme “musique” ; le seul qualificatif est le mot bòy (en tᴐrᴐ sᴐ), signifiant tambour. Le mot “chant” se traduit par “ní ” (en tᴐrᴐ sᴐ). Cependant, afin de simplifier notre discours, nous emploierons malgré tout le mot “musique”.
Les chants
Les chants présentés dans ces enregistrements sont tous de type responsorial et homophonique. Les échelles sont tétraphoniques, excepté pour le chant de pilage, pentaphonique. La répartition des degrés à l’intérieur des échelles varie d’un chant à l’autre. Nous avons consacré un PAE spécifiques aux chants de circoncis.
Chants funéraires badiu ní
On dénomme badiu ní un ensemble de chants exprimés au moment des funérailles de l'un des membres du cercle des musiciens du village ; ils sont interprétés exclusivement par et pour eux. Le cercle des musiciens porte le nom générique de badiu unu. Dans un chant de badiu ni il y a deux phases : le semele représentant la "couche superficielle" de la cérémonie au cours de laquelle on salue le défunt et sa famille, puis vient le badiu na, "couche profonde" laissant place à la symbolique exprimée par les initiés. Les nouveaux musiciens accèdent dans le cercle des anciens par filiation ou après s'être fait reconnaître pour leur volonté personnelle d'apprentissage des chants, de la frappe des tambours, ou bien les deux simultanément, et d'avoir prouvé leur compétence à travers un premier acquis personnel. Les femmes peuvent faire partie du cercle des musiciens, mais seuls les hommes sont admis à frapper les tambours. Parfois, des coups de fusil sont tirés pendant la cérémonie afin de chasser l'âme du défunt.
Chant d’introduction à la veillée funéraire
Ce chant est ici accompagné par trois gòmbòy, deux kelé et un susoy. Ils ont chacun pour rôle de communiquer un message.
Lieu et date : Mali, vill. Irelli. Février 1996.
Durée : 03:55. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Les gòmbòy scandent : « Il y a un malheur dans le village. Quel est ce malheur ? Il y a un défunt dans le village. Entendez-vous au loin ? Venez. » Le kelé et le susoy : « Nous sommes tristes, que tout le monde vienne nous soutenir pour les funérailles. » Le chant, quant à lui : « Nous venons de perdre un “parent paternel”, nous vous invitons à venir partager notre douleur. »
Bénédictions adressées au défunt et sa famille
Lieu et date : Mali, vill. Irelli. Février 1996.
Durée : 02:23. © Patrick Kersalé 1996-2024.
« Celui qui vient de mourir a besoin d’huile dans l’autre monde. L’arachide donne de l’huile, que Dieu lui donne de l’huile. Le raisin donne de l’huile, que Dieu lui donne de l’huile... » L’unique gòmbòy répète : « Accepte ces bénédictions. »
Extraits d’un chant pour le transfert du défunt dans un autre village pour son inhumation
Au départ du village : « Le défunt est nommé Tamayara. Il est venu à pied (à sa naissance) mais il repart à cheval (par analogie aux quatre jambes des deux porteurs de la civière). »
Lieu et date : Mali, vill. Irelli. Février 1996.
Durée : 03:12. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Pendant la procession : « Nous venons de loin, recevez-nous. ». En arrivant au village : « Salut à vous, nous venons vous donner de tristes salutations. Nous vous amenons un défunt. Donnez-nous de la crème (de mil). » Le susoy répète : « Le grand arbre a perdu un de ses fils aujourd’hui » et le gòmbòy : « Nous accompagnons le défunt, nous sommes tristes. »
Chants funéraires ya go
Le yɑ go (danse des femmes) est chanté et dansé lors des funérailles des femmes. Il est chanté indifféremment par les hommes et les femmes autour du corps de la défunte mais seules les femmes dansent. Il est accompagné par les gòmbòy, les flûtes kelé, les sifflets susoy ainsi que par les hochets sàguru. Les thèmes des chants sont extrêmement variés et reposent essentiellement sur des paraboles.
Lieu et date : Mali, vill. Bongo. Février 1996.
Durée : 04:06. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Par exemple, pour qualifier la décès d’une femme et le départ de son âme vers le paradis des ancêtres :
« Les étoiles sont restées, mais la Lune est partie. »
« On a fait le sacrifice d’un poulet, mais l’aigle l’a emporté. »
Ce chant est un hommage à une femme défunte très appréciée de la communauté villageoise.
Rituel pour appeler la pluie
Il existe, chez les Dogon, un rituel permettant d’attirer la pluie. Pour cela, on utilise une pierre appelée ãdugæ (pierre de tonnerre) ou plus largement ãdugæ tibi (autel de la pluie) car la pierre n’est qu’un simple vecteur associé à un fétiche.
Dans la croyance dogon, ces pierres tombent avec la foudre. Il s'agit en fait de pierres taillées et polies par des civilisations antérieures, que les villageois ont autrefois trouvées en brousse. A l’origine, ces pierres étaient emmanchées et utilisées comme hache. La pierre est conservée dans la maison du faiseur de pluie, sous terre, et personne d'autre que lui-même ou son fils aîné, l’héritier, ne doit la voir, car elle perdrait son pouvoir. Dès son plus jeune âge, l’héritier du pouvoir assiste à tous les rituels célébrés par son père.
Pendant la saison des pluies, le faiseur de pluie initie le rituel sur requête des villageois. À la fin des récoltes, les villageois apportent du mil et un poulet au faiseur de pluie. Celui-ci sacrifie le volatile et fait préparer de la bouillie de mil. Il fait couler le sang et verse de la bouillie de mil sur le fétiche se trouvant près de la pierre. Il en également verse un peu sur la terre recouvrant la pierre en remerciement pour la pluie. Le mil n’ayant pas servi au sacrifice est conservé par le faiseur de pluie.
Cette prière pour la pluie est dite par Dinguibré Saye, reçue de son père, Méneyou Saye.
Au début de la prière, le faiseur de pluie frotte la pierre, intermédiaire entre lui et les forces occultes, avec un morceau de charbon ou d’écorce de caïlcédrat, afin de la purifier. Puis vient la prière. Le faiseur de pluie salue tout d’abord diverses forces occultes et demande à la pierre d’intervenir auprès d’elles pour faire tomber la pluie. Puis il remercie Dieu : « Grâce à toi, Amma (Dieu), nous avons passé une bonne nuit ; fasse que nous passions maintenant une bonne journée. Amma entendez-nous, exaucez notre prière. »
Il salue de nouveau les diverses forces occultes. Puis, s’adressant à ãdugæ tibi : « Si la tradition est avérée, montre-nous ton pouvoir. » Puis il fait des vœux pour les cultures tout en demandant la pluie. Il réclame aussi d’abondantes récoltes, meilleures que celles des autres et longue vie aux villageois ayant effectué les semailles. Il sollicite ensuite les mânes des ancêtres et l’exaucement de ses vœux. Il demande aussi la bonne santé. Il souhaite des récoltes tellement abondantes que les cultivateurs soient obligés de solliciter d’autres villageois pour les rentrer dans les greniers. Il demande de nouveau la bonne santé puis la célébration des mariages, des rencontres à ceux qui cherchent l’âme sœur, des enfants à ceux qui en désirent, d’être épargné par les épidémies et les accidents. « Qu'Amma exauce nos vœux. » Il souhaite que le bétail se reproduise. Puis il réitère plusieurs éléments déjà évoqués. À la fin de la prière, le faiseur de pluie frappe rapidement la pierre, signifiant : « Amma entendez-nous, exaucez notre prière. »
Lieu et date : Mali, vill. Irelli. Février 1996.
Durée : 05:44. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Fête des semailles búlu
Le búlu est la fête des semailles, célébrée au solstice d’été. C'est une fête importante dans le calendrier rituel des Dogon.
Aumône
Lieu et date : Mali, vill. Irelli. Février 1996.
Durée : 03:31. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Le jour du búlu, le matin de bonne heure, les enfants passent de porte en porte, chacun avec un kuɲù bòy, en se réjouissant des bonnes récoltes : « Y-a t-il quelqu’un ? Vous avez fait une bonne récolte de mil, vous avez fait une bonne récolte d’oseille, vous avez fait une bonne récolte de riz. Est-ce que la bière de mil est prête ? Elle n’est pas tout à fait prête ! Le jour est arrivé... » Les enfants entrent dans une concessions et dansent. La famille leur offre de la bière de mil et fait des bénédictions, puis les enfants repartent alors vers une autre concession.
Salutations aux beaux-parents awa janu
Lieu et date : Mali, vill. Irelli. Février 1996.
Durée : 03:00. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Après avoir effectué les sacrifices rituels, les jeunes hommes mariés vont, de village en village, saluer les beaux-parents de chaque membre du groupe en chantant et en dansant.
Les deux gómbòy répètent : « Dansez les jeunes. » Le kelé quant à lui : « Dans le temps passé, nous n’avions ni gómbòy, ni kelé, ni vêtements. Aujourd’hui, nous nous habillons bien et avons des gómbòy et des kelé. »
Lutte rituelle
Les enfants de villages ou quartiers rivaux organisent des luttes rituelles opposant deux garçons. Il s'agit d'une lutte au corps-à-corps ayant pour but de déséquilibrer l'adversaire. Celui qui tombe à terre est vaincu et hué par les supporters du camp adverse. Les enfants tambourinaires appellent les garçons de villages ou quartiers rivaux en frappant des gómbòy.
Défiance des lutteurs
Lieu et date : Mali, vill. Bongo. Février 1996.
Durée : 01:00. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Rythme permettant de défier les lutteurs d’un autre village ou quartier. Le tambour dit : « jerun veje (étrangers venez). » Le message est décomposé entre trois tambours [un gómbòy dagi (petit) et deux gómbòy nà (grands)]. Le petit dit « jerun » et les grands « veje ».
Rythme tɛɲ bòy pour les lutteurs poids léger
Lieu et date : Mali, vill. Bongo. Février 1996.
Durée : 00:59. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Le tambour dit : « pãga obora tigɛ (celui que je trouve, je ne le laisse pas) » signifiant qu’il faut se battre jusqu’à la victoire.
Rythme balamba pour les lutteurs poids lourds
Lieu et date : Mali, vill. Bongo. Février 1996.
Durée : 01:00. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Le tambour dit : « dᴐbr kune (poussez rentrez) » pour inciter les lutteurs à entrer dans le cercle pour lutter.
Jeux
Les chants et/ou les rythmes sont la base indissociable de certains jeux d’enfants ou d’adultes.
pélu péle
Lieu et date : Mali, vill. Tireli. Février 1996.
Durée : 05:11. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Le pélu péle est un jeu de jeunes filles pratiqué les soirs de clair de lune. Après avoir formé un cercle, elles y entrent à tour de rôle pour danser. Il existe de nombreux textes pour ces chants. Les garçons viennent assister en curieux à ces danses, aussi ce jeu devient-il un prétexte pour se courtiser.
Ce chant d’illustration, accompagné de frappements de mains, évoque trois thèmes principaux : “Que Dieu sauvegarde notre croyance” ; “Apologie des troupeaux peul et dogon” ; “Evocations nostalgiques d’un garçon”.
Chants satyriques pélu nu
Lieu et date : Mali, vill. Tireli. Février 1996.
Durée : 10:42. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Ces chants ont pour thème la jalousie féminine. Les jeunes filles improvisent des moqueries interpellant leurs amies absentes sur le thème des amourettes vécues par elles. Les frappements de mains avec une rythmique complexe sont particuliers à cette forme expressive. Instruments : un barba, un bòy nà, trois gómbòy, deux kelé, deux susoy.
daleda
Lieu et date : Mali, vill. Tireli. Février 1996.
Durée : 02:09. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Le soir, au clair de lune, les garçons tracent un grand cercle sur le sol. Certains se placent à sa périphérie intérieure, d’autres au centre. Les enfants du centre tentent de pousser ceux de la périphérie pour les faire sortir du cercle. Celui qui en sort est “mort”. Les paroles du chant signifient : « Il faut mourir, je ne meurs pas. »
Le chant est accompagné de kuɲù bòy et de sàguru.
Danse des margouillats ajara
Lieu et date : Mali, vill. Tireli. Février 1996.
Durée : 02:16. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Ce jeu dansé est pratiqué par les jeunes garçons, notamment les jours de marché et le jour du búlu. On danse en position allongée, le ventre à ras terre et les mains au sol, en montant les fessiers et en se déplaçant d’avant en arrière.
Les jeunes dansent sur les chemins d’accès au marché. Si les passants sont satisfaits ou amusés, ils donnent parfois quelque nourriture achetée au marché. Le chant est accompagné de kuɲù bòy.
Chants de travail
Les chants de travail ont pour rôle de rythmer l’action et d’encourager des travailleurs.
Chant pour le pilage communautaire
Lieu et date : Mali, vill. Tireli. Février 1996.
Durée : 02:42. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Le pilage communautaire a notamment lieu après les récoltes, lorsque l’on vide les greniers collectifs servant de sécurité en cas de mauvaise récolte, pour remplacer les céréales de l’année passée par des céréales fraîches.
Ce chant fait l’éloge d’une plante culinaire appelée aɲi guro.
Chant pour la fabrication du beurre de karité
Lieu et date : Mali, vill. Tireli. Février 1996.
Durée : 05:54. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Au moment de la fabrication du beurre de karité, les femmes chantent des louanges pour extraire l’huile. Les paroles de ce chant sont une parabole : « La grue va se marier dans votre famille. » La grue est oiseau dont le chant est très apprécié des Dogon ; il s’agit probablement d’une jeune fille dont la voix est très belle.
Chants d’accueil
La notion d’accueil et de protocole coutumier sont très développés et codés en Afrique. Chez les Dogon, les salutations utilisent de longues formules au cours desquelles sont demandées des nouvelles de la famille et des connaissances communes.
Chant d’accueil du hogon
Le hogon (ógᴐ) est un chef religieux traditionnel ayant de nombreux pouvoirs. Il en existe généralement un par village. Il est soit le doyen du village soit l’héritier d’un hogon défunt. Il n’a théoriquement pas le droit de sortir de sa maison. Seule la mort peut l’en arracher. Cependant il est au courant de tous les événements de la communauté grâce à son assistant et à un réseau d’informateurs. Il arrive que le hogon souhaite communiquer un message aux villageois. Un homme appelé ógᴐ bara, sonne alors la trompe du hogon, un des attributs de son pouvoir. Il s’agit d’une trompe à embouchure latérale généralement faite d'une corne d’antilope. Le ógᴐ bara sonne jusqu’à ce que le hogon sorte et s'assied sur sa terrasse, d’où il délivrera son message. Les villageois s’approchent pour le saluer et l’accueillir avec un chant dédié : « Amma vous a donné un bonnet rouge (autre attribut de pouvoir du hogon). Vous nous avez appelé, nous répondons à votre appel. Longue vie au hogon ! » Après que le hogon s'est exprimé, le ɔ́gᴐ bara joue de nouveau de la trompe jusqu’à ce qu’il soit rentré chez lui et se soit assis.
Lieu et date : Mali, vill. Tireli. Février 1996.
Durée : 03:19. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Chant pour l'accueil des étrangers
Lieu et date : Mali, vill. Tireli. Février 1996.
Durée : 03:12. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Ce chant d’accueil, nommé ya puyɔ́ (nous sommes de même père et de même mère), a été chanté à l’occasion de notre retour dans le village de Tireli, où nous étions passés deux ans auparavant.
Il s’agit d’un chant responsorial avec soliste tournant.
D’après Dictionnaire dogon. Geneviève Calame-Griaule