Communiquer là-bas. Cet espace n’a théoriquement pas d’autres limites que celles liées à la portée acoustique des outils sonores employés ou du mode d’acheminement de la communication (par exemple l’existence de relais). Utilisant toutes sortes de procédés, l’homme cherche ainsi à s’affranchir des distances pour tenter d’établir une relation avec ses semblables ou avec les animaux.
Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 1999-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 15 novembre 2024.
SOMMAIRE
Les outils de communication distante
. Discours ou conversation distante - Viêt Nam - Hmong - Feuille
. Signalement du rémouleur - Portugal - Flûte de Pan
. Annonce de la Semaine Sainte - Mexique - Tarahumaras - Tambours
. Annonce d'une vengeance - Burkina Faso - Dyan - Trompe & sifflet
. Annonce de l’arrivée d’une pirogue - Îles Marquises - Maori - Conque
. Localisation et identification des animaux domestiques - Viêt Nam - Cloches
. Localisation et identification des animaux domestiques - Grèce - Cloches
. Appel à la prière des fidèles musulmans - Égypte - Chant
. Annonce d'un danger - Cambodge - Tambours & cloches
. Mobilisation des guerriers - Rajasthan - Tambour
. Annonce de l'arrivée du Maharajah - Rajasthan - Timbales
. Mobilisation des guerriers - Viêt Nam - Việt - Orchestre
. Éloignement des animaux sauvages - Viêt Nam - Bahnar - Carillon hydraulique
De tout temps, les sociétés traditionnelles ont éprouvé le besoin de communiquer à distance. Pour cela, elles ont créé des outils de “télécommunication”, inventé des organisations sonores et des langages spécifiques. Plusieurs facteurs ont motivé ou favorisé ces développements :
Les besoins de communication à distance peuvent se classer en deux catégories : “pour information” d’une part, “pour action” de l’autre. Dans le premier cas, on annonce à la population des nouvelles (naissance, décès, arrivée d’un visiteur étranger) et, dans le second, on convoque tout ou partie de la population pour des travaux d’utilité collective, pour une battue, une pêche, une bataille…
Voix
Le moyen de télécommunication de base est la voix humaine. Cependant, même si le message a l’avantage d’être concret et compris de toute la communauté, sa portée physique est en revanche relativement faible, de quelques mètres à quelques centaines de mètres selon l’environnement acoustique et le type de phonation. De rares artifices permettent d’améliorer sa portée : forçage vocal, disposition des mains en porte-voix pour canaliser le son par-devant, expression verbale ou chant en voix de tête, c’est-à-dire dans le registre le plus aigu.
Tambours fixes et mobiles
Les tambours sont probablement les outils de télécommunication les plus célèbres. On pourrait, dans le contexte de ce développement, les classer selon leur puissance sonore. Cette dernière est fonction de la taille de l’instrument — généralement plus il est grand, plus sa “voix” porte — mais également de sa technologie. On distingue, parmi les “tambours-parleurs”, deux types d’instruments : les tambours à membrane(s) et les tambours à fente(s) appelés aussi “tambours de bois”. Les uns et les autres sont fixes ou mobiles à l’instar de nos moyens de télécommunication modernes, eux aussi plus ou moins transportables en fonction de technologie et de leur puissance. Ces tambours sont frappés à mains nues ou à l’aide d’un ou deux bâtons.
Cloches
Si l’on connaît bien, en Occident, les grandes cloches de bronze à battant interne installées dans les édifices religieux, les cloches de fer et de bois sont en revanche moins connues. Les cloches en fer à battant externe à deux tons se rencontrent en Afrique noire. Ces instruments sont constitués soit de deux cloches jumelles de hauteurs différentes frappées par un même joueur, soit de cloches indépendantes jouées par deux individus. Ces instruments ont une portée sonore limitée à quelques centaines de mètres.
Les cloches de bois se rencontrent en Asie où elles sont notamment installées dans les pagodes bouddhistes et les temples hindouistes. Leur technologie de fabrication relève de celle des tambours de bois. Contrairement aux tambours à fente(s) qui sont disposés horizontalement ou plantés verticalement, les cloches de bois, de conception similaire, sont suspendues.
Trompes
Presque partout à travers le monde, on utilise les trompes pour communiquer. Ces outils véhiculent, en fonction des populations, un langage codé ou transposé. Les trompes peuvent être en métal, en bois, être fabriquées dans une corne d’animal, une défense d’éléphant, un gastéropode (conque marine), posséder une embouchure terminale ou latérale.
Sifflements
Les sifflements véhiculent soit un signal codé connu de la communauté linguistique ou préalablement défini au sein d’un groupe d’individus, soit un véritable langage calqué sur le langage articulé ou inspiré par lui. On rencontre deux types de sifflements : ceux émis directement avec la bouche — par le jeu d’un positionnement dento-lingal ou avec l’aide des doigts — et ceux utilisant des objets sonores. La plupart des peuples d’Afrique noire utilisent des sifflets a plusieurs trous de jeu et permettant l’émission de sons de hauteurs différentes. Ils sont utilisés par les chasseurs, les cultivateurs, les bergers et les guerriers. En Europe, sur l’île montagneuse de La Gomera, dans l’archipel des Canaries, quelques rares villageois utilisent encore un langage sifflé, le silbo, pour communiquer à distance. Il s’agit d’une transposition de la langue espagnole. L’information est contenue dans la variation de la hauteur du son (voyelles) et dans l’attaque (consonnes).
Portée sonore des outils de communication distante
Le choix d’un outil de communication distante lorsqu’il en existe plusieurs types dans une société donnée, dépend de divers facteurs : son encombrement (pour un transport éventuel), sa puissance sonore, le langage utilisé (code ou transposition du langage articulé).
La “voix” des grands tambours à membrane(s), des trompes, des cloches et des sifflets peut porter à plusieurs centaines de mètres, voire plus d’un kilomètre en terrain plat non réverbérant (savane sablonneuse par exemple), et plusieurs kilomètres en milieu réverbérant (montagnes arides). La portée des tambours de bois, les instruments les plus puissants, atteint plusieurs kilomètres même dans des conditions acoustiques défavorables. Il est important de noter que l’acuité auditive des peuples vivant dans les régions reculées et silencieuses s’avère largement supérieure à celle des populations urbaines.
Pour communiquer sur des distances supérieures à celles mentionnées ci-avant, les sociétés traditionnelles ont organisé des relais de transmission. En effet, pour les villageois, il est aisé de déterminer la provenance d’un message. Si celui-ci concerne des villages ou des individus hors d’atteinte de portée de l’émetteur initial, il est relayé autant de fois que nécessaire jusqu’au destinataire concerné. Ainsi, un message peut parcourir en quelques minutes des distances de plusieurs dizaines de kilomètres !
Structuration des messages
Deux types de messages sont transmis à distance :
Selon le cas, le message est émis une seule fois ou répété autant que nécessaire, sans préalable. Pour certaines transmissions plus élaborées (cas des tambours africains notamment), un “appel” joué plusieurs fois éveille la vigilance des destinataires. Celui-ci a parfois la faculté d’annoncer la nature du message. Vient ensuite le message proprement dit, répété lui aussi plusieurs fois, puis la “fermeture” de la session.
Nos propos consiste maintenant à illustrer par l'exemple comment les hommes et les femmes communiquent à distance avec des outils traditionnels.
Lieu & date : Viêt Nam, vill. Dế Phìn. Durée : 00:55. © Patrick Kersalé 2010-2024.
Les milieux montagneux se montrent propices au développement de la communication distante : la parole et le chant émis à voix forcée, ou encore les sifflements, permettent ce genre d’échange. Discours unilatéral ou conversation, seul le contexte le détermine.
Pour communiquer sur de longues distances, les Hmong utilisent de solides feuilles, véritables anches végétales. Ils les placent entre les lèvres et émettent des sifflements extrêmement puissants – de l’ordre de 110 à 120 décibels à un mètre du siffleur. Ces sifflements dessinent pour l’essentiel les contours de la mélodie de leur langue tonale.
Ainsi, une forme de conversation peut s’établir pour échanger divers types d’informations ou pour s’adresser des messages d’amour.
Dans les reliefs montagneux où vivent les Hmong, la portée de ces sifflements peut atteindre plusieurs kilomètres. Cette performance s’explique par la richesse du spectre en fréquences élevées qui émergent du bruit de fond naturel tout en se jouant des distances. L’essentiel du dessin mélodique tonal ainsi préservé reste compréhensible pour un initié.
Lieu & date : Portugal. Vill. Nazaré. 1991. Durée : 00:52. © Patrick Kersalé 1991-2024.
En Europe Occidentale jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, les marchands ambulants ont utilisé pour communiquer, de petites flûtes de Pan. En Galice et au Portugal, c’était le rémouleur ou le réparateur de parapluie, dans les Pyrénées, le marchand de lait de chèvre, en Rouergue, le chiffonnier et le marchand de tamis ; d’autres encore pratiquaient la castration des porcs. Chacun jouait de son instrument en entrant dans un village pour annoncer son arrivée ; la différenciation de la mélodie permettait alors de déterminer, avec l’habitude, la nature du commerçant.
L’enregistrement de cette pièce rare a été effectué au Portugal, dans le village de Nazaré. « Ce jour-là, le rémouleur mit sur béquilles sa bicyclette sur laquelle il avait installé une meule actionnée par les pédales. Puis il tira de sa poche une petite flûte de Pan monoxyle qui tenait dans le creux de sa main. Il joua invariablement cette même mélodie, sa mélodie, jusqu’à l’arrivée du premier client. »
Les flûtes de Pan monoxyles se présentent sous forme d’une planchette de bois de 1 à 1,5 cm d’épaisseur, dans la tranche de laquelle sont percés des trous de différentes longueurs. Elles constituent une variante plus robuste, pour un usage pastoral ou commercial, de l’instrument aux tubes de roseau ou de bambou juxtaposés.
Lieu & date : Reconstitution sonore : Patrick Kersalé. Paris. 25 octobre 1999. Durée : 01:02. © Patrick Kersalé 1999-2024.
Durant le carême, les indiens Tarahumaras parcourent gorges et vallées en frappant de grands tambours sur cadre (rampori) pour annoncer la Semaine sainte. Les manifestations proprement dites, liées à l’événement, se déroulent dans un périmètre situé à l’extérieur de l’église. Avant la fête, on érige autour d’elle douze grandes arches de branchages. Elles symbolisent les stations du Chemin de croix, adaptation des accidents de la Passion du Christ.
Le Jeudi saint marque le premier jour des festivités, avec le rassemblement des tambourinaires. Le cortège passe tout d’abord sous les arches, suivi par un homme agitant une matraque pour chasser les mauvais esprits qui pourraient encombrer la voie. Les musiciens battent le tambour et certains jouent de la flûte. Il n’y a, à travers ces frappements annonçant la semaine sainte, aucun langage spécifique ; ils sont tout simplement associés à cette période de l’année.
Les tambours, frappés avec des mailloches rembourrées de tissu, sont munis d’un timbre ayant pour rôle de créer une continuité sonore bourdonnante (ce timbre se présente sous la forme d’une cordelette accordable par le jeu d’une cheville, tendue diamétralement et sur laquelle sont enfilées une ou deux perles).
Lieux & date : Vill. de Gblomblora et Bonfesso. Burkina Faso. Burkina Faso. Janvier 2000. Durée : 02:09. © Patrick Kersalé 2000-2024.
Autrefois, dans la culture traditionnelle des Dyan du Burkina Faso, chaque meurtre devait faire l’objet d’une vengeance organisée par la famille et les alliés de la victime, vengeance se transformant de fait en véritables vendettas pouvant durer pendant des années.
Pour partir à la guerre, on réunissait les hommes en soufflant dans une trompe à embouchure latérale faite dans une corne d’antilope. De même, au retour de la guerre, on jouait la trompe en rentrant au village pour informer les villageois. Le type de message véhiculé est ici une transposition du langage parlé.
L'extrait vidéo est un simulacre de vengeance organisé pour les besoins du tournage de GeoZik ; les plus anciens ont déjà participé à de telles vendetta.
Lieu : Nouvelle-Zélande. Ethnie : Maori. Durée : 00:36. © Olivier Lavenant 2024.
Le terme onomatopéique pu) désigne les conques marines en Polynésie. Ce puissant outil de communication annonçait autrefois l’arrivée d’une pirogue ou d’un bateau et lui souhaitait, par la même occasion, la bienvenue. Il servait également à appeler la population pour les différents rituels pratiqués. Si le pũ a aujourd’hui perdu sa vocation originelle, il reste toutefois présent dans le folklore de la culture marquisienne.
Chez les Maori, le pũ désigne la coquille d’un gros gastéropode marin dont on a sectionné l’apex ou percé latéralement la partie supérieure de l’enroulement hélicoïdal. Dans cet enregistrement, deux musiciens soufflent dans la partie terminale d’un triton (Charonia tritonis) appelé putoka aux Iles Marquises.
Lieu & date : Viêt Nam. 1993. Durée : 01:05. © Patrick Kersalé 1993-2024.
Les animaux communiquent, bien involontairement, avec les hommes par l’intermédiaire des cloches que ces derniers leur ont suspendues au cou. Ainsi, la communication ne s’effectue pas uniquement dans le sens homme/animal, mais aussi de l’animal vers l’homme. On peut retrouver une bête égarée et parfois l’identifier individuellement selon les particularités sonores de sa cloche.
En Asie du Sud-Est, ce sont des cloches de bois ou de bambou à battant externe que les propriétaires suspendent au cou de leurs buffles.
Pour une oreille néophyte, les instruments paraissent sonner à l’identique, mais le gardien sait associer le timbre d’une cloche à un animal précis. D’autres éléments, plus subtils que la hauteur de la note émise, tel le nombre de battants internes — variant de un à trois sur ce type de cloche — ou la puissance sonore de ladite cloche permettent à une oreille exercée de reconnaître assurément l’animal.
Lieu & date : Reconstitution par Patrick Kersalé d’après archives. Mai 1997. Durée : 01:16. © Patrick Kersalé 1997-2024.
Il est reconnu que les animaux semblent réceptifs à certaines musiques ou, tout au moins, à certains sons. Le large éventail des instruments pastoraux, les flûtes en particulier, contribue à favoriser l’harmonie entre le berger et son troupeau.
Les bergers grecs savent joindre l’utile à l’agréable : ils suspendent des cloches (kýpri) de bronze au cou de leurs chèvres pour les repérer et utilisent ce fond “orchestral” pentatonique pour accompagner le jeu de leur flûte à bloc (floyera) en bois, en roseau, en os ou en métal, accordée dans la même gamme !
Notons qu’autrefois les cloches suspendues au cou des animaux avaient également pour but d’éloigner les entités spirituelles néfastes.
Lieu & date : Égypte, mosquée al-Mu'ayyad. 7 octobre 2022. Durée : 02:58. © P. Kersalé 2022-2024.
Pour faire une annonce, l’utilisation de la voix humaine semble s’imposer en premier lieu. Toutefois sa portée physique demeure faible : elle s’étend de quelques mètres à quelques centaines
de mètres selon l’environnement acoustique et le type de phonation utilisée. De rares artifices permettent d’en améliorer la portée : disposition des mains en porte-voix pour canaliser le son
par-devant, utilisation d’un plan réverbérant comme un mur ou une falaise, expression verbale ou chant en voix de tête, forçage vocal
comme évoqué ci-dessous. En pays musulman, les muezzins ont coutume d’appeler les fidèles à la prière en chantant. Dans les grandes agglomérations, ils utilisent aujourd’hui des systèmes
d’amplification électronique, mais dans les petits villages, ils se postent encore à l’entrée de la mosquée ou mieux, sur le faîte du minaret afin que leur voix rayonne tout autour de
l’édifice. Ils n’utilisent aucun artifice particulier si ce n’est une technique de voix tendue ou forcée.
Dans cette vidéo, le muezzin est tourné vers le mihrab مِحْراب.
Il place ses mains en cuillère derrière les oreilles pour profiter en retour du son renvoyé par le dispositif architectural concave. Cette pratique est commune autour du bassin méditerranéen.
Lieu & date : Cambodge, vill. Siem Reap. 2021. Durée : 00:55. © Patrick Kersalé 2021-2024.
Le 23 mars 2021, le Premier Ministre du Cambodge, Hun Sen, relayé par le Ministère des Cultes et des Religions, a invité tous les monastères du pays à frapper les instruments dont ils disposaient cinq fois par jour (5h, 11h, 14h, 17h et 20h), à savoir tambours, gongs et cloches, afin d'appeler le peuple à la vigilance face la pandémie du COVID 19 et ce, jusqu'à la fin de la vague épidémique déclenchée le 20 février à Phnom Penh. Cette campagne avait pour but de maintenir les Cambodgiens vigilants afin qu'ils suivent strictement les “3 choses à faire et 3 choses à ne pas faire” : porter un masque, se laver les mains, maintenir une distance physique de 1,5 mètres, éviter les espaces clos, les lieux bondés, ne pas se toucher ni s’embrasser. Nous rapportons ce fait sur ce site car de telles occasions sont (fort heureusement) rares et rappellent à chacun l'objectif premier de ces outils sonores.
Aux côtés des grands médias et des réseaux sociaux, les instruments ancestraux de communication distante font leur réapparition. Si les bouddhistes ont l'habitude de les entendre au quotidien lorsqu'ils appellent les moines à la prière ou pour les repas, ils n'ont en revanche pas l'habitude d'entendre simultanément.
Ici, au Vat Reach Bo de Siem Reap, quatre moines frappent, selon trois sessions traditionnelles, deux grandes cloches de bronze rokeang រគាំង et deux tambours skor yeam sous les ordres vocaux d'un cinquième moine puisque les deux paires d'instruments sont distants d'une soixantaine de mètres.
Lieu & date : Inde, Rajasthan, Jodhpur, fort de Mehrangar. Novembre 1996. Durée : 01:48. © Patrick Kersalé 1996-2024.
L’organisation militaire des sociétés traditionnelles a été depuis longtemps mise à mal par les structurations étatiques et l’emploi des armes modernes. Si la qualité de l’armement, de la stratégie et la bonne préparation des hommes représentaient les éléments essentiels de la réussite d’une bataille, l’adéquation des moyens de communication était une des clés de la victoire. En cas d’attaque, le rassemblement de l’effectif dans un moindre délai devenait primordial. Les villages étant souvent disséminés sur de vastes territoires, les outils de communication se devaient d’être puissants, les protocoles concis et précis, les éventuels relais de transmission rapides.
Autrefois au Rajasthan, pour rassembler les guerriers, on utilisait un grand tambour cylindrique (ḍhol) en bois, en fer ou en laiton. Aujourd’hui, ce type d’instrument s’utilise essentiellement au cours de festivités.
Le thalī, petit gong plat en laiton servant ordinairement de plat pour la nourriture, accompagne souvent le ḍhol.
Le diamètre de ce dernier atteint fréquemment 80 cm. Ce membranophone comportent deux peaux de chèvre pour les petits modèles et deux peaux de vache pour les grands. Elles sont reliées par un système de laçage en Y dans lequel passent des anneaux métalliques permettant leur accordage à deux hauteurs différentes. La peau la plus
grave, à main droite (nar : mâle) est lestée par un mélange de cendres, de limaille et d’huile collé en son centre, à l’intérieur du tambour et se frappe avec un bâton courbé. La plus aiguë, (mādā : femelle) se joue avec la paume de la main gauche tandis qu'un autre percussionniste intervient sur cette même membrane à l’aide de deux petites baguettes.
Musiciens : Iqbal Khan (naqqara), Deedar Khan (shehnai).
Lieu & date : Union indienne, Rajasthan, vill. Jodhpur. Février 2006.
Durée : 00:57. © Patrick Kersalé 2006-2024.
Le naqqara नक़्क़ारा est un tambour hémisphérique joué par paire avec deux baguettes. Les deux instruments ont une taille différente : le grand est “mâle” et le petit “femelle”. Au cours du jeu, les deux peaux sont disposées l’une en face de l’autre selon un angle inférieur ou égal à 90°, permettant notamment au joueur d’effectuer des roulements entre les deux instruments. Le diamètre des peaux varie de 40 à 110 cm selon l’usage. Les plus grands sont des instruments fixes installés dans les temples hindous et servant d'avertisseur.
Autrefois tambour de guerre, aujourd’hui instrument de parade. On le rencontre également dans les temples et dans l’instrumentarium de certains groupes tribaux.
Lieu & date : Viêt Nam - Vill. Phú Phồng. 17 mars 1998. Musiciens : Đǎm Công Lâp, Nguyễn Thị Thuân, Nguyễn Xuân Hổ. Durée : 01:34. © Patrick Kersalé 1998-2024.
Au Viêt Nam, au XVIIIe siècle, le roi Quang Trung (ou Nguyễn Huệ (1753-1792) fondateur de la dynastie Tây Sơn) avait, pour rassembler et stimuler ses guerriers, un orchestre composé, entre autres, de douze tambours joués par un unique tambourinaire. Chacun représentait symboliquement un animal du calendrier lunaire chinois. Depuis cette époque, la descendance familiale du tambourinaire originel a perpétué la tradition et conservé ce savoir-faire comme un trésor familial. Les douze tambours sont organisés en trois groupes : cinq grands tambours (trống cái), quatre tambours moyens (trống trung), trois petits tambours (trống con). On trouve ici, à côté de cet ensemble de percussions, un hautbois (kèn) et une paire de cymbales (chũm chọe).
Bien entendu, cet ensemble instrumental n’est plus utilisé aujourd’hui en situation réelle mais présenté comme un témoignage du passé.
Lieu & date : Viêt Nam - Vill. Kontum. Ethnie Bahnar. Mars 1998. Reconstitution du carillon hydraulique à l’initiative de R.P. Binh. Durée : 01:01.
© Patrick Kersalé 1998-2024.
Si l’on rencontre, à travers le monde, de nombreux types d’épouvantails sonores mus par le vent ou l’eau, le plus extraordinaire de tous se présente sous la forme d’un carillon hydraulique en bambou. On le rencontre chez quelques minorités ethniques du centre du Viêt Nam : Jörai, Bahnar, Sedang, Êđê. Cet instrument avait peut-être aussi, autrefois, pour autre objectif, d’éloigner les mauvais génies.
Le carillon hydraulique est constitué d’une superstructure pouvant atteindre une trentaine de mètres de longueur à laquelle sont suspendus des dizaines de tubes de bambou accordés entre eux et reliés par une unique cordelette. À l’une des extrémités de celle-ci, est attaché un tube de bambou, positionné horizontalement, collectant l’eau d’un ruisseau, et à l’autre extrémité, un contrepoids en pierre.
Lorsque le bambou collecteur est plein, il bascule et se vide, rappelé par le contrepoids, et le cycle recommence. Les bambous suspendus sont ainsi mus sous l’action de l’eau selon un rythme immuable. À chaque cycle, chaque bambou mobile vient percuter un battant fixe également en bambou. Le tout est réglé comme une horloge de manière à créer une mélodie cyclique et régulière. Si une ficelle vient à casser, le fabricant s’en aperçoit immédiatement du fait de la modification de cet air invariable. Chez les Bahnar où a été enregistré ce carillon, il est nommé ding dring ou encore gring-grông, terme onomatopéique imitant le bruit du va-et-vient des bambous.
Lieu & date : Reconstitution sonore par Alexandre Bartos & Patrick Kersalé - France - Vill. Grézieu-La-Varenne (69). 1998. Durée : 00:57. © Patrick Kersalé 1998-2024.
Utilisé dans de nombreux endroits du monde pour simuler la voix des esprits ou des ancêtres, le rhombe est connu depuis la préhistoire en Europe. Au début du siècle, on l’utilisait encore pour chasser les oiseaux des récoltes.
Le rhombe est classé parmi les instruments à air ambiant. Il est constitué d’une planchette oblongue attachée au bout d’une ficelle. Le jeu consiste à imprimer à la planchette une double rotation : d’une part une auto-rotation et d’autre part un tournoiement au bout de la ficelle. Au cours de cette double action, la ficelle se vrille dans le sens imprimé au démarrage puis, lorsqu’elle arrive à sa torsion maximale, la planchette s’immobilise une fraction de seconde, change de sens et ainsi de suite.
Le rhombe est répandu à travers le monde et son rôle ne se cantonne pas à effrayer les animaux sauvages.
Décomposition de la rotation du rhombe.
© Patrick Kersalé 2010-2024.
Lorsque la cordelette arrive à son point de torsion maximum (fin de a), le rhombe s'arrête un instant et change de sens (b) et ainsi de suite. Le parapluie s'inverse entre a et b. Schéma : © Patrick Kersalé 2010-2024.
Vue de dessus : décomposition de l'autorotation du rhombe.
Schéma : © Patrick Kersalé 2010-2024.