SOMMAIRE
Lors des dernières funérailles on joue un ensemble de tambours dénommé koto, composé du tambour koto, du bɛrɛ̃ntɛ et du kpegbe bie.
Au commencement de la fête, avant que les chanteuses ne se mettent en place, les hommes frappent les tambours et jouent les flûtes tɩɩrɑ. On entend également, dans cet enregistrement, les clochettes à battant externe bᴐyᴐ avec lesquelles les danseurs accompagnent leur danse sɑ̃n(ɩ)gɑ ainsi que le cliquètement de leurs ceintures-sonnailles de cauris tãgɩna.
On désigne par koto le tambour décrit ci-après, mais également l'indissociable ensemble de trois tambours que sont le koto proprement dit, le bɛrɛ̃ntɛ et le kpegbe bie.
Description. Tambour conique en bois à une peau tendue par des lanières de cuir et un jeu de six clous de bois disposés de manière équidistante autour de la tête de l’instrument. C’est le plus grand tambour des Gan. Le koto d’Opire a une hauteur totale de 115 cm et une peau d’un diamètre de 40 cm.
Jeu. Le koto est légèrement incliné contre un arbre ou un mortier. Il est frappé avec une baguette et une main nue.
Usage. L’ensemble koto est joué lors des fêtes de réjouissances, lors des dernières funérailles et le tambour koto isolément pour annoncer un décès. Lorsqu'il s'agit de l'ensemble koto, il faut ajouter à celui-ci les sifflets tɩɩrɑ, les clochettes bᴐyᴐ des danseurs et les chants polyphoniques des femmes qui sont toujours de la fête.
De la conception au baptême. Avant d’abattre l’arbre (nʋmbɑ ; nèrè de Gambie - Parkia biglobosa) qui servira à la fabrication d’un koto, on sacrifie, pour compenser le prélèvement de l'arbre, une chèvre pour la terre et une poule pour l’arbre. A l’issue de sa confection, on accueille le koto avec les égards que l’on réserverait à un étranger, en lui donnant à boire du petit mil écrasé mélangé à de l’eau ; ce mélange est versé à terre près du tambour. On consulte ensuite le devin afin de savoir qui devra lui attribuer son nom et le conserver (l’actuel koto d’Opire est nommé Sʋmɑyɩlɑ̃. Cette charge de la conservation du koto est parfois lourde pour celui qui en hérite car il devra assumer seul tous les frais d'entretien qui sont onéreux pour des gens pauvres. Les frais les plus fréquents concernent le remplacement de la peau. Pour cela, on convoque des femmes qui viennent piler la peau préalablement mouillée dans un mortier pour l'attendrir. Il faut assumer leur nourriture et leur donner à boire, de même pour le sculpteur de koto (koto sege) qui effectue le montage de la peau. La dite peau est rare (donc chère), voire introuvable, aujourd’hui au Burkina Faso puisque l’animal (kura - cobe de Buffon) dont elle est issue a quasiment disparu.
Lorsque le commanditaire du koto, qui en est le propriétaire provisoire, vient voir le devin, ce dernier doit tout d'abord déterminer seul la raison de la venue du consultant. Il désigne ensuite la personne qui conservera le tambour à partir d'une liste de noms proposés par le consultant. Les entités spirituelles désignent le nom par l'intermédiaire du devin. Puis vient la détermination de l'entité spirituelle qui protégera l’instrument, entité appartenant au nouveau propriétaire de l'instrument, là aussi sous forme d'une liste dont chaque nom est refusé ou accepté. Au final, le devin détermine le sacrifice à faire sur l'entité du koto pour l'installer définitivement et lui donner sa “puissance spirituelle”. Le transfert dans la maison du nouveau propriétaire est alors libre et ce dernier donne son nom définitif au tambour. A cet égard, on peut considérer que le koto est traité comme un nouveau-né car, dans le cas d’un enfant, ce n’est ni le père ni la mère qui attribue le nom, mais une personne désignée par le devin. Au moment du transfert du koto dans la maison de son gardien, l'instrument peut, selon la croyance, refuser de suivre le commanditaire. En effet, une fois chargé sur la tête du transporteur, il arrive qu'il souhaite se diriger dans une autre direction. Dans ce cas, les alliés de clan du commanditaire le supplie en demandant aux ancêtres de reconnaître l’existence de la relation à plaisanterie.
Déplacement. Dans la plupart des cas, lorsque l’on souhaite déplacer le koto, il est nécessaire de consulter le devin. Celui-ci peut donner une autorisation inconditionnelle ou préconiser l’organisation d’un ou plusieurs sacrifices. De même, lorsque le koto arrive sur le lieu où il va être joué, « on lui offre à boire » ainsi qu’on le ferait pour un étranger. Enfin, lorsqu’il revient « chez lui », on offre un coq à son propriétaire.
Quand le koto quitte la maison pour se rendre à une cérémonie, on frappe trois pièces de répertoires différentes pendant le temps où il est encore à terre. Lors des dernières funérailles, avant de placer le koto à l’endroit où il sera joué, un homme seul le prend sur la tête (car seul un cadavre peut être porté par deux personnes), pied par-devant, et fait trois fois le tour de l’aire de danse — sans respecter un sens de rotation précis — tandis qu'une autre personne en frappe la peau.
Rôle. Le rôle du koto est double : il anime la danse et « protège », selon le mode de pensée animiste. Rappelons que le koto est lui-même protégé par une entité spirituelle appartenant au propriétaire de l’instrument. Autrefois, par exemple lors des dernières funérailles, lorsqu’il y avait deux groupes de danseurs, certains non-danseurs d’un groupe jetaient des sorts aux danseurs de l’autre groupe afin de faire venir ces derniers chez eux. Pour accepter cette idée, il faut comprendre le contexte même des dernières funérailles, qui est bien sûr de lever le deuil et d'honorer le défunt, mais qui est également, pour l'organisateur, une manière de se faire reconnaître et d'inscrire son nom dans la mémoire collective. Pour cela, il sacrifie un ou plusieurs bœufs, fait préparer de grandes quantités de victuailles et de bière de sorgho. Il y a le plus souvent surenchère, chacun voulant, quand ces moyens le lui permettent, faire mieux que son voisin ou ses parents pour gagner une plus grande reconnaissance. S'il y a, lors de ses dernières funérailles, plus de danseurs qu'à celles du voisin qui se déroulent simultanément, il jouira d'une plus grande renommée. Ainsi, autrefois, plus il y avait de danseurs qui tombaient dans la partie adversaire, plus s'installait une peur collective les conduisant à changer de lieu de danse. Selon la croyance, certains sorts lancés à leur encontre pouvaient même percer la peau du koto, anéantissant ainsi toute la danse. Ces pratiques n'existent plus chez les Gan mais perdurent chez leurs cousins les Docsé. Théoriquement, le koto canalise les sorts grâce à l'entité spirituelle (sɩ̃ diyeeme ou sɩ̃ nyɑɑmɑ) qui lui est associée, une entité préexistante qui est découverte par la divination. Les sorts sont désacralisés et matérialisés par l'entité. A l’issue d’une fête, on retrouve, à l’intérieur du tambour, des amulettes telles queues d’animaux plantées d’aiguilles, queues simples, poils, bagues... On signale parfois « la présence de rayons lumineux semblables à de grandes étincelles entrant dans le tambour » au cours de certaines fêtes.
Les joueurs de koto sont protégés par son entité spirituelle et le propriétaire du tambour l'est par ses propres entités.
Il convient de distinguer le bɛrɛ̃ntɛ (plur. bɛrɛ̃ntɛbɛ) du koto bie (littéralement koto enfant). Le premier fait partie de l'ensemble koto et de l'ensemble de tambours pour la culture sʋ̃m(ɩ)nɩ minise. Le second est un composant de l'ensemble du tambour royal 'ɩthɑ minise ; il est considéré comme l'instrument le plus sacré de la royauté.
Certains “ministres” du ká̃ɑ 'ɩyɑ détiennent un koto bie : buro'ri koyo, kɩ̃ngɛ ɩɩbie, kpodu ɩɩbie, mugonsi khoo, sɑ̃tée khoo, sᴐgɩthɑ khoo, wurkhum ɩɩbie.
Description. Même type de tambour que le koto mais de taille plus restreinte, comme l'indique son nom. Hauteur 54 cm ; diamètre peau 23 cm. La peau est celle d'une gazelle appelée localement sɩ̃gɩ̃nɑ.
Jeu. Comme ce tambour ne possède pas de pieds, soit on l’incline légèrement (contre le koto ou contre un morceau de tronc d’arbre) afin de laisser sortir les ondes issues de la vibration de la peau, soit on le porte avec une sangle entre les jambes, soit on le pose à terre horizontalement. Il est frappé comme le koto lorsqu’il est joué dans l’ensemble koto ou à mains nues lorsqu’il accompagne les travaux de labour.
Fabrication. Le koto bie attaché à la cour royale et représentant l’image guerrière du roi, n'est pas un banal tambour. Loin s’en faut si l’on considère un aspect connu de sa fabrication. Autrefois, selon la tradition orale, son ancêtre le kɑ̃gɑnmɑdu pouvait être entendu jusqu'à Gaoua tout en étant frappé à Opire, soit à une quarantaine de kilomètres ! (Les légendes ont la peau dure). Lors de sa fabrication, l’ouverture du tambour était exposée à la fumée d’un feu dans lequel se consumait la gorge d’un lion, feu alimenté par des bûches provenant d’un arbre dont le craquement du tronc, lorsqu’on l’avait abattu, avait retenti de manière exceptionnelle. La puissance de ces deux éléments était alors censée se transmettre au tambour par la fumée. Selon la croyance, cet instrument est tellement puissant que quiconque regarde à l’intérieur du fût se brûle les yeux et devient aveugle.
Sur les traces du koto bie ancien. Ce tambour royal permettait autrefois d’annoncer le déplacement du roi, de rassembler les guerriers ou d'annoncer les cérémonies importantes de la cour. Il se composait, jusque dans les années 1950, d’un couple de puissants tambours confisqués par l’administration française, parce que soupçonné de transmettre des messages à plusieurs kilomètres, une source d’inquiétude pour le pouvoir colonial. Dans ce cas précis, les colons français avaient bien compris la différence fonctionnelle entre un instrument de musique et un outils de communication, même si les uns et les autres étaient de même nature.
En 1999, GeoZik s'est rendu en Côte d'Ivoire dans l'ethnie Gbin, une branche des Gan désolidarisée de la royauté depuis plusieurs siècles. Si leur musique ne ressemble plus en rien à celle des Gan, ils possèdent en revanche un tambour monoxyle en forme de tonneau avec une peau ficelée à des clous de bois répartis autour de la tête, à la manière du koto bie. Le volume interne du tambour justifie la production d'un son plus grave. On peut penser, compte tenu du témoignage personnel du roi lors de nos entretiens, que ce tambour ressemble à l'ancien koto bie. Pour l'anecdote, le roi, alors enfant, assista à l'enfouissement du couple de tambours à Loropéni… GeoZik déplore ce genre d'exaction de la part des colons, quelle qu'en soit la nationalité.
Description. Pluriel : kpegbe bibe. Littéralement “bruit enfant”. Tambour conique en bois à une peau (wᴐᴐse're) tendue par des lanières de cuir et un jeu de six chevilles (mini bᴐ'rᴐ) disposées de manière équidistantes autour de la tête. Hauteur 45 cm ; diamètre peau 21 cm. La peau est celle d'une gazelle appelée localement sɩ̃gɩ̃nɑ.
Jeu. Il est posé à terre avec une certaine inclinaison et frappé à mains nues lorsqu’il accompagne le koto. Il est porté à l’épaule et frappé avec une baguette lors de l'accompagnement des travaux de labour.
Usage. Pour son utilisation dans l'ensemble koto, voir chapitre Tambour koto.
Rituel du tog kpoko. Le rituel de tog kpoko est célébré avant les récoltes du petit mil du roi au moment de la désacralisation de la céréale. Le souverain convie la population à boire la bière de mil et à danser une nuit durant.
Au cours de cette cérémonie, il sollicite les esprits afin que les villageois puissent effectuer les récoltes paisiblement sans être mordus par les serpents ou piqués par les scorpions.
Durée : 04:15. © Patrick Kersalé 2006-2024.
Le répertoire, la forme des chants et le jeu du xylophone minthoreego lors du tog kpoko sont identiques à ceux des dernières funérailles. Toutefois, au cours de cette cérémonie, le minthoreego royal est accompagné simultanément par le pɑ̃ɑgɑ et le kãgõgo.
Description. Tambour cylindrique en bois ou en métal (bidon recyclé), dont les deux extrémités sont recouvertes de peaux (wᴐᴐse're) tendues par un jeu de lanières de cuir passant tour à tour entre la base de chacune d'elles. Dimensions : hauteur 34 cm ; diamètre peau 29 cm.
Jeu. Selon la circonstance, le tambour est posé à terre ou porté à l'épaule avec une cordelette. La peau est frappée avec une baguette.
Usage. Il fait partie de l'ensemble du tambour royal 'ɩthɑ minise, de l'ensemble de percussions pour la culture sʋ̃m(ɩ)nɩ minise et pour accompagner le xylophone minthoreego.
Répartition dans le royaume. On trouve des pɑ̃ɑgɑ dans les villages possédant des minthoreeso : Opire, Sᴐnnᴐ, Toethɑ̃, Munyi, Khʋ̃thɑ̃.
Ethnies voisines possédant cet instrument. Les Birifor, les Dagara et les Lobi accompagnent leur xylophone de funérailles à 14 lames avec cet instrument.
Dernières funérailles. Dans cette séquence, les femmes chantent en deux langues : ká̃asa et jula ; mais curieusement, toutes ne comprennent pas le sens de cette dernière langue qu’elles n’utilisent pas pour le langage courant. Le chœur répond au minthoreego qui tient à la fois le rôle de soliste en répétant une phrase unique et celui de « choriste » en reprenant cette même phrase avec lui.
Interprètes : minthoreego, Dantien Farma ; kɑ̃gõgo, Atébé Farma.
Durée : 05:13. © Patrick Kersalé 2009-2024.
Thème du chant : « Qu’elle que soit votre souffrance, le crapaud (la mort) des mers ou des rivières vous en délivrera. »
Description. Pluriel : kɑ̃gõso. Tambour à variation de tension en forme de sablier, à deux peaux (wᴐᴐse're) tendues par un jeu de lanières de cuir.
Jeu. L’instrument est tenu sous le bras. On frappe une des peaux à l’aide d’une baguette coudée (kɑ̃goŋ bᴐ'rᴐ). On écrase avec plus ou moins de force les lanières de cuir contre le flanc pour faire varier la tension de la peau et par conséquent la hauteur tonale.
Usage. Il fait accessoirement partie de l'ensemble du tambour royal 'ɩthɑ minise. C'est un instrument de communication utilisé lors des rituels précédant l'intronisation du roi pour prévenir les prêtres-sacrificateurs à chaque fois qu'est visitée l'une des dix entités spirituelles du parcours initiatique. Il accompagne le xylophone minthoreego lors du tok kpoko et est utilisé pour éveiller l’esprit Mɑɑsɛ. Cet esprit a été apporté au pays gan en 1850 par le roi Sáb Dɩngɑrɑ, qui était allé le chercher à Kpɩgdɑɑbɩ en Côte d’Ivoire afin de protéger la population contre les attaques des Lobi, ennemis héréditaires des Gan. Ainsi, pour éveiller cet esprit, — symbolisé par une canne, une chaîne, une clochette keríge, le tout en fer et un bracelet de cuivre rouge porté par le prêtre sacrificateur — on joue le kãgõgo avant d’effectuer des sacrifices en son honneur. Lors du sacrifice à l’esprit Mɑɑsɛ, le joueur de kãgõgo échange des paroles avec le sacrificateur : paroles codées sur le tambour et paroles en langage concret proférées par le sacrificateur. Au moment des sacrifices, on agite la clochette-attribut pour appeler cet esprit, nommé génériquement Sɩ̃ Khɑ̃gɑ (Grand Esprit) et considéré comme un roi. Il se trouve dans le quartier de Sɑ̃mɛ à Munyi. Le prêtre qui a la charge de communiquer avec cet esprit a pour interdit (sɩ̃mɩsɑ) de ne pas manger de petit mil et de ne pas sacrifier de chèvre pour l'esprit. Cet esprit a depuis été installé dans divers villages gan et même Lobi.
Ethnies voisines possédant cet instrument. Les Dyan accompagnent leur xylophone avec cet instrument dont le nom est formé avec la même racine : gɑ̃gõku.
Dernières funérailles. Cet enregistrement présente une suite de pièces du répertoire des dernières funérailles (village de Sᴐnnᴐ) interprétées au minthoreego par Dantien Farma et au kãgõgo par Atébé Farma.
Les trois premières pièces citées sont paraboliques et ont un rôle éducatif tandis que la dernière a un rôle de transmission historique. L’enchaînement des pièces est très audible car le musicien marque des temps d’arrêt entre elles et frappe plusieurs fois les mêmes lames de son minthoreego. Toutes les pièces n’ont pas été traduites, mais nous en donnons ici quelques thèmes.
Lieu & date : Opire. 16 décembre 1996. Interprètes : minthoreego, Dantien Farma ; kɑ̃gõgo, Atébé Farma. Durée : 09:49. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Thème du chant : « Quelle que soit votre souffrance, le crapaud des mers ou des rivières vous en délivrera. » Autrement dit, la mort (être imaginaire que nul être vivant n’a jamais rencontré) libère l’homme de ses souffrances terrestres.
« Il existe deux espèces d’éperviers dont une ne peut attraper que de petits poussins. Un jour, un éleveur de volaille constata que cette espèce d’épervier était venue lui prendre une poule. Il aurait préféré que ce soit le grand épervier qui la lui vole plutôt que ce frêle oiseau. » Autrement dit, mieux vaut confier un bien à un homme valeureux qui l’utilisera à bon escient plutôt qu’à un être peu scrupuleux qui n’en saura que faire de bon.
« Si le mil a de bonnes racines, aucune mauvaise herbe ne pourra le tuer. » Autrement dit, qui naît avec la richesse et acquiert de solides connaissances, a de meilleures chances de réussir sa vie.
« Après le départ du roi Tʋkpɑ̃-Piré (7e roi des Gan) pour Bᴐbtɑ̃, les gens se sont dit : unissons-nous et entendons-nous afin de n’être pas trahis par un autre peuple. »
Description. Le minthoreego (également connu sous le vocable générique balafon) est un xylophone composé de 14 lames de bois (mɩnthoree bᴐ'yᴐ) montées sur un cadre. Des calebasses (mini khooyo) de forme sphérique dont la partie supérieure a été ouverte, sont suspendues sous les lames et servent de résonateur ; leur taille est adaptée à la hauteur de chaque note.
Ces calebasses sont percées de plusieurs ouvertures circulaires sur lesquelles sont tendues de très fines toiles (nɑɑninɑ) (à l'origine le cocon protecteur des œufs d'une araignée), qui ajoutent une certaine stridence à la sonorité. Chaque lame a une longueur, une largeur et une épaisseur propres. Elles sont frappées à l'aide de deux maillets terminés chacun par une boule formée d'une superposition de bandes de caoutchouc.
L’accord des xylophones africains est rarement précis. De même, on ne peut définir aucune règle concernant les hauteurs absolues entre plusieurs instruments. Quant aux intervalles sur un instrument donné, on peut définir des tendances, mais même les octaves ne sont pas toujours justes !
Nous avons déterminé les hauteurs des notes du minthoreego du village de Sᴐnnᴐ. Nous constatons que les valeurs relatives entre notes et les redoublements d’octaves sont approximatifs. (La note 1 correspond à la lame la plus grave de l’instrument. Les signes « + » et « - » donnent une notion plus ou moins grande de la dérive en fréquence par rapport au diapason « La = 440 Hz ») : 1 Fa# ++ / 2 La - - / 3 Do - - / 4 Ré / 5 Mi ++ / 6 Sol - - / 7 La / 8 Do - - / 9 Ré# - - / 10 Fa / 11 Sol / 12 La# - - / 13 Do + / 14 Ré#.
Nous donnons ci-après les approximations des gammes des minthoreeso des villages d’Opire et de Khʋ̃thɑ̃. Nous constatons qu’il n’existe pas de hauteur absolue commune entre les instruments. Le minthoreego du second village est sensé se substituer à celui du premier dans le cas où celui-ci serait indisponible. Or, la tonalité des deux instruments est différente, nécessitant pour les chanteurs(euses) d’Opire, accompagnés par ces instruments, d’adapter leur hauteur de voix.
Minthoreego royal d’Opire : Ré♭, Mi♭, Fa, La♭, Si♭.
Minthoreego de Khʋ̃thɑ̃ (substitut du minthoreego royal d’Opire) : Sol, La, Si, Ré, Mi.
Origine. C’est le roi Tʋkpɑ̃-Pᴐrɩ, 15e roi du second site funéraire, (début du XIXe s.), qui aurait introduit le minthoreego chez les Gan. Une légende raconte qu’un jour où son fils était parti à la chasse, il rencontra des hommes sortant de trous en jouant du xylophone. Aussitôt, il rapporta la nouvelle à son père, qui le renvoya auprès d’eux afin de connaître leurs conditions pour venir jouer auprès de lui. Le fils partit et revint avec la réponse suivante : « Il faut préparer de la bière de mil, tuer des animaux, préparer du to et ne pas les détenir captifs ». Ainsi fut fait. Les musiciens vinrent, mangèrent et burent. Ils furent tellement contents qu’ils ne souhaitèrent pas repartir. Ainsi le minthoreego resta au sein du peuple gan. Selon Madeleine Père, ces musiciens pourraient être des Loron (qui se nomment eux-mêmes Teése — sing. Teébò) car cette ethnie possédait auparavant des maisons souterraines, ce qui pourrait expliquer l’expression “des hommes sortant de trous”.
Lieu & date : Obiré. Province du Poni. Burkina Faso, Janvier 2003.
Durée : 02:30. © Patrick Kersalé 2003-2024.
Le roi Tʋkpɑ̃-Pᴐrɩ tiendrait son nom de Tʋkpɑ̃-Pᴐrᴐ, c’est-à-dire roi “Tʋkpɑ̃ le pauvre”. Ce roi vécut en Côte d’Ivoire pour y chercher fortune. Il fut rappelé par la suite après avoir été désigné comme roi potentiel par le collège d’anciens afin de remplacer son défunt prédécesseur. En repartant de la Côte d’Ivoire, les Kulango lui avaient donné une fillette en reconnaissance du bien qu'il avait dispensé lors de son séjour. Il n’épousa pas cette enfant au nom inconnu, mais la donna à son tour au premier joueur de minthoreego venu jouer à sa cour. Depuis lors, les descendants de ce dernier, restés attachés à la royauté, sont issus de la descendance du mariage contracté entre cette fille Kulango et ce musicien présumé être Loron. Cette descendance constitue aujourd'hui une famille appelée Tʋkpɑ̃-pᴐr, en référence au roi qui avait appelé les premiers musiciens auprès de lui. De cette famille sont également issus les porte-parole kɑsɩyɑ des villages d'Opire et de Sᴐnnᴐ. Les joueurs de minthoreego sont appelés kɑsɩgɩbɑ (sing. kɑsɩgɑɑ) mais sont également kɑsɩ 'ɩrɩbɑ (sing. kɑsɩ 'ɩrɑ) c'est-à-dire les fossoyeurs des roturiers.
La lignée des joueurs de minthoreego d’Opire appartient au clan Fɑrmɑ et celle de Sᴐnnᴐ au clan Sʋɑ. Les musiciens Sʋɑ se sont formés, à l'origine, auprès des Fɑrmɑ. Un des musiciens de la cour royale, feu Aley Fɑrmɑ, nous a révélé en 2003 toute son ascendance, jusqu'à l'origine du premier arrivé sous le règne du roi Tʋkpɑ̃-Pᴐrɩ ; ils appartiennent tous au matriclan Fɑrmɑ. Ainsi, en partant de l'ancêtre originel, nous atteignons seize générations : Mani, Tieba, Fako, Keremassa, Kirifou, Boureïma, Païbi, Assoro, Togo, Assounou, Assi, Assoro, Simbé, Kouadio, Domba, Aley.
Lieu & date : Obiré. Province du Poni. Burkina Faso, Janvier 2003.
Interprètes : minthoreego, Dantien Farma ; kɑ̃gõgo, Atébé Farma.
Durée : 03:31. © Patrick Kersalé 2003-2024.
Fabrication. Compte tenu de ce qui vient d’être dit, les Gan n’ont pas appris à fabriquer les minthoreeso (pluriel de minthoreego) mais s’adressent, en cas de nécessité, à leurs voisins et anciens ennemis, les Lobi.
Lieu & date : Burkina Faso. Bobo Dioulasso. 14 décembre 1999.
Durée : 06:28. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Usage. On distingue trois types de minthoreego, certes similaires physiquement, mais symboliquement différents. Le minthoreego attaché à la cour royale, les minthoreeso utilisés exclusivement par les roturiers et le minthoreego du hameau de Khʋ̃thɑ̃ ayant une utilisation villageoise ordinaire ; celui-ci peut se substituer à l’instrument de la cour royale en cas d’indisponibilité.
Le minthoreego de la cour royale est joué au cours de plusieurs circonstances :
Lorsque le défunt est un proche parent du roi et ne réside pas à Opire, on déplace le minthoreego royal dans son village lors de ses dernières funérailles. Les minthoreeso des autres villages sont joués exclusivement lors des dernières funérailles. Tous les villages ne possèdent pas de minthoreego. On en trouve aujourd’hui dans les villages suivants : Opire (minthoreego royal), Sᴐnnᴐ (village du fils du porte-parole du roi), Toethɑ̃, Munyi, Khʋ̃thɑ̃ (substitut du minthoreego royal).
A propos d'un schisme. Pourquoi existe-t-il deux porte-paroles (kɑsɩyɑ) et un minthoreego dans chacun des villages de ces deux personnages ? L'instrument d’Opire est réservé, entre autre, aux obsèques et dernières funérailles des princes et princesses. Munyi était le premier village princier ancestral (les premiers princes y étaient appelés Munyibo). Il y avait, à cette époque, un seul kɑsɩyɑ, celui d’Opire. Or, un jour, le roi Kpanigimihan, appelé aussi le “roi méchant”, tomba malade. Comme le veut la tradition royale, on l’isola dans sa case en lui attachant les clochettes aux poignets et aux chevilles ; lorsque l’on entend plus les clochettes, le kɑsɩyɑ doit entrer dans la case pour constater le décès. C’est alors qu’une fille nommée Ya, une roturière, assista le roi pendant son agonie en lui donnant à manger en cachette et lui sauva la vie. Pour la remercier, le souverain l’intégra par le pacte du sang et divisa alors son royaume en deux. Voici pourquoi il existe deux minthoreego et deux kɑsɩyɑ répartis à Opire et Sᴐnnᴐ.
Rétribution des musiciens. Lors des obsèques d'un prince ou d'une princesse de Munyi, le porte-paole (kɑsɩyɑ) d’Opire égorge les bœufs et récupère sa part (une partie du cou, des intestins et du foie) ; les joueurs de xylophone (kɑsɩgɩbɑ) d’Opire prennent la tête du (des) bœufs après que le défunt a été enterré, têtes déposées pendant les obsèques auprès de la canne (tɑkpɑnnɑ) représentant le défunt à l’entrée de la porte de la case funéraire. De même, lorsqu'un prince ou une princesse du village de Derbɩ meurt, c'est le kɑsɩyɑ de Sᴐnnᴐ qui égorge les animaux et conserve sa part, tandis que le joueur de xylophone (kɑsɩgɑɑ) de Sᴐnnᴐ récupère la tête du (des) bœuf(s).
Autrefois, lors des dernières funérailles, on sacrifiait, près du minthoreego, et en son honneur, une poule pour une femme ou un coq pour un homme. On récompensait le musicien d’une jarre de bière de sorgho pour le déplacement de l’instrument et de deux cents cauris pour sa prestation. Cette coutume n’a plus cours aujourd’hui. Le musicien reçoit uniquement de la bière de sorgho au même titre que les autres invités.
Obligations et interdits. Il est interdit de faire passer une calebasse de bière de sorgho au-dessus de l’instrument car si du liquide venait à tomber sur les lames, celles-ci deviendraient ivres et ne pourraient plus jouer correctement.
Le minthoreego royal ne peut être transporté dans certains lieux eu égard au rapport existant entre ceux-ci et la royauté : rapport entre la mort royale ou princière, lieu abritant une entité spirituelle royale ou encore conflit historique ayant affecté la royauté. Voici la liste de ces lieux : Tegíthɑ̃ (quartier du village de Sɑɑgɛ abritant l'entité spirituelle royale Pɑnɑnɑ ; l'entrée même de ce quartier est interdite au roi), Wɑthɑ̃ (village abritant l'entité d'initiation Sᴐrɔ̃, Bᴐbthɑ̃ (village du second cimetière royal), Mugonsi (village du cimetière princier), quartier Ká̃a-kpɩkɑ d'Opire (lieu de résidence de l'entité Hɛrkɛrɛ), Togo (premier cimetière royal), Sɑ̃tée (lieu de résidence d’un dénommé Kharbo, ancêtre Fɑrmɑ, qui eut des démêlés avec la royauté en place : il aspirait à devenir roi mais son neveu, résidant à Opire, fut intronisé à sa place sans qu’il pût s’y opposer). Poussé par la rancœur, Kharbo interdit l’accès de son village au nouveau roi et demanda qu’à la mort de ce dernier, on lui envoie ses ustensiles de cuisine en guise de faire-part).
Répertoire. Le répertoire du minthoreego est homogène dans le royaume ; il accompagne les chants polyphoniques ou bien se substitue parfois aux chanteurs.euses tandis qu'ils/elles se reposent en interprétant la mélodie des chants.
Accompagnement. A la cour royale, le minthoreego est accompagné simultanément par le pɑ̃ɑgɑ et le kãgõgo. Dans les autres villages on utilise soit le pɑ̃ɑgɑ, soit le kãgõgo, soit encore le kpegbe bie.
Ethnies voisines possédant cet instrument. Le xylophone sur cadre est répandu dans tout le Burkina Faso avec plus encore de particularismes qu'il existe d'ethnies. Sur le plan organologique, le xylophone à 14 lames est connu chez les Lobi, les Birifor, les Dagara, les Dyan. Rappelons toutefois que les xylophones gan sont aujourd'hui fabriqués ou réparés par les Lobi.
Rangement. Le minthoreego royal était autrefois rangé dans une case aujourd'hui disparue du quartier Kɑsɩgɩ-tᴐnnᴐ d'Opire. Il est aujourd’hui stocké dans la case d’une femme de la famille des Tʋkpɑ̃-pᴐr.
Le minthoreego sur cadre à résonateurs en calebasses est un instrument sacré nécessitant l’accomplissement de sacrifices avant utilisation. C'est pourquoi, l’entraînement au jeu du minthoreego s’effectue généralement sur un xylophone sur fosse (minthoreego) car l’instrument sur cadre est fragile et toute réparation est une dépense incombant au titulaire. De plus, compte tenu du caractère sacré de l’instrument, on ne le fait pas sortir pour n’importe quelle raison de son rangement. Lorsque l’entraînement se pratique sur un xylophone sur cadre, il se fait à l’intérieur de case où il est stocké, ce qui ne nécessite alors aucun sacrifice.
Au lieu d’être disposées sur un cadre de bois, les lames du xylophone sur fosse reposent sur deux fagots de paille passant sous les nœuds de vibration des lames ficelées solidairement entre elles. Elles sont suspendues au-dessus d’une fosse parallélépipédique dont la longueur équivaut à celle de l’instrument et la largeur et la profondeur à environ une vingtaine de centimètres chacune. L’extrémité des ficelles ligaturant les lames sont attachées à quatre petits piquets plantés en terre. Il n’existe aucune différence d’appellation ni de jeu entre les deux instruments, mais le xylophone sur fosse n’est jamais joué lors des cérémonies.
La pièce interprétée appartenant au répertoire des dernières funérailles.
Lieu & date : Opire. Décembre 1999.
Interprètes : minthoreego, Alè Farma ; kɑ̃gõgo, Adiouma Farma.
Durée : 02:29. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Ce rythme était joué pour le roi nouvellement intronisé puis lors de ses déplacements, départ et retour de voyage. Il s’agissait de lui rappeler d’être rusé s’il voulait se maintenir sur le trône, d’apprendre à connaître chaque personne pour percer tous les secrets.
Description. Double cloche en fer à battant externe comportant un élément femelle (hɑkɑ) (le plus petit) et un mâle (khooko).
Jeu. Frappée à l’aide d’un bâton de bois.
Usage. Un des éléments de l'ensemble du tambour royal ('ɩthɑ minise) et de l'ensemble dédié à l'encouragement à la culture.
Lieu & date : Village d'Obiré. Gan. Burkina Faso. Décembre 1999.
Durée : 02:04. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Le tambour royal est aujourd'hui constitué de trois instruments : tambour conique koto bie, tambour cylindrique pɑ̃ɑgɑ et double cloche dɑto, auxquels s'est adjoint le tambour-sablier kãgõgo.
La cloche dato maintient la pulsation tandis que les autres tambours à la fois produisent des rythmes mais aussi, parlent. N'oublions pas que la plupart des instruments — tambours à membrane(s), tambours de bois, xylophones — parlent.
Lieu & date : Village d'Obiré. Gan. Burkina Faso. Décembre 1999.
Durée : 00:54. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Description. Clochette en fer à battant externe constituée de deux demi-cônes reliés par une anse, et d’un épais anneau percuteur (degénɑmɑ) fait dans le même matériau.
Jeu. L’index est introduit dans l’anse de la clochette tandis que l’anneau percuteur est passé comme une bague autour du pouce. Les trois doigts libres projettent la clochette contre l’anneau métallique. Les danseurs les utilisent par paire.
Usage. Accompagnement rythmique de la danse par les danseurs eux-mêmes ; les non-danseurs de l’assistance complètent le jeu rythmique de ces derniers en percutant divers objets métalliques (houe, pelle, clé de mécanique, pièces d'automobile...). Ces pseudo-instruments sont eux aussi nommés bᴐyᴐ.
Ethnies voisines possédant cet instrument. Les danseurs Lobi et Dyan utilisent un instrument similaire.
Chant pour le pilonnage des noix de karité. Ce chant est accompagné d’un double tambour d’eau joué par la chanteuse soliste. La rapide pulsation rythmique de cet instrument a pour objectif de soutenir la cadence de travail des femmes au cours de la préparation du beurre de karité. La soliste développe un thème tandis que le chœur répond de manière hétérophonique sur la base de sons fredonnés, dénués de sens.
« Deux jeunes filles, Alima et Wɑ̃nyɑ aiment chacune un garçon qu’elles veulent épouser. Leur mère n’est pas d’accord mais elle ne peut les empêcher compte tenu de l’ardent amour les liant à leur amant respectif. Elle leur dit cependant ceci : même si vous partez, que vous vous mariez et que vous accouchez d'un garçon, celui-ci me reviendra. De même si vous accouchez d'une fille, celle-ci me reviendra. Vous m’abandonnez, mais tous les enfants que vous mettrez au monde me reviendront ».
Ainsi, les filles partent et leur mère demande la double compensation des filles et des garçons alors que, dans la société gan, les filles issues du mariage reviennent à la famille maternelle et les garçons à la famille paternelle. Lorsque le chef du matrilignage donne une fille en mariage à un garçon, ce dernier doit compenser le départ de celle-ci en offrant ses filles au donateur afin de préserver la racine matrilinéaire.
Lieu & date : Opiré. Hameau d'Ithabunthanga. 11 février 1996.
Durée : 02:43. © Patrick Kersalé 1996-2021
Description. Le tambour d’eau est constitué de deux demi-calebasses (ombi tɑɑ'rɑ) de tailles différentes posées ouverture vers le bas sur un ou deux récipients d’eau qui peuvent être, ou non, en calebasses (ombi khɑ̃gɩrɑ). L'ensemble de ces calebasses sont ordinairement des récipients culinaires des femmes.
Jeu. Les deux demi-calebasses en flottaison sont frappées avec une troisième demi-calebasse en forme de louche (uriko). Cet instrument est une exclusivité féminine et la seule percussion qui leur soit permis de jouer.
Usage. Joué exclusivement lors du pilonnage des noix de karité en vue de la préparation du beurre.
Lieu & date : Opiré. Hameau d'Ithabunthanga. 17 décembre 1999.
Durée : 01:26. © Patrick Kersalé 1999-2021
Description. sɩ̃ minise signifie littéralement “tambour de l’esprit”. Il est constitué d’une large demi-calebasse (oŋgo) de 40 à 50 cm de diamètre.
Jeu. Frappé à mains nues.
Usage. Accompagne la danse lors d’un rituel nocturne célébré en janvier de chaque année en l’honneur de l’esprit bisexué brikono (mâle : buryɑnɛ ; femelle : brikono). On éveille cette entité en frappant trois fois consécutive deux pierres, une fixe posée au sol et une mobile tenue à la main. Cette entité se situe à Phongo, un quartier d’Opire. Elle fait partie d’un ensemble instrumental composé de : kãgõgo, bɛrɛ̃ntɛ, dato, pɑ̃ɑgɑ.
Les jeux musicaux et dansés représentent une part importante de la socialisation des individus dans les sociétés traditionnelles à travers le monde. Les enfants gan fabriquent et jouent un arc à résonateur physique monocorde (cithare), le tiki bɛrɛ̃gɛ, dont la caisse de résonance est composée d'une boîte de conserve — progrès oblige — qui remplace l'antique calebasse…
Description. L'arc tiki bɛrɛ̃gɛ est constituée d’un manche de bois arqué (simple branche) dont une extrémité est introduite et bloquée à l’intérieur d’une boîte de conserve (autrefois une calebasse) préalablement percée. Un fil d’acier (brin de câble de vélo) relie l’extrémité de l'arc et le centre du résonateur ; la corde est maintenue en tension par le cintre de l’arc.
Jeu. On joue seul ou à deux. Dans le premier cas, la corde est grattée dans un mouvement alternatif avec une petite baguette souple ou le doigt, tandis que l'autre main fait varier la hauteur de la note en modifiant la tension de la corde, soit par une action sur le manche, soit en appliquant un petit morceau de bois sur la corde à l'opposé de la caisse de résonance. Dans le second cas, un joueur frappe la corde avec deux tiges de mil tandis que l’autre modifie la hauteur de la note par l’un (ou les deux) des procédés décrits précédemment. Dans les deux cas, l'instrument est posé à terre et maintenu avec le pied.
Usage. Joué par les enfants comme passe-temps.
Légende. Il était une fois, un homme qui avait un chien très méchant auquel il avait coupé une oreille. Alors ce dernier pleurait toujours sur les tas d’ordures où il cherchait sa nourriture. Les enfants utilisent aujourd’hui cette image du chien des ordures qui n’avait qu’une seule oreille comme une moquerie. Lorsque l’on veut se moquer de quelqu’un qui fait une erreur, on lui dit qu’il est un chien des ordures. Le terme tiki bɛrɛ̃gɛ désigne à la fois l’instrument, la musique et la symbolisation de cette moquerie.
Lieu & date : Opire. 18 décembre 1999.
Durée : 01:32. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Un bâton flexible coupé dans la brousse, une boîte de conserve, un brin d'acier extrait d'un câble de vélo et l'Opinel du vidéaste… En quelques minutes naît un arc à résonateur physique tiki bɛrɛ̃gɛ.
Lieu & date : Opire. 18 décembre 1999.
Durée : 00:35. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Il existe une seule pièce musicale jouée au tiki bɛrɛ̃gɛ. C'est une simulation linguistique d’une tirade en langue agni (groupe des langues akan) dont la traduction est la suivante : « J’ai mangé de la banane, mon ventre n’est pas plein. J’ai mangé du taro pour que mon ventre soit plein ». Ici, l’instrument est joué en grattant la corde avec le doigt et en modifiant la hauteur de la note émise par action sur la tension de la corde.
Lieu & date : Opire. 18 décembre 1999.
Durée : 00:21. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Même pièce que celle jouée au doigt mais interprétée par deux musiciens. L’un frappe la corde avec deux baguettes tandis que l’autre y applique un petit bâton à l’opposé de la caisse de résonance tout en modifiant la tension par action sur le manche.
Description. L’arc musical kɑ̃gɑnɩmɑ est constitué d'une baguette de bois cintrée (kɑ̃gɑnɩmɑ sᴐᴐsike) par une corde (kɑ̃gɑnɩmɑ wɔ̃nnɑ) réalisée avec la racine d’une plante épineuse nommée localement kɑ̃gõpɑ̃, dont on brûle modérément l'enveloppe externe afin de l’enlever.
Jeu. Pour jouer, on passe la corde entre les lèvres sans les toucher et on la frappe avec une tige de mil (kɑ̃gɑnɩmɑ bᴐ'khɑ̃gɩrɑ) ; on fait varier le volume de la cavité buccale afin de produire des harmoniques de différentes hauteurs simulant les phonèmes linguistiques. On modifie alternativement la hauteur de la note émise en appliquant une petite baguette de bois (kɑ̃gɑnɩmɑ bᴐ'tɑɑ'rɑ) à quelques centimètres de l’extrémité opposée à son jeu buccal. Le jeu est phonético-rythmique.
Usage. Divertissement individuel, du cercle familial et de voisinage.
Jeu simple. Thème : « Un jour, un jeune homme avait voulu courtiser une princesse se trouvant à l'étranger. Les parents de celle-ci dirent au jeune homme qu'il ne pouvait la courtiser puisqu’elle était attachée à la famille royale, mais qu’il pouvait toutefois demander l'accord du roi. Le jeune homme répondit qu’il se moquait du roi et voulait épouser la jeune fille. Revenu au village, il fut condamné pour ces mauvaises paroles et ses actes délictueux. »
Lieu & date : Opire. 10 février 1996.
Interprète : Sibiri Farma.
Durée : 02:01. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Jeu et chant
L'interprète alterne le jeu de l'arc musical et le chant.
Thème du chant : « Homme célibataire, si tu fais la cour à une fille et qu'elle refuse tes avances, va préparer des haricots et mange-les. »
Moralité : Un célibataire cherche une femme qui pourra lui préparer de la bouillie de mil (to), mais comme il a échoué dans sa tentative de séduction, il devra manger des haricots dont la préparation est simple et rapide !
Lieu & date : Opire. 10 février 1996.
Interprète : Sibiri Farma.
Durée : 02:24. © Patrick Kersalé 1996-2024.
Jeu de cache-cache
On prend un bracelet et on le donne a quelqu'un qui doit le cacher. On dit alors : « J'ai égaré ma femme (symbolisée par le bracelet) et suis à sa recherche. » Le joueur de kɑ̃gɑnɩmɑ guide celui qui cherche le bracelet en soufflant sur la corde lorsque ce dernier s’approche de la cache.
Thème du chant : « Un pauvre homme avait perdu sa femme car elle était partie se cacher chez quelqu’un. À chaque fois qu'il passait dans un village pour demander si on l’avait vue, il se faisait rabrouer car il était pauvre ».
Moralité : si l’homme avait été riche, on lui aurait tout de suite dit où elle se trouvait, même s'il n’avait rien demandé. Le pauvre a toujours tort.
Akouna Farma, célèbre musicien de l’ethnie Gan nous offre ici, en plus de la fabrication et du jeu d’un arc musical, une formidable leçon de vie. Atteint de cécité depuis sa plus tendre enfance, il part seul en brousse chercher les plantes dont il a besoin pour la fabrication. Lors de ce tournage, il n’a bénéficié d’aucune aide de notre part alors que nous le suivions avec notre caméra. Ainsi en avait-il été décidé avec lui.
Lieu & date : Opire. Décembre 1999. Interprète : Akouna Farma.
Durée : 01:00. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Nous avons consacré un dossier spécial à la harpe fourchue du Burkina Faso. Pour y accéder, cliquez ici.
Description
Le koninyɑ̃ est une harpe fourchue, instrument endémique de l'Afrique noire. On le rencontre dans plusieurs ethnies Burkina Faso, notamment : Badogo, Bwa, Bobo, Birifor, Dagara, Docsè, Dyan, Komono, Lobi, Pougouli, Vigué. En français africain, on la désigne parfois sous le vocable “harpe ombilicale” ou encore “guitare” suivi du nom de l’ethnie. La particularité de cette harpe, par rapport aux harpes fourchues rencontrées ailleurs en Afrique noire, est que les cordes ne viennent pas s’accrocher sur la caisse de résonance, mais sont perpendiculaires à celles-ci. De ce fait, sur un plan purement organologique, on devrait plutôt la considérer comme un “arc multicorde à résonateur”. Nous utiliserons cependant le terme “harpe fourchue” largement répandu dans la littérature ethnomusicologique.
La harpe fourchue dont il est question ici est constituée d’un manche (bᴐ'rᴐ), d’une caisse de résonance (khokpónno) et de cordes (thine). La forme du manche en bois varie de l’arc proprement dit, au demi-cercle. Il est fixé par ficelage à une caisse de résonance constituée d’une demi-calebasse originellement sphérique. Pour cela, cette dernière est percée de plusieurs trous permettant le passage des liens. La calebasse est soit la plante rampante Lagenaria vulgaris (Cucurbitacée), soit le fruit du calebassier Crescentia cujete (Bignoniacée). La caisse de résonance est parfois percée d’une ou deux ouvertures circulaires de 15 à 20 mm sur lesquelles sont tendues de très fines toiles (nɑɑninɑ) — formant à l’origine le cocon protecteur des œufs d’une araignée — censées générer une légère vibration. Cependant, compte tenu du peu de performance d’un tel dispositif, l’extrémité du manche est souvent munie de sonnailles : sur le pourtour d’une petite tôle souple (nyɑgɑ) sont accrochés des anneaux qui tintent sous l'effet de la vibrations des cordes.
Le koninyɑ̃ est accordé selon une gamme pentatonique proche de Do, Ré, Fa, Sol, La, Do.
Usage
Le koninyɑ̃ est joué lors de la fête de la fin des moissons (kpogoso) mais pas systématiquement. C’est un instrument spécifiquement utilisé pour créer une ambiance de fête.
Jeu
La partie ouverte de la calebasse servant de caisse de résonance est placée contre le ventre du musicien. Pour modifier l’intensité sonore (qui est faible), le joueur fait basculer la harpe vers l’avant afin « d’ouvrir » la caisse de résonance et modifier ainsi l'amplitude sonore. Les cordes sont pincées avec le bout des doigts ou avec les ongles, ce qui permet, dans ce dernier cas, d’obtenir un son plus sec et plus puissant. Plusieurs instruments jouent parfois simultanément l’accompagnement des chants. Cet instrument est toujours et exclusivement accompagné par les bᴐyᴐ (clochettes des danseurs ou outils métalliques percutés). Il faut noté que le terme koninyɑ̃ englobe, dans la pensée gan, la harpe elle-même et les bᴐyᴐ.
Les Gan le joue de manière mélodico-rythmique, soutenant le chant des femmes et animant les danses de réjouissances. Le harpiste accompagne son propre chant auxquels répondent polyphoniquement les femmes. Lors des fêtes, il est courant que deux harpes jouent simultanément ; dans ce cas, seul un harpiste chante, l'autre instrument doublant seulement le jeu mélodico-rythmique du soliste.
Les cordes sont pincées soit avec le bout des doigts, soit avec les ongles afin d’obtenir un son plus sec et plus puissant.
Les thèmes des chants traitent de la vie villageoise, beaucoup d’entre eux étant moralisateurs. Il s'agit d'un répertoire vivant proposant plutôt des chants d'actualité.
Harpistes
En 1994 demeuraient quelques rares harpistes. En 2003, ils avaient tous disparu à l'exception du célèbre Akouna Farma auquel nous avons consacré un film : Akouna Farma, messager du royaume.
Ethnies voisines possédant cet instrument
En l’état de nos recherches, il semblerait, qu’au Burkina Faso, la harpe fourchue trouve son origine chez les Bwaba qui sont, semble-t-il, les seuls à l'utiliser dans un aussi grand nombre de rituels (encouragement des cultivateurs et agrémentation de leur repos lors des travaux champêtres, accompagnement de la mouture des céréales sur la meule dormante et du pilage, danse des masques, célébrations de mariages, cérémonie d'initiation du do). Chez les Bwaba comme chez les Gan, elle est jouée de manière mélodico-rythmique. En revanche, chez les Lobi, les Dyan et les Pougouli, elle est jouée mélodiquement en auto-accompagnement des chants. Dans ces ethnies voltaïques et animistes, parmi les musiques jouées par des hommes adultes, celle pour harpe fourchue est une des rares à ne pas être associée à un quelconque rituel ou activité. On la joue pour passer le temps, en présence d’un nombre réduit de personnes, notamment lors des veillées. Les chants se font l’écho des histoires villageoises gaies ou tragiques, des moqueries.
Harpe koninyɑ̃ & chants polyphoniques
Dans cet extrait, le chœur rythme le chant par la répétition obstinée d’une formule préalablement communiquée par le soliste et adaptée par les différentes chanteuses du chœur. Ce chant présente plusieurs particularités :
« Grand frère, grande sœur, je suis égaré. J’ai beaucoup souffert, je suis fatigué. Je suis venu cultiver et la moisson a été bonne. J’ai vendu le produit de ma récolte au lieu de mes terres. Père, j’ai confié la tâche à un homme de confiance (mais qui était en réalité un escroc). Il est venu, nous avons compté l’argent : 60 000, 80 000, 90 000 FCFA. Je lui avais dit de le conserver mais il l’a lui-même confié à un escroc encore plus grand que lui. Quelqu’un a volé cet argent mais ne l’a pas dépensé. Un sorcier est venu prendre cet argent. Cher père, le sorcier est venu prendre cet argent et me maudire. »
Réponse du chœur (selon les femmes) : « Nous sommes perdus / Oncle, nous sommes perdus. »
Lieu & date : Opire. 15 février 1996.
Interprète : Akouna Farma. © Patrick Kersalé 1996-2024.