SOMMAIRE
. Stimulation du battage du fonio - Burkina Faso - Siamou - Balafon
. Stimulation des lutteurs - Mali - Dogon - Tambour-sablier
. Stimulation des lutteurs - Burkina Faso - Gan - Sifflet
. Stimulation des guerriers - Gambie - Harpe-luth & chant
. Stimulation de la joute des bœufs - Burkina Faso - Gan - Flûte
. Laos - Katu - Flûte à gamme naturelle
. Viêt Nam - Xa Pho - Flûte nasale
. France, Bretagne - Chants à danser
. France, Provence - Galoubet-tambourin
. Burkina Faso - Touareg - Chant & frappements de mains
. Centrafrique - Pygmées Aka - Chant polyphonique
. Jordanie - Bédouins - Onomatopées
. Jordanie - Bédouins - Chant & tambours
. Jordanie - Bédouins - Chant, luth & tambour
. Italie - Orchestre de flûtes de Pan
. Bolivie - Aymaras - Orchestre de flûtes de Pan
. Rajasthan - Orchestre des Sarangiya Langa
Lieu & date : Burkina Faso - Prov. Kenedougou - Vill. Orodara. Février 1996. Musiciens : Broureïma Diabaté, Oumar Diabaté, Kam Diabaté, Yaya Diabaté, Ali Diabaté. Durée : 02:06. © P. Kersalé 1996-2024.
Cet enregistrement propose une pièce de l’ethnie Siamou du Burkina Faso destinée à encourager le battage du fonio, une petite céréale très prisée en Afrique de l’Ouest. L’instrument pivot est un xylophone sur cadre (semɛ̃ ɲɛl) avec résonateurs en calebasse. Il possède dix-huit lames de bois montées sur un châssis parallélépipédique, habilement formé par deux losanges superposés.
Dans cet extrait, le xylophone est joué simultanément par deux musiciens se faisant face ; ils portent des sonnailles métalliques (sɛ̃sɛ̃) aux poignets (les Siamou peuvent même jouer à 3 ou 4 sur un même balafon).
L’orchestre est également composé de deux tambours cylindriques à deux membranes (dundum) et de deux cloches métalliques à battant externe (kɛ̃gɛ).
Comme le xylophone possède un statut sacré et qu’il est relativement fragile, les jeunes musiciens s’entraînent de préférence sur un instrument sur fosse. Le résonateur, constitué d’un trou parallélépipédique, s’étend sous toute la longueur des lames ; sa largeur et sa profondeur sont d’une vingtaine de centimètres. Les lames, rendues solidaires par ficelage, sont attachées à des piquets fichés dans le sol.
Lieu & date : Mali - Cercle de Bandiagara - Vill. Bongo. 29 février 1996. Musiciens : Auguré Dolo, Sagou Dolo, Ogobéné Dolo. Durée : 01:18. © P. Kersalé 1996-2024.
Chez les Dogon du Mali, tout comme dans une large partie de l’Afrique occidentale, les garçons et les jeunes gens pratiquent la lutte rituelle. La règle consiste à faire tomber son adversaire sur le dos ou le ventre. Certains grands lutteurs parviennent à étendre leur réputation aux confins de leur ethnie ou mieux encore, à faire passer leur nom à la postérité.
Les supporters convoquent et encouragent les lutteurs en frappant avec une baguette un tambour en bois (gómbòy) en forme de sablier à deux peaux tendues par un jeu de lanières de cuir. Ce dispositif justifie son appellation de “tambour à tension variable” ou encore de “tambour parleur”.
En effet, en pressant avec plus ou moins de force les lanières de cuir contre le flanc, on fait varier la tension de la peau et, par conséquent, la hauteur tonale. On évitera l’appellation courante en occident de “tambour d’aisselle”, car même s’il est souvent joué dans la position indiquée par cette terminologie, d’autres manières de jouer existent fréquemment. Ce tambour, répandu dans toute l’Afrique occidentale, représente l’instrument de communication par excellence, compte tenu de l’étendue de sa tessiture, susceptible de reproduire les tonalités et/ou les phonèmes du langage parlé. L’ensemble est ici constitué de trois tambours : un gómbòy dagi (petit modèle) et deux gómbòy nà (grands modèles).
Lieu & date : Burkina Faso - Prov. Poni - Vill. Obiré. Octobre 1997. Musicien : Koffi Farma. Durée : 00:51. © P. Kersalé 1997-2024.
En Afrique, la lutte rituelle, pratiquée par les enfants et les jeunes gens de quartiers ou de villages rivaux, se déroule au milieu d’une aire délimitée par les spectateurs qui encouragent ou conspuent les lutteurs.
Avant de s’affronter, les protagonistes font plusieurs fois le tour de l’espace ainsi délimité et paradent en s’observant. Le combat lui-même peut ne durer que quelques secondes.
Chez les Gan du Burkina Faso, on encourage les lutteurs avec un sifflet (kᴐrɔ̃sɩ). Il s’agit d’une flûte en bois à embouchure terminale, dotée de trois trous de jeu. Deux de ces trous se situent latéralement et de manière opposée à environ deux centimètres sous l’embouchure et le troisième à la base de l’instrument.
Malgré l’aspect rudimentaire de sa facture, cet instrument offre des possibilités et des performances sonores tout à fait intéressantes qui en font une flûte de signalement et de communication transposant le langage parlé.
Lieu & date : Paris. 1993. Musicien : Kemba Sussoko. Durée : 01:41. © P. Kersalé 1993-2024.
Ce chant, nommé tchedo, a longtemps fait partie du répertoire traditionnellement interprété par les griots pour encourager les familles Sané, Mané, Sania et Sonko lorsqu’elles partaient au combat. La kora est l’instrument emblématique des griots mandingues de Gambie et du Sénégal, plus rarement celui du Mali, de Guinée et du Burkina Faso.Il s’agit d’un instrument dont la caisse de résonance, constituée d’une demi-calebasse, est couverte d’une peau de vache. Résultat d’un perfectionnement (attribué au griot légendaire Jali Madi Wuleng) du donso n'gɔ́ni, la kora compte 21 cordes de nylon réparties en deux rangées parallèles.
Selon la classification organologique, la kora est une harpe-luth car elle possède à la fois certaines caractéristiques du luth (manche droit) et de la harpe (cordes perpendiculaires au résonateur).
Dans cette pièce en langue mandinka, on entend nettement le frappement des doigts du musicien contre les deux montants de bois (kalo) de sa kora, imitation du pas des chevaux des guerriers qu’il louange.
D’une manière générale, les pièces musicales présentent, à l’instar du jazz, une exposition du thème (kumbengo), suivie d’un développement fondé sur l’improvisation et l’ornementation (birimitengo).
Lieu & date : Burkina Faso - Prov. Poni - Vill. Obiré. 17 décembre 1996. Musicien : Assoro Farma. Durée : 00:49. © P. Kersalé 1996-2024.
De même que les hommes sont stimulés dans leur travail ou leurs réjouissances, il existe une sorte de rituel d’encouragement destiné aux animaux mis en scène lors de combats. La plupart du temps, ces joutes représentent l’aboutissement sciemment exploité de conflits existant naturellement entre les animaux.
Cette pièce, jouée avec une flûte à embouchure latérale en bambou, à deux trous de jeu (bᴐᴐfere), accompagne un combat de bœufs. Il ne s’agit pas là, à proprement parler d’une mélodie, mais de la transposition d’un message parlé sur la flûte. Voici l’essentiel du contenu de cette parole : « Bœuf noir, sois valeureux, bœuf rouge, sois valeureux... »
En fait, les occasions de distraction sont rares
lors des longues heures de garde des troupeaux, et l’existence de ces joutes, tout comme le recours à la flûte pour les encourager, le cas échéant, rompent la monotonie du quotidien.
Lieu & date : Slovaquie. Vill. Brezno. Musiciens : Jozef Libica, Ladislav Libica, Miroslav Libica. Mars 1994. Durée : 01:27. © P. Kersalé 1994-2024.
Il serait pour le moins hâtif de faire de la “musique passe-temps”, une activité dénuée de toute fonction de communication. En réalité, ces musiques se trouvent bien souvent au carrefour de formes concertantes, du jeu, de la fête, de la relation avec la nature ou avec les animaux domestiques, de la cour d’amour... Il paraît même évident de dire que la plupart de ces musiques entretiennent un rapport direct avec les activités champêtres ou pastorales. Pour s’en convaincre, il suffit de recenser le nombre d’instruments dits primitifs, restés comme tels ou ayant évolué vers des formes plus élaborées, nés entre les mains des bergers.
En Slovaquie, la fujara symbolise, à elle seule, toute la culture aussi bien populaire que traditionnelle C’est un instrument unique par sa taille (jusqu’à 1,80 m de longueur hors tout !), sa facture, son usage artistique et son caractère sonore.
Originellement flûte de berger, elle semble tomber quelque peu en désuétude entre 1950 et 1965 en raison d’un certain recul de la culture et de la tradition rurales. Peu après 1965, profitant de la redécouverte du métier de berger, de l’engouement occidental pour toutes les cultures traditionnelles, elle connaît une véritable renaissance.
Sur le plan organologique, il s’agit d’une flûte à conduit aménagé (type “à bloc”) disposant d’un embouchoir latéral fixé par une courroie de cuir. L’air qui débouche dans le tuyau mélodique est alors dirigé vers un biseau. Les trous de jeu, espacés régulièrement, sont au nombre de trois. De perce légèrement conique, l’instrument se tient contre le corps sans que sa base ne touche le sol. Le matériau utilisé, un bois mi-tendre (en général du sureau, mais aussi du frêne, de l’érable ou du saule), se prête bien aux riches décorations par gravure et teinture à l’acide (coloration brun jaune) ou par incrustation de fils de laiton et de vernis brun foncé.
La couleur sonore typique de la fujara est essentiellement due aux multiples partiels — obtenus par la variation de l’intensité du souffle — composant les notes mélodiques. Sur son ambitus d’environ trois octaves, seule la moitié seulement s’avère utilisable. Un effet sonore particulier (rozfuk) est produit lors de la mise en jeu ; il s’agit d’un enchaînement rapide des partiels, du plus aigu au plus grave. Par cet artifice, le musicien fait valoir les qualités acoustiques spécifiques de l’instrument.
La fujara s’accorde selon un mode ancien caractéristique : ré2, mi, fa#, sol, la, si, do, ré3. On y interprète des mélodies mixolydiennes au caractère mélancolique, bucolique, rhapsodique, d’un pathétique exagéré proche des chants de brigands qui ont eu une influence importante sur la musique classique slovaque du siècle dernier.
Le modèle de base reste cependant une musique tonale et uniforme pour le rythme, les formules et le parcours mélodique. Autrefois instrument soliste des bergers des montagnes slovaques, la fujara jouit désormais d’un grand prestige. Des concours musicaux ont conduit les interprètes à jouer en ensembles comme dans cet exemple qui regroupe trois flûtes.
Voici les caractéristiques générales qui se dégagent des chants de cette région :
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© Sylvie Pinkava 2024.
Lieu & date : France - Paris. 1991. Musicien : Ștefan Popescu. Durée : 01:06. © P. Kersalé 1991-2024.
Connues sous le terme générique ”ocarina”, les flûtes globulaires se rencontrent dans le monde entier. L’instrument possède un corps plus ou moins important de forme ovoïde ou zoomorphe, plus rarement anthropomorphe. S’il est le plus souvent fabriqué en argile, on en trouve aussi de nombreuses variétés confectionnées avec l’écorce de certains fruits secs, avec de petites calebasses, des os, du bois (Amérique précolombienne) et même de la porcelaine (Chine). Muni d’un bec ou d’un simple trou dans lequel on souffle comme dans le goulot d’une bouteille, l’ocarina émet un son doux, peu chargé en harmoniques.
Les plus anciens témoignages de cet instrument connus remontent à environ 5 000 ans AEC. Nous signalerons, à titre anecdotique, deux modèles particuliers. Dans le premier, on met de l’eau et en soufflant, le son modulé par le déplacement du liquide imite le chant de l’oiseau (rossignol à eau). Le second, plus “éphémère”, se réalise en joignant les deux mains en cuillère et en soufflant dans l’interstice entre les pouces (imitation du hululement de la chouette).
L’ocarina roumain de cet enregistrement, passe-temps du berger, possède un bloc à conduit et dix trous de jeu. Originellement pastoral, les orchestres folkloriques roumains d’aujourd’hui utilisent l’ocarina dans un registre virtuose.
Lieu & date : Laos - Vill. Ban Kandon. 06 mars 1999. Musicien : M. Saven. Durée : 01:23. © P. Kersalé 1999-2024.
Essentiellement pratiquée dans un contexte pastoral, cette flûte (pan arang) a été enregistrée chez les Katu au sud du Laos. Il s’agit d’un instrument à embouchure latérale sans conduit d’air aménagé, composé d’une section de bambou ouverte aux deux extrémités, sans nœud, sur une longueur de 1,20 m et dont le trou d’insufflation se situe au milieu du tube. Les diverses notes obtenues résultent d’une habile combinaison entre les variations de la pression de l’air insufflé et l’obturation totale ou partielle d’une des extrémités du tube. Le rapide mouvement de la main située à cette extrémité permet à l’interprète d’obtenir des modulations qui offrent le caractère si particulier de cette musique.
Ce type de flûte est généralement appelée “flûte à gamme naturelle”, terminologie appropriée que “flûte harmonique” ; elle est constituée d’un tube long et étroit dans lequel on souffle en modulant sa puissance afin d’obtenir des notes plus ou moins aiguës. On insuffle l’air avec la bouche (plus rarement avec le nez) soit à travers un conduit aménagé, installé à l’extrémité du tuyau, soit dans un trou pratiqué en position terminale ou latérale.
Pourquoi le terme “harmonique” est-il impropre dans le cas de cette flûte ? Simplement parce que l’harmonique est un composant du son alors que cette flûte produit des “partiels”, eux-mêmes formés d’harmoniques. S’il fallait lui donner une autre appellation générique, on préférerait peut être la for- mule flûte “à gamme naturelle” puisque les notes émises résultent directement des lois physiques régissant la production sonore dans un tuyau.
Lieu & date : Viêt Nam - Prov. Yên Bái - Dist. Vǎn Yên - Vill. Châu Quế Thượng. 25 mars 1999. Musicienne : Dang Thi Thanh. Durée : 01:02. © P. Kersalé 1999-2024.
Les femmes de l’ethnie Xa Pho du nord du Viêt-nam jouent, pour leur plaisir, une flûte à embouchure terminale (kukê) dans laquelle elles soufflent avec le nez (d’où l’appellation de flûte nasale).
Constituée d’une section de bambou d’une cinquantaine de centimètres de long, cette flûte dispose à son extrémité nodale supérieure d’un trou de 2 à 3 mm de diamètre et de deux trous de jeu latéraux situés vers son extrémité inférieure.
Pour jouer, la musicienne place l’orifice terminal perpendiculairement au souffle de l’une de ses narines, tout en bouchant l’autre avec le pouce afin d’augmenter la pression de l’air. En fonction de la puissance de son souffle, elle produit plusieurs partiels qu’elle a tout loisir de contrôler ou d’altérer à l’aide des deux trous de jeu.
Notons que le son émis est de faible intensité mais notablement amplifié par la proximité de prise de son.
Ce type d’instrument existait autrefois en Polynésie et en Micronésie, mais sa pratique est aujourd’hui devenue très rare car les rites auxquels on l’associait ont disparu (peut être également en raison de ses performances sonores limitées !).
Lieu & date : Rajasthan - Vill. Jaisalmer. 27 octobre 1996. Musicien : Dana Ram Bheel. Durée : 01:54. © P. Kersalé 1996-2024.
Les bergers du Rajasthan, particulièrement ceux des régions pakistanaises du Sind et du Baloutchistan, jouent le narh pour leur seul plaisir. Il s’agit d’une flûte à embouchure terminale avec conduit d’air non aménagé disposant de quatre trous de jeu équidistants.
Elle se tient obliquement en position de jeu. Comme il n’existe ni bambou ni roseau ou autre canne dans ces régions désertiques, elle est fabriquée avec une plante arbustive nommée sacco kangor ou bien, plus rarement, avec un tube de métal.
Compagne du berger, elle se pare, comme une jeune mariée, d’accessoires et de motifs teintés de rouge.
Dans cet enregistrement réalisé au Rajasthan, le musicien superpose un bourdon de gorge à la mélodie.
Lieu & date : Jordanie - Wadi Rum. 08 novembre 1997. Musicien : Hisham Abu Muatig. Durée : 02:04. © P. Kersalé 1997-2024.
Bien que rarement présente dans cette région, cette lyre simsimiyya, enregistrée en Jordanie chez les Bédouins, constitue une survivance des instruments de l’Égypte antique. D'ailleurs, elle se rencontre encore dans ce pays (dans la région de Suez et au Sinaï) ainsi qu’en Arabie Saoudite (sur la Côte de la Mer Rouge) et au Sud du Yémen. Il s’agit d’une lyre asymétrique, à caisse de résonance trapézoïdale en bois, comportant six cordes métalliques grattées avec un plectre.
Si l’instrument semble avoir connu autrefois un lien avec les activités maritimes autour de la Mer Rouge, il est, aujourd’hui, essentiellement utilisé comme instrument d’accompagnement occasionnel et ludique.
Lieu & date : Myanmar. Théâtre de Marionnettes de Mandalay. Décembre 2005. Musiciens : Cho Mu Win (harpe), U Thein Mg (percussions). Durée : 02:38. © Patrick Kersalé 2005-2024.
La harpe arquée saung gauk était autrefois attachée à la tradition des dynasties royales bouddhistes de Birmanie. L’instrument contemporain possède seize cordes. Si cette forme de harpe à caisse de résonance naviforme a existé dans un passé très ancien chez les Assyriens et les Egyptiens et plus récemment en Corée, en Chine, en Inde et au Cambodge, elle ne subsiste plus qu’au Myanmar.
Son répertoire de base comporte treize kyo (littéralement “corde”), chants remontant probablement au début du XIVe s., composés dans le plus ancien des quatre systèmes d’accords de la harpe : hnyin lon. Aujourd’hui, ce répertoire s’est élargi et compte plusieurs centaines de pièces contenues dans deux anthologies imprimées (Maha Gi ta et Gi ta Wi thaw dani).
Ces chants relèvent des catégories suivantes : anciens chants de cour birmans, chants d’origine thaï, chants pour le culte des esprits, complaintes, chants d’amour, chants saisonniers. Si l’ensemble des textes répertoriés se transmet par la tradition écrite, les mélodies, en revanche, sont véhiculées oralement.
Compte tenu de la disparition des cours royales, la harpe a pris aujourd’hui, le statut d’instrument de concert ou de simple divertissement. La pièce ici proposée était autrefois spécialement interprétée lors de l’édification d’un nouveau palais.
Lieu & date : Mongolie. Août 2005. Durée : 06:25.
. Chant mongol : Bayatbaatar Davaasuren. © Éditions Lugdivine, Bernard Fort 2005-2024.
. © Autres séquences : Éditions Lugdivine, Patrick Kersalé 2005-2024.
La technique du chant harmonique, également qualifié de diphonique, permet l’émission simultanée de deux sons par un même interprète. Ce dernier est capable de produire un fondamental fixe, avec une voix de gorge, et des harmoniques chantées mélodiquement. Il existe de nombreuses déclinaisons de ce procédé dans le monde : Mongolie, Tibet, Touva, Bachkirie, Khakassie, Inde du Nord, Afrique du Sud…
La technique, dite “à double cavité”, s’appuie d’une part sur le retournement de la langue, la pointe se déplaçant sur le palais selon l’harmonique souhaité et d’autre part, sur l’ouverture plus ou moins grande de la bouche. L’un et/ou l’autre de ces artifices peuvent être utilisés. Une émission puissante requiert une parfaite technique de respiration abdominale.
Si, en Asie Centrale, le chant diphonique fait aujourd’hui l’objet de grands rassemblements et de concours, il était autrefois lié à la relation entretenue par l’homme avec la nature. Chanter constituait probablement un moyen d’exalter la beauté des steppes et des hautes montagnes.
À Touva, certaines légendes racontent que les premiers chanteurs qui utilisaient la diphonie cherchaient à reproduire les sons de la nature : gazouillement de l’eau, sifflement du vent… Aujourd’hui, certains interprètes expérimentés imitent à s’y méprendre le son de la flûte. Autrefois, les femmes pensaient que la pratique du chant diphonique risquait de les rendre stériles. Cette tendance a plus ou moins disparu et, désormais, de plus en plus de femmes l'exercent avec talent.
Dans ce chant d’illustration, se succèdent trois aspects du chant diphonique :
Lieu & date : Slovaquie - Vill. Hel’pa. 29 août 1997. Chanteurs : Chœur d'hommes de Hel’pa. Durée : 00:51. © P. Kersalé 1997-2024.
En Slovaquie centrale, région propice à l’élevage et à l’exploitation forestière, un riche répertoire pastoral a pu se développer, nourri de différentes influences dues aux vagues migratoires des bergers venus d’Ukraine, de Pologne, de Transylvanie, de Serbie et de Moravie entre le XIVe et le XVIIIe siècle. Aujourd’hui encore, des bûcherons y pratiquent un travail traditionnel dans lequel les arbres sont débardés avec des chevaux. Ce chant est interprété par un chœur d’une dizaine de bûcherons. Dans les cas les plus simples, une voix émerge du groupe pour réaliser un parallélisme à la tierce supérieure. Cependant, les croisements entre les voix sont fréquents, deux voix se confondant parfois en une seule.
L’enchevêtrement des parties ne permet pas toujours de distinguer une mélodie principale.
Le groupe compte un soliste dont les interventions peuvent être ainsi répertoriées :
Ces chants, repris par les groupes folkloriques, sont interprétés au cours des festivals ou en famille et entre amis lors de moments conviviaux.
Dates : entretien : avril 2010 ; autres images : 2009 & 2010.
Durée : 14:18. © Patrick Kersalé 2009-2024.
Transcendant la pauvreté, les hommes ont développé, à travers les âges, des formes de musiques à danser utilisant des moyens rudimentaires, ainsi qu’un nombre restreint d’instruments ou d’intervenants. Mais la musique à danser requiert une continuité sonore et rythmique. Serait-ce alors la quadrature du cercle ? Assurément non ! En Bretagne, par exemple, grâce à une astucieuse technique, deux voix peuvent même suffire à faire danser une foule ; cette forme de chant, nommé kan ha diskan (litt. “chant et contre-chant”), utilise la technique du tuilage pour entretenir la continuité mélodique et rythmique. Chaque chanteur reprend alternativement soit le dernier mot, soit le dernier groupe de mots de son partenaire avant de poursuivre la phrase, permettant ainsi à l’interprète prédécesseur de reprendre son souffle.
Aujourd’hui encore, dans les festou-noz de Bretagne, grâce à cet ensemble à économie de moyens, on danse des heures durant.
Lieu & date : Bulgarie - Vill. Boyadjik. 08 juin 1994. Gospodin Stoianov Philipov. Durée : 01:54. © P. Kersalé 1994-2024.
Parfait exemple de jeu musical à économie de moyen, la cornemuse présente tous les ingrédients nécessaires pour animer seule la danse.
La cornemuse bulgare gajda, de type “oriental” (commun à l’Europe de l’Est), possède un tuyau mélodique pourvu d’une anche simple battante type clarinette). Cette disposition la différencie de la plupart des cornemuses
d’Europe occidentale dont le tuyau mélodique est muni d’une anche double (type hautbois). La gajda ne comporte qu’un bourdon, distinct du tuyau mélodique. Tous les deux sont dépourvus de pavillon. Ce même type instrumental se rencontre chez la plupart des peuples balkaniques.
Une outre de chevreau ou de chèvre, gonflée par le souffle du musicien, constitue le réservoir d’air et assure la continuité sonore. La peau, rasée très court, est retournée puis ligaturée à hauteur de l’arrière train, dissimulant ainsi les pattes postérieures. Le tuyau mélodique occupe l’emplacement du cou de l’animal, tandis que le bourdon et le porte-vent se placent.au niveau des pattes antérieures.
Le tuyau mélodique compte au total huit trous (sept trous de jeu antérieurs et un trou postérieur, pour le pouce).
Le jeu, à la fois mélodique et rythmique, est richement ornementé et l’accompagnement assuré par le bourdon1.
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1. © Marie-Barbara le Gonidec 2024.
Lieu & date : France. Châteauneuf-de-Gadagne (Vaucluse). Juillet 2002.
Durée : 03:40. Contexte : Récital public dans l’église du village.
© P. Kersalé 2002-2024.
Depuis le Moyen-Âge, l’indissociable couple instrumental galoubet-tambourin, emblématique serviteur de la farandole provençale, s’est imposé, avec des fortunes diverses dans le paysage musical. Un tel succès s’explique en partie par le fait qu’un seul musicien suffit pour jouer simultanément la mélodie et l’accompagnement rythmique. Le galoubet-tambourin aurait pu détrôner l’accordéon qui partage cette même caractéristique, mais il n’en est rien.
La flûte à conduit aménagé, dotée de trois trous, se joue de la main gauche et le tambourin avec la main droite. Le jeu mélodique de la flûte est chromatique sur un ambitus d’une douzième.
Le tambourin possède un fût cylindrique à double membrane à tension réglable. Il est muni d’un timbre de chanvre ou de boyau tendu diamétralement sur la peau de frappe. Ce dispositif contribue à accentuer la continuité sonore et à remplir l’espace grâce à son effet de bourdonnement.
Autrefois, le tambourinaire remplissait la fonction de musicien à tout faire. S’il faisait avant tout danser, il conduisait aussi les fidèles en procession lors de pèlerinages, assurait la musique des joutes marines, des noces, des concerts, du carnaval, de la maye (fête de printemps consacrée aux jeunes filles)…
Lieu & date : Burkina Faso - Prov. Oudalan - Camp. près de Darkoye. Octobre 1997. Durée : 01:32. © P. Kersalé 1997-2024.
Ce chant de fête des Touareg du Nord du Burkina Faso mêle voix d’hommes et de femmes. Il est un très bel exemple d’antiphonie homophonique à ostinato. On remarquera les frappements de mains syncopés, eux aussi réalisés par les deux parties du groupe sous forme de hoquet. L’écoute stéréophonique permet d’ailleurs d’en déceler les deux provenances. Pendant que le chœur chante et frappe des mains, un soliste intervient discrètement ; sa voix est à peine perceptible.
Lieu & date : Centrafrique. Pygmées Aka - Camp. Karawa. 16 septembre 1991. Durée : 01:36. © P. Kersalé 1991-2024.
Pour trouver de nouveaux territoires de chasse, les Pygmées Aka nomadisent dans la forêt. Lorsqu’ils changent de campement, ils abandonnent leurs instruments de musique. Charge inutile, ils les reconstruiront plus tard. Quant aux tambours qu’ils utilisent, ils leur sont concédés par les Grands Noirs qui partagent bien souvent leurs campements.
Ce chant polyphonique a une simple fonction de divertissement ; conduit par un “meneur” tenant le hochet (sòkò ou jake-jake), deux tambours coniques à une seule membrane (mòkíndá) l’accompagnent. Le chant ne peut être dissocié de la danse, exécutée ici comme une marche lente en cercle. Les hommes et les jeunes garçons sont séparés des femmes et des fillettes. Chaque groupe évolue sur une moitié de la ronde.
Afin que toute la communauté du campement puisse participer, les femmes portent les enfants qui ne marchent pas encore. D’un tempérament plutôt joueur, les Pygmées ne manquent jamais une occasion de faire la fête. et de nombreuses activités s’accompagnent de chants et de danses, comme la collecte du miel et la chasse...
Il peut également s’agir de s’attirer la bienveillance des esprits ou de les remercier pour leurs bienfaits. Quant aux chants individuels, ils fusent à longueur de journée dans les campements.
Ce chant polyphonique contrapuntique se caractérise par ses yodels, alternance rapide de voix de tête et de poitrine. Les chants pygmées sont essentiellement onomatopéiques.
Lieu & date : Jordanie - Vill. Bodol Housing. Novembre 1997. Durée : 01:16. © P. Kersalé 1997-2024.
L’onomatopée, selon la définition du dictionnaire Robert : “Création d’un mot suggérant ou prétendant suggérer par imitation phonétique la chose dénommée ; le mot imitatif lui-même.” Peut-être à la base du langage humain, les onomatopées fleurissent dans l’expression vocale traditionnelle. Qu’il s’agisse d’imiter un bruit de la nature, un animal, de s’approprier la voix d’un esprit ou de créer un effet singulier, l’onomatopée peut devenir — ou redevenir — langage. Parfois les paroles des chants se cantonnent en une succession d’onomatopées comme dans ce chant de Bédouins. L’onomatopée sert parfois à remplacer, par son caractère vide de sens, les mots manquants d’un chant ou encore à combler sciemment des vides mélodiques.
Lorsque les bédouins se rassemblent pour chanter et danser, ils échauffent leur voix en chantant des onomatopées. On remarquera les courts youyous émis par ces hommes. Cette expression vocale particulière avait peut-être, par le passé, un caractère martial.
Lieu & date : Jordanie - Vill. Bodol Housing. Novembre 1997. Chanteuses : Villageoises de Bodol Housing. Durée : 01:07. © P. Kersalé 1997-2024.
Les femmes bédouines de Jordanie pratiquent, lors des mariages, un chant antiphonal homophonique qu’elles accompagnent rythmiquement d’un tambour en forme de gobelet à une peau (darbukka) tenu sous le bras. De fréquents youyous soulignent le caractère joyeux du moment.
Dans les régions désertiques, l’expression vocale collective est prédominante. Les instruments musicaux sont réduits au strict nécessaire. Les déplacements de ces populations, autrefois nomades, ne supportaient pas les objets superflus. Les Bédouins utilisaient jadis le mortier à café pour rythmer leurs chants. Chez les Touareg du Sahara, un mortier recouvert pour l’occasion d’une peau de chèvre fait encore aujourd’hui office de tambour à membrane.
Aujourd’hui, rançon du progrès, les membranes synthétiques prennent peu à peu le relais des peaux animales pour offrir des performances sonores tout à fait probantes.
Lieu & date : Jordanie - Kassim Ali Motlak Al Bidoul et les villageois de Bodol Housing. Novembre 1997. Durée : 02:02. © P. Kersalé 1997-2024.
À l’instar de toutes les autres communautés du monde, les rencontres entre les jeunes Bédouins de Jordanie servent de prétexte à des festivités improvisées dans la pure tradition locale. Ainsi, certains jeunes pratiquent un type de chant responsorial homophonique conduit par un chanteur soliste qui s’accompagne au luth (‘ud). Cet instrument est répandu dans tous les pays d’Orient et en Afrique du Nord. On le rencontre même en Indonésie, introduit par les musulmans.
Le ’ud se compose d’une grande caisse de résonance piriforme prolongée par un manche court. Le musicien pince les six double cordes avec un plectre traditionnellement en plume d’aigle (aujourd’hui fréquemment en corne ou en plastique) tenu entre le pouce et l’index. Le jeu alterne entre levées et chutes et requiert une grande souplesse du poignet. Dans cette région du monde, le ‘ud a supplanté la vièle rebab utilisée elle aussi et en son temps, pour auto-accompagner le chant.
Lieu & date : Paris. Hugo Barahona. 1993. Harpiste : Hugo Barahona.
Durée : 01:48. © P. Kersalé 1993-2024.
La arpa latina (harpe latine) fut introduite au XVIe s. en Amérique Latine par les Espagnols. Les Jésuites l’enseignèrent aux Indiens qui en jouaient au cours des messes. Elle connaît depuis lors un succès sans cesse grandissant. Aujourd’hui, elle se rencontre principalement au Paraguay, au Venezuela et en Colombie où on l’appelle “arpa de la llanura”, c’est-à-dire “harpe de la plaine”. La harpe du Paraguay se singularise par un espacement plus réduit des cordes.
La technique de jeu de la arpa latina diffère quelque peu de celle des autres harpes du reste du monde. En effet, le musicien joue généralement debout et pince les cordes avec les ongles. Lors des défilés ou des processions, il peut même porter l’instrument et jouer en marchant !
L’instrument originel s’accorde diatonique- ment et ne comporte pas de taquets. Les altérations peuvent toutefois s’obtenir en appliquant un objet métallique, tenu entre les doigts, sur la partie supérieure de la corde.
Cette pièce équatorienne de musique à danser, composée sur un rythme costeñito, est interprétée par un duo de arpa latina. La arpa est couramment accompagnée par le violon et la guitare.
Date & lieu : Italie - Vill. Erba. Ensemble I Bej. 1993. Durée : 01:51. © P. Kersalé 1993-2024.
Les ensembles de flûtes de Pan en forme de radeau (firlinfeu) existant en Lombardie, dans la région de la Brianza au sud du lac de Como, sont des orchestres à démultiplication instrumentale. Il s’agit d’une tradition récente remontant au XIXe siècle.
Leur répertoire est constitué de musiques traditionnelles (marches, valses, mazurkas) et de chants populaires lombards de la Brianza.
Les thèmes des chants et des musiques, par leur caractère bucolique, évoquent la gaieté : chant des femmes à la filature, chant des paysans qui vont au travail, chant du réveil, chant de vendanges, chant du paysan qui réclame la pluie, valse de l’amour, valse de la résurrection…
L’orchestre comprend vingt-cinq firlinfeu en canisse de sept tessitures différentes ; les plus petites s’appellent cantini, les moyennes controcanti et bassetti, les plus grandes bassi. Elles sont fabriquées avec des canisses. Les tubes sont maintenus par quatre ou six éclats de roseaux répartis deux à deux sur chaque face de l’instrument et liés avec de la ficelle. Les tuyaux les plus longs présentent, au niveau de l’embouchure, un empilage conique composé de bagues découpées dans des canisses de différents diamètres et collées les unes sur les autres ; cet artifice permet de faciliter l’insufflation et de jouer la note fondamentale du tuyau et non ses partiels.
L’orchestre est organisé en trois sections :
Ces orchestres se produisent principalement dans les défilés de carnavals et lors des fêtes villageoises où ils animent la danse. Chaque groupe compte également des chanteuses-danseuses présentant des chorégraphies.
Lieu & date : Reconstitution d’après une pièce de Bolivie - Dpt de La Paz - Prov. de Pacajes - Canton de Caquiaviri - Communauté de Laura Llokolloko. 1993. Ensemble Manco Capac. Durée : 02:39. © Manco Capac 1993-2024.
Avant le temps des semailles, au Sud de La Paz (Bolivie), les campesinos (paysans) Aymaras dansent au son des antaras llakitas. Ils portent, à cette occasion, des chapeaux ornés de plumes d’autruche, qui peuvent atteindre un mètre de hauteur, formant une auréole géante loin au-dessus de leur tête, et se parent de leurs plus beaux atours.
Une antara llakita comporte deux rangées de tubes. Seule la première, fermée à la base, est jouée ; la seconde est ouverte et sert à la fois de maintien et d’amplificateur harmonique. Les tubes fermés étant riches en harmoniques impairs mais pauvres en harmoniques pairs, les tubes ouverts apportent ce complément harmonique qui leur fait défaut. Ce choix technologique peut s’expliquer par le fait que ces flûtes de Pan sont originellement des instruments de musique guerrière joués à l’extérieur et se devant d’être puissants.
Un orchestre d’antaras llakitas est composé de trois paires de flûtes qui se classent dans l’ordre décroissant de la façon suivante :
La gamme est répartie sur chaque paire d’instrument, l’un possédant les notes paires et l’autre les impaires. Cette répartition contribue au maintien de la continuité sonore puisque chaque musicien peut respirer tandis que joue son complément. Ces musiques étant interprétées à l’extérieur, cette technique permet également aux musiciens de jouer avec plus de puissance puisqu’ils peuvent respirer plus souvent. Ainsi, pour jouer les trois paires de flûtes de Pan, six musiciens sont requis.
Le rythme est soutenu par un tambour cylindrique à membrane double (wankara). Une ficelle, jouant le rôle de timbre sur laquelle sont nouées des épines de cactus, est tendue sur l’une des peaux.
L’emploi des antaras llakitas est lié aux rituels dédiés à la Pachamama (déesse de la terre et de la fécondité), comme la Fiesta de La Cruz et le Corpus Cristi. On peut les entendre aussi lors de l’événement exceptionnel que constitue l’installation d’un nouveau Mallku (autorité religieuse et politique d’une communauté Aymara).
Cet enregistrement est une reconstitution par le groupe Manco Capac d’après un document sonore recueilli par Max Peter Baumann.
Lieu & date : Chypre - Vill. Limasol. 1994. Musiciens : Andreas Aristidou, Kyriacos Zittis. Durée : 02:17. © P. Kersalé 1994-2024.
Successivement occupée par les Grecs, les Perses, les Romains, les Byzantins, les Francs, les Vénitiens, les Arabes, les Turcs et les Britanniques, Chypre a conservé une musique riche des multiples influences qui ont traversé son histoire.
Malgré tout, la langue, la civilisation et la culture grecques sont toujours restées prédominantes pour former le caractère et le sentiment national de la majorité des Chypriotes. C’est pourquoi les éléments de base de la musique populaire ne sont pas, dans l’ensemble, différents de ceux de la musique populaire de la Grèce proprement dite.
L’interprétation est monodique, utilisant le violon et la voix comme instruments principaux, le luth, dit laouto, jouant un rôle d’accompagnateur n’employant aucune forme d’harmonisation.
Le laouto est un instrument de la famille des luths et cousin proche du ‘ud arabe. Il se distingue par un manche plus long. La caisse piriforme à dos bombé est constituée de lamelles en bois alternativement claires et sombres, collées ensemble. La table d’harmonie est en bois blanc et percée d’une ouverture centrale en forme de rosace, richement sculptée et teintée différemment du reste du corps. Enfin, il comporte huit cordes groupées par deux, accordées en quintes successives.
Par son jeu, le laoutaris (joueur du laouto), qui ici accompagne son propre chant, accentue les divers rythmes et conserve la stabilité du tempo. Cette technique est parfaitement adaptée à la musique traditionnelle chypriote où les différents dessins rythmiques doivent être fortement soulignés. De plus, un tel jeu permet au laoutaris de prouver sa virtuosité en ce qui concerne l’improvisation vocale, car il est très souvent le chanteur principal.
Autrefois ce type de formation instrumentale accompagnait fêtes religieuses, soirées particulières, festivités diverses et surtout mariages, accompagnés du début à la fin par la musique. Lors des fêtes ou des foires, il y avait des concours organisés pour permettre aux musiciens d’afficher leur faculté d’improvisation, tant pour la musique instrumentale que pour le chant*.
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* © Victoria Panayi-Ladreyt 2024.
Date : 1993. Musiciens : Jaroslav Hrbacek, Patrick Kersalé, Vojtech Munka, Vojtech Munka. Durée : 01:42. © P. Kersalé 1993-2024.
Le nai (prononcer naï) est devenu l’emblème musical de la Roumanie. Originellement instrument pastoral, il a rejoint depuis plus de deux siècles le taraf (orchestre folklorique roumain) et pris la place de soliste qui lui revient compte tenu de ses immenses possibilités techniques et musicales. S’il est adapté au jeu des pièces rapides, sa courbe permettant de suivre le mouvement de rotation de la tête, il autorise également l’interprétation de complaintes en imitant l’expressivité de la voix humaine.
Un savant jeu de lèvres permet de transformer l’instrument accordé diatoniquement en instrument chromatique.
Ici, le taraf est composé d’un nai, d’un violon, d’une contrebasse et d’un cymbalum. Ce dernier fait partie de la grande famille des cithares à cordes frappées tels le dulcimer, le psaltérion ou le santur. Il s’agit d’un instrument trapézoïdal sur lequel les cordes métalliques sont tendues par des chevilles.
Groupées par trois ou quatre et accordées à la même hauteur, elles sont frappées à l’aide de deux baguettes recourbées à leur extrémité et enrobées de fil de coton. Ces enroulements, plus ou moins serrés et plus ou moins épais, permettent de produire un son clair ou étouffé. Comme sur le piano, le son peut être raccourci ou allongé par le jeu d’une pédale manœuvrant des étouffoirs. La tessiture est de quatre octaves accordées chromatiquement.
Le cymbalum se rencontre principalement en Hongrie, Moldavie, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie...
Lieu & date : Rajasthan - Udaipur. Novembre 1996. Ensemble musical Sarangiya Langa de Folodi. Durée : 02:13. © P. Kersalé 1996-2024.
Musique de mariage du Rajasthan interprétée par des musiciens Sarangiya Langa avec les instruments suivants : un harmonium, deux sārangī, un ḍholak, une paire de khartāl. Les Sarangiya Langa — appelés ainsi car jouant du sārangī —sont une caste de musiciens musulmans jouant pour leurs patrons traditionnels, les gardiens de bétail Sindhi Sipahi.
L’harmonium est un instrument à anches libres commandées par un clavier. Des tirettes permettent de sélectionner des bourdons de différentes hauteurs. Le musicien joue avec une seule main, l’autre étant occupée à actionner le soufflet.
La récente introduction de cet instrument en Inde a contribué à déformer la musique du fait de l’apport de la gamme tempérée occidentale à douze demi-tons, alors que la musique indienne procède, elle, par micro-intervalles (sruti). Dias 43
Le sārangī est une vièle à manche court confectionnée dans une unique pièce de bois. Il mesure de 66 à 69 cm de long. Sa caisse de résonance oblongue est tendue d’une peau de chèvre et présente deux importantes dépressions latérales. Elle est munie de deux cordes métalliques accordées à l’unisson de la tonique — la première est jouée par pression latérale des ongles et la seconde est un bourdon optionnel —, deux cordes de boyau accordées à la quinte et à la tonique inférieure, seize fines cordes sympathiques en métal.
Les chevilles d’accordage des cordes de jeu traversent le sommet du manche. Les chevilles d’accordage des cordes sympathiques sont réparties sur la largeur du manche, du côté opposé à celui du jeu. L’archet de bois est long et légèrement courbé.
Le ḍholak est un tambour en tonneau tendu de deux peaux de chèvre frappées à deux mains. Les deux peaux sont reliées par un système de laçage en Y dans lequel passe un anneau métallique permettant leur accordage. L’instrument mesure entre 40 et 50 cm de longueur pour un diamètre voisin de 20 cm.
Les doigts de la main droite produisent une palette de sons “clairs” sur ou près de la bordure de la peau, tandis que la main gauche produit deux frappes principales, “sourdes” : une frappe ouverte et une frappe fermée. On joue également avec des roulements de doigts.
Les khartāl sont constitués d’une double paire de planchettes de bois rectangulaires d’environ 15 x 5 cm que l’on entrechoque (claquettes). Le joueur en tient une paire dans chaque main. Les planchettes, indépendantes, sont tenues verticalement dans leur plus petite largeur, dans le creux de la main, l’une actionnée avec les doigts et l’autre avec le pouce. La technique est difficile, mais les musiciens sont capables de prodigieux exercices de virtuosité.
Lieu & date : Myanmar. 2010. Durée : 01:05. © Patrick Kersalé 2010-2024.
Au fil du temps, les bergers ont élaboré la richesse du patrimoine instrumental et musical de l’humanité. Leurs motivations s’avèrent très diverses : communiquer avec les animaux ou avec les esprits de la nature, rompre leur solitude, combattre le sommeil, vaincre peurs et angoisses...
Dans le monde entier, les conducteurs de troupeaux ont inventé et développé des langages multiformes pour communiquer avec le bétail : concret, onomatopéique, crié, sifflé.
Appeler, chasser, faire avancer, reculer, aller à droite, à gauche, arrêter un attelage ou un troupeau... sont des manœuvres que certains commandent exclusivement à la voix.
Dans cette séquence vidéo, le laboureur intime des ordres à ces buffles avec diverses onomatopées héritées de ses aïeux.